Une musique mélodieuse qui ferait presque oublier la dureté des paroles. Les chansons de Iouri Mroz parlent de souffrances psychologiques, d'addictions, de dépression. "L'addiction, c'est tout ce qui vide la vie de son sens, tout en la faisant paraître meilleure. Derrière une addiction peut se cacher une détresse si bien dissimulée qu'on la méprise en mécompréhension", est-il écrit en préambule du clip Dans mon crâne, l'un des morceaux de son premier album Mauvais trip. "C'est un voyage au sein de mon univers. Durant cinq chansons, on entre dans ma tête."
L'artiste de 24 ans a remporté deux années d'affilée, avec le réalisateur Rémi Pereira de Carvalho, le prix du meilleur clip, d'abord dans le cadre du concours organisé lors du Festival du cinéma de La Foa en 2024 puis cette année, lors de celui porté par l'association Cinéma d'ici et d'ailleurs, et qui illustre la chanson Chambre livide. L'album Mauvais trip est disponible sur les plateformes de streaming depuis le 21 mai 2024. "J'ai décidé de ne pas déformer mon art, de ne pas le dénaturer au vu de l'actualité, précise Iouri Mroz. Il y a une cohérence d'ensemble dans l'album, une direction artistique. Tous les morceaux parlent de moi, c'est très introspectif. Ça parle d'addiction, de comportements autodestructeurs." Le tout sur une musique douce, façon cloud rap. "C'est très mélodieux, très inspiré par la old school, le style multisyllabique, avec beaucoup de rimes. C'est du rap conscient."
Le jeune Iouri a grandi entre la maison de sa nounou Saraï, à Dumbéa-rivière, et la maison familiale à Yahoué. La musique est alors absente de son quotidien. "J'ai eu mon premier téléphone à 18 ans, et j'ai découvert les grands artistes du moment, Rihanna, Eminem, bien après tout le monde." S'il admire les belles voix et la technicité de certains rappeurs, il ne parle pas anglais : "Je ne comprenais pas les paroles." C'est son grand frère qui lui fait découvrir le rap français, avec Guizmo, Keny Arkana ou L.I.M. "Là, je comprenais les textes, mais je ne m'identifiais pas." Iouri décide d'écrire ses propres morceaux.
Il poste ses premiers textes sur Instagram et sur la page NewCalRap. "Je n'y connaissais rien. J'ai reçu énormément de critiques négatives. C'était bien, ça m'a poussé à écrire davantage. Je regardais des tutoriels, je partais vraiment de zéro." Pas de quoi l'arrêter : "Parfois, il faut se viander pour se remettre en question, ça permet de rebondir. Pas de pression, je fais ça pour moi", glisse-t-il. Mais il tempère : "Pas de pression, oui, mais rigueur et discipline." Deux mots d'ordre essentiels pour avancer.
Le travail, donc, mais aussi et surtout le réseau qui joue un rôle clé. À l'EGC, il rencontre Lohma, Louls, Solo et Bkush. "Ils m'ont fait sortir de ma zone de confort. Ils m'ont emmené au Big Up Day." Sur place, un concours de freestyle est organisé. Iouri s'inscrit et remporte la première place. "J'avais un bon rap, mais je n'avais pas encore trouvé mon identité." De rencontres en collaborations, il participe à un album collectif 100 % calédonien, Connexion, avec la "bande des quatre", Chavi et Kan3Z. Mais il estime ne pas avoir encore trouvé sa voix.
En 2021, ses amis quittent le Caillou. Iouri reste. Il se rapproche alors de Kan3Z, qui compte plusieurs centaines de milliers de vues sur YouTube avec des titres comme Pump it Faya, remix local de The Black Eyed Peas. Une rencontre décisive : "Il m'a libéré. Il m'a fait enregistrer un morceau phrase par phrase. Ça nous a pris cinq heures. J'ai zéro connaissance en musique, mais j'imite très bien." Une méthode qui lui permet ensuite de chanter le titre d'une traite.
Prochaine étape : la scène des Francofolies de Nouméa, fin septembre. Soutenu par Kan3Z, Iouri travaille également avec des professionnels sa prestance scénique pour ce grand rendez-vous. "Se professionnaliser, c'est ce que j'ai toujours voulu. Montrer que ce n'est pas qu'un passe-temps. Je ne veux pas arriver à 35 ans en ayant fait de la demi-mesure. Tant que j'ai tout donné, même si je n'arrive pas là où je voulais aller, c'est l'essentiel."
Alors, Iouri Mroz continue d'écrire, de chanter, de travailler, de s'entourer et "de ne jamais dire non à une opportunité". "Je veux toucher la France", ambitionne celui qui a posé les pieds en Europe pour la première fois en 2024. L'occasion de donner un concert à Montpellier avec Selug, "un rappeur en train de percer". Un nouvel album est en préparation. Un voyage, toujours. Mais cette fois, peut-être, un bon trip ?
