
"De plus en plus de Calédoniens ont faim", appuie Annie Qaeze, élue Calédonie ensemble et rapporteure de la proposition de loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire [1] examinée au Congrès lundi 25 août, évoquant "l’augmentation du nombre de sans-abri et les difficultés croissantes auxquelles font face les ménages". Entre les milliers d’emplois détruits, l’inflation et la problématique des transports, la population est confrontée à la précarité. Cette paupérisation d’une partie de la société, les associations caritatives la ressentent sur le terrain. Selon Saint-Vincent-de-Paul, Dorcas, Macadam, la Banque alimentaire, la Rapsa, le Secours catholique, Solidarité RS, etc., qu’Annie Qaeze a rencontré, la demande d’aide "a bondi de plus de 30 % dans les mois qui ont suivi les émeutes". Les dons, aussi, ont baissé, alors que ces structures sont davantage sollicitées. C’est notamment à cette "urgence sociale" que le texte vise à apporter une première réponse.
Mais, la proposition de loi cherche également à réduire le fléau du gaspillage alimentaire en Nouvelle-Calédonie, où 4 415 tonnes de biodéchets ont été recensées en 2021, soit l’équivalent de 10,5 millions de repas perdus en une année, cite le rapport d’Annie Qaeze. Une filière est "particulièrement exposée", celle des fruits et légumes, pour laquelle "près d’un tiers des volumes produits localement n’est ni écoulé ni valorisé". En tout, les pertes représenteraient entre 2 à 5 % du chiffre d’affaires des opérateurs de la grande distribution. Un gâchis à deux niveaux : "à la fois sur le plan économique, en fragilisant la structuration des filières locales, en renchérissant le coût des denrées alimentaires, et sur le plan social, alors que de nombreux foyers connaissent une insécurité alimentaire croissante".
En instaurant "un cadre juridique", le texte présenté au Congrès souhaite inciter les entreprises à donner, elles qui se montraient parfois réticentes par crainte notamment d’éventuels soucis sanitaires, et ainsi "renforcer la solidarité et réduire le gaspillage alimentaire". Les sociétés concernées sont celles, qu’ils s’agissent de producteurs, importateurs, transformateurs ou distributeurs, dont le chiffre d’affaires dépasse le seuil d’un milliard de francs, ce qui représente 43 structures, en majorité des grandes surfaces.

La proposition de loi les contraint à valoriser leurs invendus sous forme de dons aux associations qui, ensuite, les distribueront à leurs bénéficiaires. Pour les mettre en relation, une plateforme numérique va être mise à place en lien avec le site prix.nc. Le procédé est simple, explique Annie Qaeze. "Une grande surface se connecte sur la plateforme, poste une photo et décrit les produits qu’elle met à disposition. L’association reçoit une alerte, se rend sur la plateforme et décide si elle est intéressée et récupère les denrées en question." L’idée est aussi de permettre d’améliorer la qualité des dons, poursuit l’élue, pour beaucoup "composés de sodas, de gâteaux secs, de chocolats, de pots de moutarde en grande quantité ou encore de palettes de chips".
Si l’ensemble des représentants du boulevard Vauban s’est félicité, lundi en fin de journée, de l’adoption de ce texte, voté à l’unanimité, il a été en partie vidé de sa substance entre le moment où il a été déposé sur le bureau et son passage en séance. L’instauration d’une "amende forfaitaire minime" à la place d’une sanction représentant 1 % du chiffre d’affaires en cas de non-respect de l’obligation de valoriser les invendus par le don, jugée trop élevée, ne devrait guère avoir d’effet dissuasif. "Mais sur le principe, les principaux opérateurs nous ont dit, lors des auditions, qu’ils étaient d’accord pour jouer le jeu", précise Annie Qaeze.
Ce n’est pas le seul point de la proposition de loi qui a été revue. Au départ, les établissements concernés étaient ceux dont le chiffre d’affaires atteignait 100 millions de francs (et non un milliard). Et les secteurs du textile et de la droguerie étaient également concernés en plus de l’alimentaire. Un amendement supprime par ailleurs l’obligation spécifique de transmission régulière des données sur les invendus.
Un délai de trois mois est laissé aux opérateurs pour se mettre en conformité, ce qui correspond à peu près au temps nécessaire pour mettre sur pied la plateforme numérique, d’après les services du gouvernement. Annie Qaeze espère que d’autres textes suivront. "Ce n’est qu’un premier pas dans un long chemin de combat. On ne peut pas, du jour au lendemain, éradiquer le gaspillage alimentaire."
Links
[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/environnement/politique/la-nouvelle-caledonie-va-t-elle-adopter-une-loi-pour-reduire-le-gaspillage-alimentaire
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