
Mens sana in corpore sano, un esprit sain dans un corps sain. Cette expression latine attribuée au poète Juvénal est également le nom d’un tableau du peintre Georg Pauli, représentant un jeune homme pratiquant le lancer de javelot. Cette pratique sportive induirait-elle un certain équilibre entre le corps et l’esprit ? Le jeune athlète Felise Vahai Sosaia, double champion de France de javelot et étudiant en Métiers du multimédia et de l’Internet, deux pratiques qui l'"équilibrent", pourrait le faire croire. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, le jeune homme de 26 ans semble solide, inébranlable. C’est probablement cette force mentale qui l’amène au sommet, tout comme cette ambition qui l’anime. Bien que la modestie "des gens des îles" tente parfois de prendre le dessus, il le sait : ce qu’il veut, c’est atteindre les Jeux olympiques, et pourquoi pas, gagner une médaille.
Felise Vahai Sosaia était bien parti pour participer aux JO de Paris en 2024. Alors qu’il décroche l’or à l’occasion des Championnats de France 2022, il se blesse en février 2023 lors de ceux d’Australie. Malgré sa blessure, le lanceur se qualifie pour les Championnats du monde à Budapest avec un jet à 82,04 m. "Mais ma performance à Budapest n’est pas suffisante." Il est pourtant le premier Français depuis de nombreuses années à se qualifier pour cette compétition.
L’année 2025 débute et Felise Vahai Sosaia est guéri. Le feu de la victoire l’habite. "J’entame une très bonne saison. En avril, je participe aux Championnats d’Australie, que je gagne. Je deviens champion d’Australie. Je prends ma revanche", sourit discrètement le jeune Calédonien. Felise est de nouveau sur la piste. Retour aux Championnats de France et nouvelle médaille d’or. "C’est très prometteur, pour atteindre mes objectifs : participer, être finaliste, monter sur le podium."

Pourtant, quand Felise commence à s’intéresser à l’athlétisme, "c’est surtout pour passer du temps avec les copains, sortir de chez moi." Il vit alors à Wallis et pratique l’athlétisme au club Kafika. "J’étais moyen partout : courses, sauts, lancers, mais j’avais des facilités physiques", concède le jeune homme. À 16 ans, il arrive sur le Caillou et entre au lycée Jules-Garnier, où il est orienté vers le club athlétique de l’établissement et Éric Reuillard, qui a entraîné d’autres athlètes et est lui-même un sportif de haut niveau. Il coache toujours Felise Vahai Sosaia. À l’époque, le lycéen pratique le lancer de javelot et le triple saut. L’équipe d’athlétisme remporte plusieurs titres, dont celui de champion de France UNSS par équipe. Lors de la période Covid, si les déplacements sont à l’arrêt, les entraînements persistent, davantage en individuel. C’est là que Felise décide de se consacrer uniquement au javelot. "Historiquement, plusieurs athlètes wallisiens ont remporté des titres dans cette discipline."
Après l’obtention de son baccalauréat STD2A – Sciences et technologies du design et des arts appliqués -, Felise Vahai Sosaia continue ses études en parallèle des entraînements en décrochant deux diplômes de BPJEPS (activités pour tous et activités de la forme). S’il entre un peu dans la vie active, dès que l’opportunité d’allier études et sport de haut niveau se présente, il revient sur les bancs de l’université. Depuis février, ce sont les Métiers du multimédia et de l’Internet à l’IUT qu’a choisi de suivre l’athlète. "J’aime particulièrement l’aspect créatif."

Les horaires aménagés ? Une obligation, vu le rythme des entraînements. "Je pratique 5 à 9 séances par semaine : de la musculation, des séances techniques, des renforcements spécifiques à la discipline, des séances de récupération (cardio, étirements, mobilité articulaire), le tout sur quatre lieux différents. Parfois au stade Numa-Daly pour les lancers, les courses, la pliométrie (pour travailler l’explosivité, la puissance, la réactivité du corps) ou encore les sauts. Dans la salle du Fitness Park pour la musculation et le renforcement, ou sur les installations du lycée Jules-Garnier." Un mètre quatre-vingt-dix, 97 kg de muscles. "Tout le corps doit être musclé. Parfois, les gens pensent que seul mon bras est musclé, mais le mouvement part du pied, se transmet à la hanche, à l’épaule, puis jusqu’au bout des doigts. Une grosse partie de ma performance vient de mes jambes."
Cet équilibre entre corps et esprit doit emmener Felise Vahai Sosaia sur les plus hautes marches. C’est en tout cas son objectif. Les athlètes prennent leur retraite dans leur trentaine, il reste donc à Felise deux Jeux olympiques auxquels il compte bien participer. Le premier se tiendra en 2028 à Los Angeles, le second à Brisbane en 2032. "Ce sera à côté, la famille pourra venir me voir", sourit le jeune homme. D’ici là, Felise doit encore s’entraîner pour se qualifier d’abord aux Championnats de France à nouveau, puis aux Championnats d’Europe. Au bout de cette ligne, s’il arrive à se qualifier puis jusqu’en finale, les JO.

"Le sport de haut niveau m’apprend à me connaître, à me dépasser, à dépasser mes limites, mes doutes, mes peurs, à devenir une meilleure personne aussi. Ce qui me motive, c’est de me dire qu’un jour je serai un grand sportif, avec l’ambition d’être sur le podium olympique, parce que derrière, ça représente beaucoup de choses : les sacrifices, les échecs." Bien sûr, Felise le dit et le répète, rien ne serait possible sans le soutien de son coach, de sa famille, de ses sponsors… Un athlète, mais toute une équipe – voire tout un pays – pour le soutenir.