
Regarder les nuages, s’allonger sans but, rêvasser… Ces moments que l’on juge souvent inutiles sont en réalité profondément réparateurs. "L’éloge du rien renvoie à un ouvrage du même nom écrit par l’écrivain et poète Christian Bobin en 1990, qui tente de répondre à la question : qu’est-ce qui donne un sens à votre vie ? Pour cet auteur, l’éloge du rien devient rapidement l’éloge de l’essence de l’être, l’amour", pose le psychologue Grégoire Thibouville. Car le rien n’est pas vide. Il est espace. Un espace pour souffler. Pour se reconnecter à soi. Pour écouter ce qui ne fait pas de bruit. "D’un point de vue psychanalytique, le rien est essentiellement lié aux limites de la place, place où on constate ce rien, où on le formule, alors que le vide est une dimension sans limite", précise Grégoire Thibouville.
Nos journées saturées d’informations et de stimulations visuelles ou sonores laissent peu de place à l’intuition. Or, c’est dans les silences que l’on se reconnecte à notre rythme biologique, à nos sensations, à notre vraie voix. Ne rien faire, c’est aussi une forme de résistance douce face à une société du "toujours plus". Une manière de dire : "Je suis humaine, pas une machine." "J’avais l’impression d’être toujours débordée, même quand j’étais libre. Depuis que je prends dix minutes par jour pour juste regarder dehors ou m’allonger sans écran, j’ai redécouvert une paix intérieure que je croyais perdue", confie Léa dans un sourire éclatant. "L’éloge de prendre du temps pour soi, même sans rien faire au sens productif, est crucial pour notre bien-être psychologique, appuie le psy. Et ce pour plusieurs raisons : ce temps nous permet de mieux gérer notre stress, d’améliorer notre concentration, d’augmenter notre créativité et de renforcer l’estime de soi. Il est également un moyen de prévenir les situations d’épuisement professionnel et familial."
"La société néolibérale et capitaliste nous fait culpabiliser lorsque l’on ne fait rien. Nous pouvons être stigmatisés comme paresseux. L’injonction actuelle est celle d’être toujours actif et encore plus productif. Nous voyons où cela nous mène, à des souffrances psychologiques de plus en plus manifestes et exacerbées comme le burn-out, voir le suicide dans les formes d’expressions les plus graves. Ne rien faire par moments est indispensable pour notre santé mentale. Nous devons, dans la mesure du possible, déconstruire ces schémas du productivisme et du faire à tout prix voire à n’importe quel prix pour nos vies, et surtout se déculpabiliser de ne rien faire", poursuit Grégoire Thibouville.
Concrètement, on apprend tout d’abord à lâcher l’obsession de l’utile. Tout n’a pas besoin d’avoir un but, un rendement, une productivité. Le plaisir d’être, sans faire, est déjà une richesse. L’idéal est de se créer un rituel du rien. Par exemple, chaque jour, même cinq minutes, on s’oblige à mettre son téléphone de côté et on ne fait rien. Juste vous, une chaise, un jardin, le ciel. Attention, ce n’est pas si simple, au début, votre mental voudra "optimiser" ce temps. Laissez-le s’agiter… puis se calmer. Il apprendra. Et intégrez le vide dans votre agenda. Oui, écrivez-le. "Rien", à 18 heures. Et tenez ce rendez-vous comme s’il était capital. Parce qu’il l’est.
Ne rien faire, c’est s’ennuyer. Les jeunes générations sont de plus en plus touchées, pour ne pas dire affectées par ce sentiment. De manière plus ou moins inconsciente, le sentiment de ne rien faire peut être anxiogène et c’est pourquoi nous sommes de plus en plus témoins de sollicitations hypnotiques, pour ne pas dire de surexcitations visuelles, auditives avec les écrans, smartphones… pour lutter contre l’ennui et fuir le rien. On ne fait pas rien, on scrolle…", constate le professionnel.
Alors qu’en réalité, dans un monde bruyant, le silence devient un acte d’amour. Dans une société pressée, ralentir devient un acte de conscience. Et dans un quotidien saturé, le rien devient une oasis. Ne rien faire n’est pas perdre du temps : c’est en regagner. C’est faire de la place en soi, pour mieux vivre. Et surtout, pour se souvenir que nous sommes déjà suffisantes… même quand nous ne faisons rien. "En tant que professionnel de la santé mentale, nous conseillons à chacun de s’imposer des moments quotidiens à ne rien faire, à abandonner tous ces outils de surstimulations et toutes nos charges cognitives d’étudiants, de parents et de professionnels. Ne rien faire par moments est bon pour notre santé, c’est se régénérer et prendre soin de soi", conclut Grégoire Thibouville.

Notre cerveau n'est pas fait pour tourner à plein régime toute la journée. Il a besoin de temps morts, au sens noble du terme. Selon des neuroscientifiques, lorsque nous ne faisons "rien", notre cerveau active le mode par défaut, une zone liée à la mémoire, à l'introspection et à la créativité. C'est dans ces moments que surgissent nos meilleures idées, nos prises de recul, et parfois même… des solutions inattendues à des problèmes qui nous semblaient sans issue.
1. Respirez 3 fois profondément Fermez les yeux, inspirez par le nez, expirez lentement par la bouche. C'est déjà un début.
2. Regardez par la fenêtre sans penser à rien Ni téléphone, ni lecture. Juste observer la lumière, les ombres, le mouvement.
3. Faites une "pause écran" de 10 minutes Posez le téléphone dans une autre pièce. Asseyez-vous. Laissez venir l'ennui… puis la sérénité.
4. Marchez sans objectif ni destination précise Pas pour faire du sport, juste pour vous promener. Laissez vos pensées se déposer.
5. Allongez-vous sur le sol, fermez les yeux, et ne faites rien Pas de sieste, pas de musique. Juste être là. Et savourer.
Retrouvez le numéro 6 du magazine L Calédonie, paru en octobre, dans de nombreux points de vente et sur la page Facebook L Calédonie magazine. [1]