
Le texte semblait, en apparence, anodin : l’Agence de remboursement de la dette Covid (ARDC), fondée en 2017 pour collecter le produit de la TGC avant d’être transformée en 2022 pour rembourser les emprunts contractés durant la crise sanitaire, allait devenir l’Agence de remboursement de la dette collective. Mais loin de se limiter à un changement de nom, le projet de délibération examiné par les membres du Congrès, ce jeudi 16 octobre, a fait l’effet d’une bombe dans les rangs de l’hémicycle. "Ce texte vient, en deux lignes, considérablement alourdir, entraver même, la capacité du territoire à se sortir de la crise", a fustigé Philippe Dunoyer (Calédonie ensemble). "Cette délibération n’est pas anodine", a abondé Sonia Backès (Les Loyalistes), évoquant le caractère "inique" de ce qui allait découler de son adoption.
Derrière cette nouvelle appellation, l’exécutif prévoit en effet "d’élargir la mission" de l’ARDC en y intégrant le financement du remboursement d’autres dettes, à savoir celles contractées auprès de l’État à la suite des émeutes (119 milliards), mais aussi la dette historique du fournisseur d’électricité Enercal (20,5 milliards) ainsi que celle du Régime unifié d’assurance maladie-maternité (25 milliards).
Par conséquent, le montant total des dettes que l’agence aura à rembourser passerait de 46 à 187,7 milliards de francs. "Si on accepte cette définition de 'dette publique', à n’importe quel moment la Nouvelle-Calédonie, toute seule, va devoir trouver des ressources pour rembourser toutes les dettes qui existent", s’est inquiété Philippe Dunoyer, rappelant que la Nouvelle-Calédonie n’est pas seule responsable des dettes d’Enercal et du Ruamm.
"Que font les autres actionnaires d’Enercal, comme Eramet et EEC, qui détiennent 47 % de son capital ? Cette dette collective, c’est peut-être un peu la leur." Quant au Ruamm, le texte viendrait, selon l’élu, "libérer totalement la Cafat de toute contribution à l’apurement de la dette". "La Nouvelle-Calédonie fait déjà face à une dette insupportable, et là on va se rajouter 45 milliards [dettes Enercal et Ruamm NDRL]", a alerté Philippe Dunoyer, déplorant par ailleurs un "manque d’informations" fournies par les services du gouvernement sur les calculs opérés et sur "la question de l’origine de ces dettes". "Nous avons besoin de clarifications", a ajouté Louis Mapou (UNI).
"On va se retrouver obliger de payer les intérêts de la dette auprès de l’État dès 2026, a prévenu de son côté Sonia Backès. C’est 5,3 milliards en 2026, 5,9 milliards en 2027, 5,9 milliards en 2028, 8 milliards en 2029, juste pour les intérêts." Or, "on a tous demandé à plusieurs reprises que les intérêts, au moins pour les années de relance 2026-2027, soient assumés par l’État", a-t-elle rappelé. D’autres, comme les élus du groupe Calédonie ensemble, militent même depuis plusieurs mois pour que les prêts de l’État liés au Covid et à la crise de 2024 soient transformés en subventions.
Pour une majorité d’élus, ce texte est par ailleurs malvenu, au moment où les responsables calédoniens travaillent à identifier les futurs besoins de financement de la Nouvelle-Calédonie par l’État [1]. "Nous sommes en train de discuter en profondeur des budgets des prochaines années avec l’État et Mme Durrieu [en charge de la mission interministérielle de reconstruction NDLR] et il est essentiel qu’on intègre ce projet de délibération à nos discussions", a affirmé Philippe Dunoyer, avant de déposer une motion préjudicielle visant à renvoyer le texte en commission. Celle-ci a été adoptée à l’unanimité.
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[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/economie/social/politique/associer-largement-travailler-l-urgence-et-le-long-terme-la-methode-du-pacte-de-refondation-devoilee
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