
"Nous ne savons pas de quoi sera fait 2026, mais elle pourrait être pire que 2025." La présidente de la province Sud, Sonia Backès, a bien résumé l’enjeu du débat d’orientation budgétaire soumis ce jeudi 23 octobre aux élus provinciaux réunis, une fois n’est pas coutume, dans la salle du conseil de la mairie de Nouméa pour cause de travaux dans la Maison bleue. Un budget dominé par l’incertitude dans une situation financière tendue et dans lequel l’exécutif provincial se prépare à un exercice encore plus difficile que celui qui s’achève.
Après une année 2024 marquée par de profondes crises, qui ont provoqué une chute historique des recettes fiscales — près de 11,5 milliards de francs de pertes pour la seule province Sud —, la collectivité poursuit sa politique de rigueur. Le budget 2025, estimé à 72,8 milliards de francs, a nécessité plusieurs décisions modificatives pour ajuster les crédits, notamment afin d’assurer le paiement des salaires. "Nous faisons des coupes sur tout : le fonctionnement, les subventions, les interventions. La masse salariale est notre principal levier", a expliqué la présidente, qui rappelle qu’aucun poste n’est désormais renouvelé sans examen préalable.
Malgré ce contexte, la province revendique une gestion "responsable et pragmatique". Selon la direction des finances de l’institution, les dépenses de fonctionnement aurait baissé de 15 % entre 2019 et 2025 et l’épargne reconstituée atteindrait près de 5,9 milliards à la fin de l’exercice. "C’est le prix d’efforts conséquents, mais indispensables pour maintenir nos marges de manœuvre", souligne le rapport financier.
Ces marges, la collectivité ambitionne de les préserver pour soutenir l’économie. L’investissement, dont l’objectif déclaré est de le maintenir à plus de 10 milliards de francs sur la période 2026-2028, demeure le pilier de la relance pour la province. 13,9 milliards y seront consacrés dans le budget 2026. "Quand on a un chantier, ce sont des entreprises qui travaillent. Malgré les difficultés, nous voulons maintenir cet effort, parce que c’est l’économie réelle", insiste Sonia Backès.
Mais les inquiétudes demeurent fortes pour l’année à venir. Le prêt garanti par l’État (PGE) [1], qui a permis de compenser une partie du manque à gagner fiscal en 2024 et en 2025, devrait être entièrement consommé fin 2025. "L’État a mis 25 milliards pour combler le trou entre les recettes réelles, tombées à 73 milliards, et le niveau théorique du budget de répartition à 98,7 milliards. Mais en 2026, rien ne dit comment cette différence sera couverte", avertit la présidente, qui s’agace d’ailleurs du coût du dispositif : "Nous avons un prêt à 4,58 % sur vingt-cinq ans, soit plus de 5 milliards d’intérêts sur trois ans. L’État nous parle de solidarité républicaine, mais il nous prête quand il donne à Mayotte et d’autres territoires d’outre-mer."
Sur les bancs de l’assemblée, majorité et opposition partagent le même constat : sans un plan d’accompagnement massif de l’État, "toutes les collectivités du pays continueront de s’enfoncer dans la crise", a lancé Philippe Michel (Calédonie ensemble). L’idée d’un plan de relance sur cinq ans combinant investissements publics et réformes structurelles, avancée par Milakulo Tukumuli (Éveil océanien) n’a d’ailleurs pas semblé rencontrer d’opposition. La présidente, elle, mise sur la résilience : "Nous avons choisi de payer nos factures et nos salaires avant tout, pour maintenir la confiance et faire tourner l’économie."
En marge du débat budgétaire, les élus ont adopté une expérimentation pour renforcer l'attractivité des formations d'infirmiers, afin de pallier une pénurie estimée à plus de 200 postes. Le dispositif, doté de 17,7 millions de francs, prévoit une indemnisation pour les demandeurs d'emploi en reconversion ou les aides-soignants souhaitant se former au métier d'infirmier.
Autre dossier symbolique : l'approbation du plan d'urbanisme directeur de Païta, salué comme une "étape historique" pour la troisième commune la plus peuplée du pays. Un PUD déjà adopté par le conseil municipal et que la province n'a fait qu'acter. Il sera de toute façon appelé à évoluer, précise Sonia Backès.
Enfin, le dernier point à l'ordre du jour portait sur la désignation de représentants de la province dans divers organismes. Parmi eux, Jean-Gabriel Favreau a été choisi pour remplacer Naïa Watéou au sein du SMTU, le syndicat mixte des transports urbains. L'élue Loyaliste au Congrès devrait prendre la place de Thierry Santa au gouvernement. Si la démission du membre en charge du budget et de la fonction publique n'a pas encore été annoncée officiellement par l'exécutif, ce jeu de chaises musicales semble bien la confirmer.