
Casquette rouge vissée sur la tête, Bertin Boéré dresse un constat limpide : "Nous n’avons plus de trésorerie, sans aide, la NMC disparaît dans dix jours", lâche le délégué syndical STKE, au milieu de la mobilisation réunie avenue Paul-Doumer, devant les grilles du haut-commissariat de Nouméa, ce mercredi 3 décembre. Organisé par l’intersyndicale (USTKE, Usoenc, SGTINC et CSTNC), le mouvement a rassemblé environ 200 personnes venues "interpeller l’État" sur le "besoin urgent d’un soutien financier" pour assurer la survie immédiate de la Nickel Mining Company, menacée de cessation de paiements.
Détenue à 51 % par la SMSP, l’entreprise embauche aujourd’hui 650 salariés, et trois fois plus de sous-traitants, sur les quatre sites miniers qu’elle exploite (Ouaco et Poya sur la côte Ouest et Nakéty et Kouaoua sur la côte Est), afin d’alimenter en minerai l’usine métallurgique offshore, située à Gwangyang, en Corée du Sud.
Mais depuis plusieurs mois, la société peine à produire suffisamment, malgré une demande coréenne grandissante. "Il y a des raisons structurelles et conjoncturelles, notamment l’Indonésie qui casse les prix du nickel", analyse Bertin Boéré. Surtout, l’entreprise subie les conséquences des blocages de plusieurs de ses sites miniers depuis un an et demi. "On vient de reprendre début octobre à Nakéty, mais c’est toujours très difficile à Kouaoua", note Ali Nemouchi, président de la NMC, venu soutenir les salariés mobilisés ce mercredi matin.
Le site de la côte Est fait toujours l’objet d’une opposition des responsables coutumiers, qui estiment que les populations de la zone sont les derniers bénéficiaires de l’activité minière. "Il y a un manque de communication et donc de la désinformation, ce qui conduit à ce genre de réactions", reconnaît Ali Nemouchi, évoquant une "prise de conscience récente" des opérateurs miniers sur le sujet. Les discussions se poursuivent avec les chefs de districts.

En attendant, ces blocages pèsent lourdement sur la production de la NMC : elle n’a pas dépassé 2,7 millions de tonnes de minerai en 2025, soit 70 % de ce que la société est capable d’extraire. Une situation d’autant plus regrettable que "l’entreprise n’a pas problème de débouché : on a un marché qui existe et un client stable", fait remarquer le président de la NMC. Pour compenser, la société a "fait jouer les synergies". Autrement dit : elle a acheté la production d’autres opérateurs miniers, en manque de clients, et l’a envoyée vers l’usine coréenne, qui s’alimente à 100 % auprès de la NMC. Pas de quoi, toutefois, rééquilibrer les comptes de la société.
Un plan de licenciements a été déployé et a conduit au départ de 80 personnes. Les quatre premiers mois de l’année, l’ensemble des salariés ont travaillé à temps partiel. "Aujourd’hui ils sont sur des semaines de 35 heures au lieu de 39", souligne Ali Nemouchi. La société alerte l’État depuis le début de l’année sur une situation financière critique, sans avoir encore obtenu de réponse concrète. "On ne comprend pas pourquoi l’État a accepté de venir en aide à Prony Resources et à la SLN, mais n’a jamais rien donné à la NMC", regrette Bertin Boéré.

La principale revendication de la mobilisation portait justement sur le besoin d’un "traitement équitable" de l’État envers l’ensemble des opérateurs miniers calédoniens. "On ne veut pas monter les métallurgistes les uns contre les autres et il n'y a rien de politique dans cette démarche, tient à préciser Ali Nemouchi. Nos intérêts sont communs, mais il faut qu’on soit traité de la même manière." Si l’État venait à soutenir financièrement la NMC, "on est prêts à rendre des comptes", assure Ali Nemouchi. "Il ne s’agit pas de demander une subvention, l’objectif est de bénéficier d’un financement contre des garanties." Sans cela, la cessation de paiements pourrait intervenir d’ici mi-décembre. La fermeture de la NMC serait "un cataclysme social", prévient Bertin Boéré.
Contactés, les services de l’État n’avaient pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication de l'article.
