
Cinq jours après la mort de Faara, sa famille et ses amis veulent connaître la vérité. Les circonstances de la mort du jeune homme de 32 ans, touché par un tir dans la tête après une intervention de gendarmes en marge d’une fête dans le village de Plum [1], jeudi 18 septembre, restent encore floues. Ce mardi 23 septembre, à l’appel de sa famille et de ses amis, une trentaine de personnes se sont rassemblées devant le lieu du drame avec des banderoles portant inscription "justice pour Faara" ou encore "gendarmes assassins".
Un rassemblement dans la dignité, où la tristesse le dispute à la colère et où le message est clair : "On a un sentiment d’injustice, témoigne Soane, l’oncle de la victime, référent de la famille Nous n’avons aucun retour du parquet pour informer la famille du déroulement de l’enquête. Nous voulons que justice soit faite et que le gendarme qui a tiré ait le même traitement qu’un citoyen normal."
Car la version communiquée dimanche soir par le parquet ne semble pas satisfaire la famille ni les amis de la victime, notamment ceux qui ont assisté à la scène. Selon le procureur, Yves Dupas, un gendarme aurait ouvert le feu à deux reprises en direction d’un véhicule conduit par un homme en état d’ivresse qui roulait dans leur direction après avoir percuté une voiture et un poteau à la suite d’une bagarre sur fond d’alcool. Les deux balles auraient touché le véhicule et l’un des projectiles aurait traversé le pare-brise avant d’atteindre la victime à la tête, située derrière celui-ci et qui n’avait rien à voir avec les faits. Le conducteur du véhicule a été placé sous contrôle judiciaire et mis en examen pour dégradations volontaires, conduite sans permis, refus d’obtempérer et mise en danger de la vie d’autrui. Quant au gendarme, il a été placé sous le statut de témoin assisté.

Or, selon des témoins présents ce soir-là, ce seraient trois coups de feu qui auraient été tirés et la victime était debout entre le véhicule et les gendarmes et c’est le premier tir qui lui aurait été fatal. "Il n’y a pas eu de sommation, rien du tout. Ils sont sortis directement avec leurs armes et ils ont tiré", raconte une jeune femme présente ce soir-là. Elle prétend que "les gendarmes essaient de me faire changer ma déclaration. Ils me font passer pour une menteuse".
Y avait-il un autre moyen de stopper le véhicule ? Le gendarme a-t-il fait usage de son arme de manière conforme à la procédure ? Les secours ont-ils été appelés suffisamment rapidement ? Si l’enquête en cours devrait permettre de faire la lumière sur les circonstances qui ont conduit à ce drame, les aînés de la famille et du quartier essaient de calmer les plus jeunes qui, eux, ne ravalent pas leur colère. "On est calme, mais là, il y en a assez, soupire une tante de la victime. On demande la vérité. Il faut que les gendarmes reconnaissent leurs torts. Quand on porte une arme et qu’on a du pouvoir, il y a des règles, des formations, des procédures. On n’est pas dans un pays en guerre, on ne tire pas à balles réelles à hauteur d’homme", se désole la septuagénaire.
Contacté, le parquet indique que "dix-neuf témoins ont été entendus. Certains évoquent un tir, d'autres deux et certains trois. Les vérifications sur l'arme du gendarme et les douilles retrouvées font conclure à deux tirs", affirme le procureur, Yves Dupas, qui réfute toute pression sur des témoins. L'autopsie n'ayant pas encore été pratiquée, le corps de Faara Tournier n'a pas encore été remis à sa famille.
À la veille des festivités du 24 septembre, le FLNKS a publié un communiqué dans lequel il dénonce le "déploiement démesuré de plusieurs contingents de policiers et de gendarmes mobiles, ainsi que la mise en place d’une fermeture administrative de la vente d’alcool pendant dix jours".
Pour le Front, ce déploiement de forces de l’ordre "entretient une psychose" et "ouvre la porte au délit de faciès. Les Kanak et les Océaniens se retrouvent systématiquement suspectés, fouillés, contrôlés, comme s’ils étaient collectivement coupables", estime-t-il. Le Front de libération nationale kanak et socialiste ajoute que l’envoi sur le territoire de "jeunes gendarmes métropolitains qui ne connaissent rien au pays" est source d’incompréhensions.
"Le drame de Plum en est une tragique illustration. Là où autrefois le dialogue et la prévention prévalaient grâce à des gendarmes connaissant bien le terrain et travaillant en étroite collaboration avec les autorités coutumières et locales, la confrontation directe est désormais devenue la norme", déplore le FLNKS, qui demande "aux autorités de l’État de retirer immédiatement les contingents supplémentaires déployés."
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[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/justice/faits-divers/le-jeune-homme-blesse-a-la-tete-a-plum-est-decede-le-gendarme-mobile-place-sous-le-statut-de-temoin-assiste
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