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[SÉRIE] L'armée, la mine, le sacerdoce : la descendance de Désiré Talon
LNC | Crée le 12.10.2025 à 10h00 | Mis à jour le 12.10.2025 à 10h00

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Illustration de la réussite de Jules, Talon, le fils du surveillant. Il deviendra un éleveur important. Il est assis à table, tenant un journal.
Le sergent Désiré Talon fait partie des premiers militaires à intégrer le nouveau corps des surveillants militaires créé en 1867. Sa carrière est à son image, honorable et sans histoire. Malade, il décède en mer et son corps repose au fond de l'océan, quelque part entre la Nouvelle-Calédonie et Tahiti. De l'armée à la mine, ses descendants ont fait souche sur le Caillou. Aujourd'hui, ses arrière-petits-enfants entretiennent la mémoire de leurs aïeux. Retour sur la vie de Désiré Talon dans ce 73e épisode de notre saga consacrée aux familles issues du bagne. Cet article est une archive parue dans Les Nouvelles calédoniennes le samedi 28 mai 2016.

"Lorsque j'ai pris ma retraite en 1999, mes enfants m'ont dit : " Maman, pour que tu ne t'ennuies pas, nous t'avons inscrite au Cercle de généalogie". C'est ainsi que tout a commencé. " Raymonde Deplanque est l'arrière-petite-fille de Désiré Talon. A 78 ans, cette ancienne institutrice, elle-même arrière-grand-mère " trois fois ", est la mémoire de la famille. Il y a une dizaine d'années, elle s'est rendue aux Archives d'Aix-en-Provence. À ses côtés, ses deux cousins germains, Jean-Pierre et Jean-Claude Vergé, ont eux aussi à cœur de transmettre leur histoire. Les classeurs posés sur la table devant eux débordent de documents et de photos, mais malheureusement aucune du surveillant.


Raymonde Deplanque entourée de ses deux cousins, Jean-Pierre et Jean-Claude Vergé, tous les trois arrière-petits-enfants de Désiré Talon.

" Désiré est né en 1834 à Noailles, dans l'Oise. Il a commencé sa vie professionnelle en tant que charcutier, avant de s'engager dans l'armée. Il est incorporé au 48ème régiment de ligne, à l'âge de 21 ans, puis affecté à la citadelle de l'île d'Oléron où il rencontre et épouse Émilie Guinot. Accompagnés de leur fille Sophie, ils embarquent pour Saint-Denis de La Réunion. Après douze ans de service et décoré de la médaille militaire par décision impériale, le sergent Talon est proposé comme surveillant pour les établissements pénitentiaires de Nouvelle-Calédonie.

Toute la famille embarque donc sur l'Aveyron en septembre 1867 : les parents, leurs enfants Sophie, Alphonse et Eugénie, ainsi que Salinon, un jeune cafre, leur fidèle domestique qui ne quittera jamais la famille.

L'inspecteur général dit alors de mon arrière-grand-père : "Le sergent Désiré Talon est marié et père de trois enfants pour l'éducation desquels il fait tous les sacrifices possibles. Sujet honorable et très digne d'honorer l'emploi qu'il sollicite.

Avis très favorable. Ile de La Réunion, 10 juillet 1867."  Toute la famille embarque donc sur l'Aveyron en septembre

1867 : les parents, leurs enfants Sophie, Alphonse et Eugénie, ainsi que Salinon, un jeune cafre, leur fidèle domestique qui ne quittera jamais la famille.

De militaire à surveillant

" Désiré est affecté à Yahoué, à la surveillance de la ferme école. Les condamnés ont construit les bâtiments dans lesquels, une fois libérés ou soumis à de courtes peines, ils apprennent l'agriculture. Son fils Jules, notre grand-père, naît là-bas le 18 juin 1871, puis Désiré retourne à l'île Nou où son dernier fils Émile naît en 1876.


Photo de famille : Jules se tient au centre, sa femme Marie-Thérèse est debout derrière lui.

La même année, malade des poumons, il demande un congé de convalescence et embarque sur le Rhin avec son épouse, trois de leurs enfants, Eugénie, Jules et Émile qui n'a que deux mois, et bien sûr Salinon. Alphonse, lui, est déjà en France et Sophie, l'aînée, mariée avec un surveillant militaire, reste vivre à Canala.

Et c'est donc lors de ce voyage que notre arrière-grand-père décède de phtisie. Sa famille débarque à Papeete puis revient s'installer à Nouméa.

La mine, l'armée et le sacerdoce

" Alphonse, l'aîné des garçons, est attiré par l'armée. En tant que fils d'ancien sous-officier, il peut intégrer les enfants de troupe très jeune. Il devient officier et sa carrière le ramène à Nouméa à un poste important.


La famille Talon réunie devant l' Yvonne, à Karembé, en 1918. Jules est à la barre du bateau avec son chapeau.


Cinq des sept enfants de Jules et Marie-Thérèse Talon, à Karembé, en 1923. La mère de famille passe la tête par la fenêtre.

Les Talon sont à l'époque très catholiques et de cette famille pieuse vont naître des vocations. Notre grand-tante Eugénie est la première Calédonienne à entrer dans les ordres. Son petit frère Émile suit le même chemin.


Le gouverneur Guyon visite la mine de Kaala en octobre 1926. Le grand-père Jules se tient à droite, costume foncé et moustache blanche.


Un cyclone à Karembé, en 1917, a détruit la maison de Jules. Il la reconstruit seul, ne voulant devoir sa réussite qu'à ses propres efforts.

Il entre au séminaire et est ordonné prêtre en Nouvelle-Zélande avant de rejoindre l'Australie. Jules, notre grand-père, et son épouse Marie-Thérèse Bonnet de Larbogne étaient eux aussi très pratiquants. Je me souviens que nous allions passer des vacances chez notre grand-mère, qui s'est installée à Nouméa après le décès de son mari.

