
Tenir, mais combien de temps encore ? Dans les allées du salon Bât expo, les professionnels de l’habitat et de la construction partagent la même préoccupation. "On est dans le flou total, on ne sait pas où on va", lâche Noé Bertram, directeur de Bois Concept, spécialisé dans la construction de villas en bois. Depuis les émeutes de mai 2024 qui ont plongé le territoire dans une crise économique sans précédent, les artisans se sont contentés de "résister", cherchant simplement à survivre à un contexte qui a provoqué la fermeture de plusieurs centaines d’entreprises du secteur. Mais après dix-huit mois de résilience, "on commence à se décourager", affirme Noé Bertram.

Aux manettes de l’évènement, organisé jusqu’à dimanche et pour la première fois Baie-de-la-Moselle, la Chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) entend redonner de l’espoir à des artisans à bout de souffle. Le salon Bât expo doit ainsi "contribuer à la relance" du secteur, durement touché.
Le nouveau lieu de la manifestation, qui offre désormais aux 90 exposants 4 000 m2 d’espace extérieur et deux grands chapiteaux, traduit cette volonté. "On pense que ça va drainer plus de monde qu’à la Maison des artisans, les exposants sont contents", se félicite Élizabeth Rivière, présidente de la CMA, après avoir "pris la température" auprès des professionnels présents ce vendredi matin. La Chambre espère voir jusqu’à "15 000 visiteurs" arpenter les allées du salon ce week-end et donner ainsi quelques perspectives aux professionnels.

Reste que le retour d’une activité de niveau d’avant-crise n’est pas pour demain. "Depuis le deuxième référendum, on est affecté par l’instabilité politique de ce pays", constate Noé Bertram, qui a lancé sa boîte en 2005. En 2017, "je faisais travailler 75 personnes". Il en embauche désormais 25. "On est sur un marché de niche haut de gamme, nos principaux clients ont la capacité d’investir ailleurs, et c’est ce qu’ils ont fait", regrette l’entrepreneur.
Sébastien Laloy, lui, participe pour la première fois au salon Bât expo. À la tête de Renov’concept, qu’il a lancé en 2019, il n’avait jamais senti le besoin de prendre part à l’évènement. "Je travaillais bien, donc je ne voulais pas spécialement m’arrêter pour faire un salon. Aujourd’hui, j’ai du temps libre", dit le chef d’entreprise, dans un demi-sourire. Il a perdu près de 40 % de son activité depuis les émeutes. Rénovation de salles de bains, aménagement extérieur, etc. Des "travaux plaisir" que les Calédoniens ne s’autorisent plus, faute de budget et de stabilité.

Quid de la suite ? "Un coup on y croit, un coup on n’y croit plus", résume Sébastien Laloy, pas décidé à tout abandonner. "Il nous faut des perspectives", assène Noé Bertram, particulièrement remonté contre les représentants politiques qui ne parviennent pas à s’accorder sur l’avenir institutionnel du pays. "En tant qu’entrepreneurs, on a toujours joué le jeu, on a cru dans ce territoire, on s’est endetté pour participer à son développement, et tout a été gâché. C’est un cruel sentiment d’injustice."
Élizabeth Rivière en convient : "Les artisans ont besoin de décisions politiques fortes qui leur permettent de se projeter." L’élargissement des dispositifs d’incitation fiscale adopté en mars par le gouvernement [1] en font partie. Pour rappel, l’exécutif a instauré une déduction fiscale pour tous les travaux de rénovation menés par des particuliers jusqu’en 2027, pour un montant maximum de 15 millions de francs.

"Il y a déjà des retombées, affirme la présidente de la CMA. Ça permet d’enclencher des devis, de concrétiser des ventes." Les professionnels témoignent, d’ailleurs, de commandes qui se multiplient à l’approche de la fin de l’année. "Si on est encore debout aujourd’hui, c’est grâce à ce genre de dispositifs", estime Noé Bertram. Rien qui ne puisse, toutefois, supplanter la seule issue pérenne : "la stabilité globale."
Salon Bât expo, vendredi 24 et samedi 25 octobre, de 9 heures à 17h30, et dimanche 26 octobre, de 9 heures à 16 heures, Baie-de-la-Moselle. Entrée gratuite.