
Le Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen ainsi que onze autres personnes, soit la moitié des condamnés en première instance, seront rejugés en janvier et février au cours de cinq semaines de débats pour détournement de fonds publics au préjudice du Parlement européen, selon le calendrier fixé lundi par la cour d’appel de Paris lors d’une audience d’organisation.
Le 31 mars, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la cheffe des députés du Rassemblement national (ex-Front national, FN) à quatre ans d’emprisonnement dont deux ferme, 100 000 euros d’amende et, surtout, une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate. La justice l’a reconnue coupable, ainsi que 24 anciens eurodéputés, assistants, expert-comptable et le parti d’extrême droite en tant que personne morale, d’avoir mis en place un "système" entre 2004 et 2016 pour payer des salariés du parti avec l’argent du Parlement européen pour un préjudice économique évalué au final à 3,2 millions d’euros (près de 382 millions de francs).
Seules douze des personnes condamnées ainsi que le parti ont fait appel, notamment le maire de Perpignan Louis Aliot, le député Julien Odoul, l’eurodéputé Nicolas Bay, ainsi que deux cadres historiques du RN, Wallerand de Saint-Just et Bruno Gollnisch.
La cour d’appel de Paris a accéléré son calendrier pour ce dossier, afin d’être en mesure de rendre son arrêt à l’été 2026. Lors de l’audience de fixation lundi 8 septembre, l’avocat de Marine Le Pen, Me Rodolphe Bosselut, s’est fait le porte-parole des prévenus pour que l’audience se tienne après les élections municipales des 15 et 22 mars 2026, afin que "les calendriers judiciaires et politiques ne se parasitent pas mutuellement". La demande n’a pas été entendue par le parquet général, qui a maintenu avant le scrutin local, en vue de "tenir le plus à distance possible le délibéré, le débat judiciaire, de l’échéance électorale cardinale", soit le scrutin présidentiel du printemps 2027. "On a créé un sort procédural très spécifique pour Marine Le Pen, puisque les délais d’audience sont entre deux et trois ans. (Les prévenus) ont voulu accélérer, je ne vois pas pourquoi ils viendraient aujourd’hui s’en plaindre", a réagi à l’issue de l’audience Me Patrick Maisonneuve, avocat du Parlement européen.
Dans l’attente de son procès d’appel, Marine Le Pen multiplie les recours pour tenter de faire déclarer inconstitutionnel le caractère immédiat de son inéligibilité. En juillet, l’ancienne avocate a formulé deux requêtes distinctes au Conseil d’État. La première, contre un jugement du tribunal administratif de Lille du 4 juin qui confirme sa démission d’office de son siège de conseillère départementale du Pas-de-Calais prononcée deux mois plus tôt par le préfet de ce département. La seconde, contre la décision du Premier ministre de ne pas accéder à sa demande d’abroger des dispositions du Code électoral qui prévoient sa radiation des listes électorales, précisément en raison de l'"exécution provisoire" de sa condamnation pénale.
À l’appui de chacun de ces recours, la triple candidate malheureuse à la présidentielle a également déposé auprès du Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), en vue d’une éventuelle transmission au Conseil constitutionnel, estimant que son inéligibilité immédiate est notamment contraire à "la liberté de candidature" et "la liberté des électeurs", selon elle protégées par le texte fondamental.
Elle a pourtant déjà connu un revers : lors de l’audience devant le tribunal administratif de Lille, une première QPC a été rejetée, les magistrats ayant relevé que les articles de loi qui ont permis sa condamnation à l’inéligibilité immédiate ont déjà été reconnus conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans de précédentes décisions