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Elle avait un prie-Dieu dans le salon. Elle nous laissait passer nos congés avec elle, mais nous devions, matin, midi et soir, nous agenouiller pour prier ! "

Jean-Claude a lui aussi conservé des souvenirs religieux de ses aïeux : " Nous avons un chemin de croix en cuir et étain qui appartenait à nos grands-parents. "


Cousinade Talon à Plum, le 29 juillet 2007.

" Jules et Marie-Thérèse s'installent après leur mariage en 1898 à Karembé, à Koumac, et ont ensemble sept enfants. Jules est un homme généreux et toujours prêt à aider son prochain. Il est tout d'abord éleveur et tient un abattoir et une boucherie. À cette époque, l'ère est à la prospection, il devient donc mineur. Il est, avec Édouard Pentecost, Henri Lafleur et Édouard Cheval, propriétaire de la mine de chrome Chagrin, au nord de Koumac, qu'ils exploitent ensemble.

C'est un personnage important du village, un notable et un homme politique. Il est président de la commission municipale et représentant du Conseil général. C'est à lui et à son beau-frère Georges Baudoux que l'on doit le réseau routier du village. Le cyclone de 1917 l'a ruiné, sa maison a été totalement détruite.

Il a tout recommencé seul, il disait qu'il ne voulait devoir son avenir qu'à ses seuls efforts ! "

Jean-Pierre et Jean-Claude Vergé, les arrière-petits-fils de Désiré, racontent aisément que ce passé de surveillant du bagne était connu de tous et de toute la famille. Il n'y avait aucun mystère, aucun secret chez les Talon. En revanche, s'intéressant à la généalogie, Raymonde, leur cousine, a posé la question à la mère de son défunt époux s'agissant de ses origines, " Je me souviens encore de son expression. La tête baissée vers la table, elle a remonté son visage vers moi, les dents serrées et le regard dur, elle m'a avoué - c'était la première fois qu'elle en parlait - que son aïeul était un bagnard. Mon mari, lui, est mort sans savoir. "

Eugénie Talon, alias sœur Saint-Joseph de l'Immaculée Conception


Eugènie Talon, la fille du surveillant militaire, a pris le voile. Elle se tient derrière avec la capuche.

Eugénie a fait ses études chez les sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Elle demande à prendre le voile auprès de sa congrégation et devient la première novice calédonienne. Pendant son postulat, elle aide les religieuses institutrices en donnant des cours de dessin aux élèves de l'institution. Extrait d'un courrier de la supérieure générale de la congrégation à Mgr Fraysse, évêque de Nouvelle-Calédonie, le 29 octobre 1988 :

" Monseigneur,

Une jeune personne de votre diocèse, Mlle Eugénie Talon, ancienne élève de notre pensionnat de l'Immaculée Conception, désire devenir membre de notre institut et, ayant déjà subi en qualité de postulante, d'une manière satisfaisante dans cette même communauté, les épreuves voulues pour être admise à la vêture, je viens, Monseigneur, solliciter de votre grandeur, l'autorisation d'ouvrir un noviciat préparatoire à La Conception, à l'effet de faciliter non seulement à cette première élue le moyen de suivre sa vocation, mais encore à celles qui par la suite pourraient être favorisées du même appel. "

Sources : Archives de la congrégation, recherches de Sylvette Boyer.

Le noviciat est ouvert. En 1894, Eugénie retourne sur son ile natale, La Réunion, où elle exerce son apostolat pendant dix ans.

Elle est ensuite envoyée à Madagascar où elle travaille jusqu'à son décès en 1918.

Alphonse Talon, un rôle de premier ordre

À l'annonce de la déclaration de guerre, parvenue à Nouméa le 4 août, l'organisation de la défense de Nouméa est sous la responsabilité du chef de bataillon Talon, commandant supérieur des troupes du groupe du Pacifique, en fonction en Nouvelle-Calédonie depuis 1913.

Le gouverneur par intérim Jules Repiquet, après avis du conseil de défense de la colonie, ordonne la mobilisation des classes 1909 à 1913 incluses. La conscription jusqu'à la classe 1917 est décrétée le 5 août.

Deux compagnies sont créées au sein du BICNC (Bataillon d'infanterie coloniale de la Nouvelle-Calédonie).

Le chef de bataillon Talon accompagne le premier contingent calédonien et part pour le front le 23 avril 1915. En Conseil privé, le gouverneur exprime " les regrets que [leur] a causé leur départ ".

Mais c'est parfois un véritable plaisir pour les Calédoniens au front de revoir un gradé connu à Nouméa. Ainsi, lorsqu'il arrive pour remplir les fonctions de colonel au 54° Ric (Régiment d'infanterie coloniale) de l'armée d'Orient, il y retrouve les Calédoniens des 54° et 56° Ric :

" Le commandant Talon est arrivé il y a deux jours. Il a beaucoup vieilli [il a alors plus de 54 ans, NDA], je vous prie de croire que les quelques mois passés aux tranchées ne l'ont pas fait rajeunir. "

Extrait des notes de Sylvette Boyer, historienne, spécialiste de la Grande Guerre.

Note

Cette série sur les destins de familles issues de la colonisation pénale, tirée du livre Le Bagne en héritage édité par Les Nouvelles calédoniennes, est réalisée en partenariat avec l'Association témoignage d'un passé [2].

Cet article est paru dans le journal du samedi samedi 28 mai 2016. Quelques exemplaires de l'ouvrage Le Bagne en héritage, certes un peu abîmés, ainsi que des pages PDF de la parution dans le journal sont disponibles à la vente. Pour plus d'informations, contactez le 23 74 99.

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