
Ils avaient annoncé 3 000, en espéraient 5 000, ce sont finalement 6 500 personnes, d’après les décomptes policiers, qui ont répondu à l’appel des organisateurs de la marche contre l’ice, samedi 6 septembre dans les rues de Papeete, en Polynésie française. Un "succès" pour la Fédération de lutte contre les drogues et la toxicomanie, à l’origine de cet appel, également entendu par plusieurs ministres, des chefs d’entreprise, des responsables associatifs et des représentants de fédérations et clubs sportifs.
Il faut dire que peu de discours et banderoles avaient de quoi cliver, samedi matin : "Non à l’ice, oui à la vie", "Un gramme vendu, une vie de perdue", "protégez nos enfants", l’ice "vole tes rêves", "te promet le paradis et t’amène en enfer"… Au milieu de la forêt de pancartes et d’affichettes, beaucoup de messages religieux : protestants, adventistes, mormons ou sanito avaient tous relayé l’ordre de mobilisation, comme les catholiques.
Si "l’espoir" est maître mot dans les discours, certaines prises de parole sont tout de même plus incisives sur le manque de réactions des autorités et élus, directement interpellés par la fédération organisatrice. Dans la foule, beaucoup espèrent que la mobilisation fera "bouger les lignes", pour une justice "plus ferme" contre les trafiquants, qualifiés "d’assassins", davantage de moyens pour la sensibilisation et le soin des addicts, ou encore des dispositifs de veille dans les établissements scolaires ou les quartiers, pour repérer les jeunes "en train de glisser". Ça va mettre un coup de pied dans la fourmilière", espère par exemple Vaihei, venue de Tautira avec une soixantaine d’autres marcheurs accompagnés par l’association Natiaroa. Enseignante au lycée, elle est au contact avec "beaucoup de jeunes confrontés" à l’ice, et confie se sentir démunie face au phénomène : "C’est tout un travail qu’il faut faire avec les parents, la famille." Certes le rassemblement de samedi va dans le bon sens, mais elle regrette de croiser "surtout des adultes" et peu de jeunes, premiers concernés.

Plusieurs intervenants au micro rappellent que les addictions se construisent avant tout sur des traumatismes et difficultés existantes. Précarité, isolement, violences physiques ou sexuelles… "C’est aussi contre les cicatrices laissées par le quotidien qu’il faut lutter", lance un pasteur venu de Moorea avec une partie de sa communauté.
En fin de manifestation, alors que l’avenue Pouvanaa était remplie de militants, une petite délégation de la fédération de lutte contre les drogues a été reçue au haut-commissariat. Ils ont fait passer une lettre de revendications déjà adressée aux élus de Tarahoi, et espérer obtenir un entretien rapidement.
L’exécutif avait communiqué en fin de semaine sur les actions déjà déployées ou envisagées pour lutter contre l’ice. Campagne de sensibilisation de la direction de la Santé, création d’une "filière spécialisée" aux urgences du CHPF, avant le lancement, d’ici quelques mois, de l’équipe de liaison et de soins en addictologie Elsa, "avancée majeure" du pôle de santé mentale, annoncé dès 2011 et désormais prévu pour une entrée en opération début 2026…
La présidente de la fédération Kathy Gaudot et sa figure de proue Charles Renvoyé promettent que cette marche ne restera pas "une mobilisation isolée". "On est là pour faire changer les choses, pour sauver notre belle Polynésie et on continuera à faire de bruit jusqu’à ce qu’on y arrive."