
Comprendre les liens entre le climat et la santé pour anticiper les épidémies : c’est le défi que s’est lancé Léa Douchet, doctorante à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en Nouvelle-Calédonie. Sa thèse en mathématiques appliquées vise à créer des modèles prédictifs capables d’aider les communautés à se préparer face aux maladies tropicales comme la dengue ou la leptospirose. "Je récupère des données de santé issues de différents pays et des données climatiques obtenues par satellite. Les mathématiques appliquées permettent d’étudier les liens entre ces variables, d’identifier les indicateurs clés et d’utiliser ces relations passées pour prédire les risques futurs."
Basée à Nouméa, Léa Douchet s’épanouit dans ce qu’elle décrit comme un milieu "stimulant et foisonnant d’idées". "J’adore l’ambiance des laboratoires de recherche, l’émulation intellectuelle, les échanges permanents. Et puis la vie en Nouvelle-Calédonie me correspond : j’aime être dehors, faire du sport, profiter de la nature."
Lauréate du Prix Jeunes Talents France 2025, elle voit cette distinction comme un symbole de persévérance : "Le parcours de recherche est semé d’embûches, de doutes, mais aussi de passion. Recevoir ce prix, c’est une belle reconnaissance de tout ce cheminement." Et à celles qui hésitent à se lancer dans la science, elle adresse un message simple : "Il faut oser y aller. Même quand on doute, il faut aller voir, essayer, se confronter. Et surtout, bien s’entourer. Si vous avez dans votre entourage des jeunes filles attirées par les sciences, encouragez-les : c’est une expérience passionnante et pleine de sens."
Noreen Wejieme, 31 ans, vient tout juste de soutenir sa thèse en écologie marine. Ses travaux évaluent le compromis entre bénéfices nutritionnels et risques de contamination des poissons coralliens dans le Pacifique. "Mon premier chapitre portait sur l’ensemble du Pacifique. J’ai utilisé des données déjà existantes pour créer des modèles permettant d’identifier les variables les plus influentes sur la concentration de contaminants dans les poissons : population, température de l’eau, surface agricole, pesticides…"
En Nouvelle-Calédonie, elle a mené des campagnes d’échantillonnage tout autour de l’île. "Certaines zones présentent un peu plus de métaux, notamment près des sites miniers, mais à des niveaux largement inférieurs aux seuils dangereux. On peut consommer du poisson sans inquiétude. Et surtout, les poissons calédoniens sont riches en minéraux et acides gras essentiels."
Également lauréate, Noreen Wejieme voit dans cette reconnaissance une opportunité unique : "Ce prix me permet de valoriser mes recherches à l’échelle du Pacifique et de montrer leur importance pour les communautés insulaires." Elle rêve de créer un indicateur de "consommabilité" pour aider les populations locales à choisir les espèces "les plus nutritives et les moins contaminées". Et à celles qui doutent d’elles-mêmes, elle insiste : "Il faut dire aux femmes : 'vous avez le droit, vous avez votre place. De toute façon, qu’avez-vous à perdre ? Rien.'"
Doctorante à l’Université de la Nouvelle-Calédonie et originaire de l’archipel, Naïna Mouras consacre sa thèse à la protection des mangroves, ces forêts côtières essentielles à la résilience des milieux marins. "Mes recherches visent à mieux comprendre le rôle des mangroves pour la résilience des récifs et des herbiers, mais aussi leur importance en tant que puits de carbone."
Ses travaux montrent que certaines espèces de palétuviers contribuent directement à la santé des récifs coralliens. "Une application concrète est de valoriser la préservation des mangroves sur les littoraux tropicaux." Animée depuis toujours par un lien fort avec la mer, elle veut unir excellence scientifique et impact sociétal. "Quand j’ai quitté la Nouvelle-Calédonie pour mes études, la mer m’a beaucoup manqué. J’ai compris que je voulais la comprendre, l’étudier, et surtout la préserver." Malgré des obstacles et des comportements dévalorisants, Naïna Mouras a tenu bon. "J’ai envie que d’autres jeunes femmes se sentent légitimes, qu’elles osent, qu’elles ne se censurent pas."
Créé en 2007, ce programme soutient chaque année des doctorantes et post-doctorantes à un moment crucial de leur carrière, en leur apportant un financement, une formation au leadership et une visibilité dans le monde scientifique. Le Prix Jeunes Talents France 2025 a distingué 34 lauréates, dont six Ultramarines (parmi lesquelles les trois Calédoniennes), qui rejoignent une communauté mondiale de plus de 4 700 femmes scientifiques originaires de 140 pays. "Chaque année, ce prix nous rappelle la richesse et la diversité des contributions scientifiques apportées par les femmes en France. Ces lauréates sont le visage d’une science innovante, audacieuse et engagée, souligne Pauline Avenel-Lam, directrice exécutive de la Fondation L’Oréal. Notre mission est de lever les obstacles, visibles et invisibles, qui freinent encore leur progression. En les soutenant à un moment clé de leur parcours, nous investissons dans des carrières exceptionnelles, mais aussi dans l’avenir de la recherche." La remise du prix, qui se tient ce mercredi 8 octobre à l’Académie des sciences à Paris, s’inscrit dans le programme international L’Oréal-Unesco "pour les femmes et la science", lancé en 1998, qui encourage la participation des femmes à tous les niveaux de la recherche, de l’éducation à l’excellence scientifique.