
C’est un travail politique "de continuité" qui a abouti lundi 17 novembre à la présidence de Polynésie française. Alcide Ponga tient à le souligner. "Souvent, les élus arrivent et mettent les dossiers à la poubelle", note le responsable. Ses deux prédécesseurs, Thierry Santa et Louis Mapou, avaient mené des discussions sur cet accord de coopération avec l’équipe d’Édouard Fritch, puis avec celle de Moetai Brotherson. "Quand on s’est vu au Forum des îles du Pacifique en Papouasie, on s’est dit qu’il fallait signer vite avant que le gouvernement change encore chez eux", sourit le chef du gouvernement polynésien. L’accord-cadre de partenariat entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie a donc été signé six ans après le protocole d’entente.
Comme prévu, l’accord cite, en plus de considérations générales comme l’alignement des positions à l’international, une vingtaine de domaines de coopération potentiels, qui devront faire l’objet de conventions d’application spécifiques, prévues dans "les prochains mois". Pas d’obligations réciproques, à ce stade, donc, encore peu de concret, mais les discours se veulent enthousiastes. Le travail pour donner du corps à cette coopération a déjà commencé, assure Moetai Brotherson, qui cite en priorité les questions commerciales, sur lesquelles l’accord-cadre préfigure un marché commun entre les collectivités françaises du Pacifique. "Ça peut avoir un intérêt réel, et on en voit les premières manifestations : on a déjà reçu les premières livraisons de la très bonne viande de Nouvelle-Calédonie, qui dispose de beaucoup plus de surface que nous, explique le président polynésien, qui rappelle avoir acté une baisse des droits de douane pour les produits en provenance de la région, dont bénéficient à ce jour principalement les producteurs néozélandais. De notre côté, on a des choses qu’on pourrait exporter, comme le taro, mais il y a d’autres coopérations sur d’autres secteurs qui sont aussi bien avancés."
Ainsi, un projet de convention d’application au secteur de la santé est déjà discuté entre Nouméa et Papeete. Il pourrait permettre des formations en commun de soignants qui manquent régulièrement d’un côté et de l’autre du Pacifique. Ou des choix d’équipements "en synergie", qui pourrait aboutir à des transferts de patients à 4 500 kilomètres de distance plutôt qu’à plus de 16 000 en Métropole. "La Polynésie est par exemple plus avancée en matière d’oncologie, assure Moetai Brotherson. Plutôt que de développer en doublon, on peut envisager des partenariats."
Mais plus que des produits, ce sont des échanges de compétences techniques, des retours d’expérience, de "l’apprentissage réciproque", comme l’explique Alcide Ponga, qui pourraient naître rapidement de cet accord. Les deux responsables citent l’aquaculture, un domaine dans lequel le Caillou a depuis longtemps une expertise, notamment pour ses crevettes élevées en bassin. Ou le tourisme, secteur florissant au fenua, et meurtri, malgré de grandes ambitions, en Nouvelle-Calédonie. Le président calédonien semble aussi intéressé par les projets numériques polynésiens avec, entre autres outils, le téléservice Escale pour gérer les flux maritimes. "Vous avez aussi avancé sur la question du câble avec Google, ce qu'on a quelque part loupé de notre côté", ajoute-t-il.
Des discussions ont aussi été lancées en matière financière et budgétaire : les deux collectivités font face, dans des termes et des proportions différentes, à des défis dans ce domaine. Et les réformes fiscales envisagées d’un côté et de l’autre font depuis peu l’objet d’importants échanges. La ministre du Travail polynésien, Vannina Crolas, devrait aussi se déplacer à Nouméa dans les jours à venir pour parler de réforme de la fonction publique. Et d’emploi local, la loi calédonienne en la matière, beaucoup plus protectrice, et aussi beaucoup plus débattue, étant regardée avec intérêt par l’exécutif polynésien.
Enfin, pas d’échanges sans connectivité, et Alcide Ponga a déjà eu un rendez-vous chez Air Tahiti nui pour étudier des voies de rapprochement avec Aircalin. "La question de la connectivité aérienne est très importante, et il faut qu’on puisse travailler ensemble pour voir comment on s’organise mieux entre nous, les frères du Pacifique, insiste l’élu loyaliste. On a toujours tendance à aller en Nouvelle-Zélande ou en Australie, mais quand on compte toute la population mélanésienne et polynésienne, on est un bon petit marché économique."