
Si la Nouvelle-Calédonie abrite dans ses eaux "la troisième population de dugongs au monde", introduit Marc Orémus, responsable WWF, membre du Plan d’action dugong, le nombre d’individus a largement décliné ces vingt dernières années, passant de près de 2 000 en 2003 à environ 400 en 2018, "une estimation optimiste de ce qu’il doit rester". Un nouveau comptage est prévu en juin 2026, ce qui devrait permettre d’avoir un chiffre actualisé. "La réalité, c’est que les dugongs sont plus menacés que jamais." L’espèce est classée en danger d’extinction par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Les menaces qui pèsent sur les vaches marines sont identifiées depuis bien longtemps maintenant. Et la pression humaine, en particulier [1], "entraîne trop de mortalité pour que cette population soit en capacité de se maintenir, et encore moins de rebondir et d’augmenter", poursuit Marc Orémus. En premier lieu, le braconnage et les collisions avec les bateaux, mais aussi les prises accidentelles dans les filets de pêche et la destruction de leur habitat, les herbiers, sur lesquels ils se nourrissent. "Il y a vraisemblablement un dugong sur trois qui meurt à cause d’un impact direct de l’homme, ce qui est énorme", insiste le représentant du WWF.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le lancement d’une campagne portée par l’Agence néo-calédonienne de la biodiversité (ANCB) dans le cadre du Plan d’action dugong (PAD), qui bénéficie du soutien financier de l’État, via le Fonds Vert et du WWF-France. Ce projet, intitulé "Préservation de l’espèce marine la plus menacée de Nouvelle-Calédonie, le dugong", a débuté en 2024 et doit s’achever l’an prochain. Son objectif ? "Mobiliser les Calédoniens, assurer une prise de conscience collective de la situation des vaches marines, qui sont dans un état critique, essayer de les impliquer dans leur conservation, et encourager les comportements responsables, les bonnes pratiques", développe Léa Bernagou, chargée de mission Plan d’actions dugong à l’ANCB.

Pour informer le plus grand nombre, une exposition itinérante est prévue, qui passera notamment par les établissements scolaires, une mallette pédagogique à destination des enseignants a été réalisée, des ateliers visant les usagers de la mer et les pêcheurs doivent également être réalisés, et différents supports de communication seront diffusés, dont un film d’animation au cinéma et à la télévision.
Une autre action consiste dans le recrutement d’ambassadeurs(rices). L’idée est d’impliquer les Calédoniens et de les "encourager à agir à leur échelle", précise Morgane Viviant, coordinatrice du pôle marin à l’ANCB. Le but est d’avoir des relais locaux pour amplifier nos messages et de démultiplier les actions au plus près des habitants." Tout le monde peut se positionner : citoyens, associations, entreprises, etc. Les personnes intéressées bénéficieront d’une formation et pourront être dotées de supports pédagogiques. Un parrain et deux marraines se sont déjà associés à l’initiative, les jeunes nageurs Kenzo Meudal Takase et Manon Baldovini, ainsi que la nouvelle Miss Nouvelle-Calédonie Juliette Collet.

Depuis 2010 et le lancement du premier Plan d’action dugong, plusieurs initiatives ont été menées par les différents acteurs, sans vraiment parvenir à faire chuter la mortalité. "Cela ne suffit pas, il faut être plus efficace sur ces pressions, en particulier le braconnage", affirme Marc Orémus, rappelant la découverte récente d’un dugong mort à Dumbéa.
"Il faut démultiplier les moyens, ajoute le responsable du WWF. Est-ce qu’il faut davantage de surveillance, de répression, de réglementation, etc. ? Oui, probablement. Ce n’est pas simplement la sensibilisation ou la connaissance. Il faut mettre tout cela ensemble de façon coordonnée pour avoir un impact réel." Et essayer de créer un mouvement collectif, seul à même d’être efficace pour inverser la tendance. Sinon, prévient le scientifique, "la population va finir par disparaître à court ou moyen terme". Un cri d’alerte repris par Anne-Sophie Carnuccini, directrice de l’ANCB. "Aujourd’hui, c’est un peu le dernier sursaut. On espère que tout le monde va y participer pour en faire une réussite. Si on ne se met pas tous en ordre de marche pour sauver les dugongs, dans quelques années, il n’y en aura plus."

Les vaches marines vivent principalement sur la côte Ouest, même s’il y en a un peu sur la côte Est. Leur population se concentre notamment dans la région du Grand Nouméa, de Bourail et Poya, ainsi que de Koné et Voh. Leur présence est principalement corrélée à celle d’herbiers, dont ils se nourrissent. Les dugongs sont donc moins présents dans le Grand lagon Sud.
L’espèce a un "rôle très important dans son écosystème, notamment au niveau des herbiers, explique Marc Orémus, responsable de l’antenne calédonienne du WWF. Ils mangent de l’herbe, et contribuent ainsi à l’équilibre de ces écosystèmes, qui sont très importants pour le lagon." Le dugong a également une forte valeur culturelle et patrimoniale. "Une étude menée par l’IRD sur les espèces qui pour nous ont une aura, a révélé que la vache marine était en haut du classement avec la tortue, etc." Et puis, affirme Marc Orémus, il y a une responsabilité collective "de ne pas être capable de protéger des espèces aussi emblématiques. C’est quand même un aveu d’échec. Si on n’est pas capable de faire ça, qu’est-ce qu’on va être capable de préserver ?"
Pour tout savoir sur les dugongs et devenir ambassadeur, le site Internet de l’Agence néo-calédonienne de la biodiversité [3]. L’ANCB lance également un appel aux dons afin de financer ses actions.
Links
[1] https://www.lnc.nc/article/environnement/sciences/nouvelle-caledonie/infographies-sept-choses-a-savoir-sur-les-echouages-de-mammiferes-marins
[2] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/grand-noumea/dumbea/environnement/faits-divers/une-femelle-dugong-braconnee-a-dumbea
[3] https://www.ancb.nc/plan-daction-dugong-pad
[4] https://www.lnc.nc/user/password
[5] https://www.lnc.nc/user/register
[6] https://www.lnc.nc/formulaire/contact?destinataire=abonnements