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[MAGAZINE] La croisière veut passer à la vitesse supérieure
Marie-Lise Calabretto & Aurélia Dumté / CCI Infos | Crée le 07.12.2025 à 08h00 | Mis à jour le 07.12.2025 à 08h00

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Avec près de 344 000 croisiéristes accueillis en 2023, la Nouvelle-Calédonie est le 2e port de croisière de France. Photo NikO VinCent
En plein essor au niveau mondial, le secteur de la croisière en Nouvelle-Calédonie paye le prix des crises successives. Malgré une reprise post-Covid rapide, l'activité est aujourd'hui divisée par trois par rapport à 2019, et cette tendance devrait perdurer au moins jusqu'à fin 2027. Au vu de l'enjeu économique et social de cette activité, ses acteurs viennent de fonder un Club Croisière. Une association qui portera les voix des professionnels et œuvrera à la structuration et à la professionnalisation de la filière. Un dossier de notre partenaire le magazine CCI Infos, de la Chambre de commerce et d'industrie.

Si Nouméa accueille des croisiéristes depuis près de 80 ans, l'activité s'est surtout développée dans les années 2000. "Le nombres d'escales est passé de 50 en 2007, à 300 en 2012, puis à 460 en 2016-2018 ", explique Élodie Jaunay, directrice de l'agence Kenua, agent maritime auprès des armateurs. La crise sanitaire a mis un coup d'arrêt à l'activité avec la fermeture des quatre escales calédoniennes en 2020 (Nouméa, Lifou, Maré, île des Pins). Fin 2022, seules Nouméa et Lifou ont rouvert. En 2023, l'activité a redémarré avec 188 touchers. Nouméa et Lifou ont alors accueilli 343 703 passagers, consolidant la place de la Nouvelle-Calédonie dans le top 5 des ports de croisière français. 


Elodie Jaunay, représentante de l'agence maritime Kenua. Photo NikO VinCent

Une reprise en demi-teinte 

Mais cet élan a de nouveau été stoppé par les exactions de mai 2024. "Seuls 111 touchers ont eu lieu l'an dernier, puisque durant six mois les navires ont été reroutés vers d'autres destinations comme le Vanuatu ou le Queensland, précise la directrice de Kenua. Depuis, la reprise se fait timidement. Les armateurs, encore affaiblis par le Covid, s'inquiètent du niveau de sécurité ici. Le gouvernement australien, notamment, a gardé en mémoire les difficultés d'évacuation de ses ressortissants à la suite du 13-Mai". Afin de rassurer les deux principaux armateurs, ils ont été invités à Lifou dès juillet 2024. En octobre, un premier navire s'y est rendu, et à partir de novembre, les escales sont redevenues plus régulières. "Mais à un niveau bien inférieur à ce que l'on a pu connaître, et cette tendance va se poursuivre", annonce Élodie Jaunay.

Une baisse d'activité de 32,5 % entre 2023 et 2027

"Le manque d'escales ouvertes, l'instabilité politique et sécuritaire et l'absence de visibilité sur la taxe croisière ont amené les armateurs à revoir leurs déploiements dans notre zone jusqu'à fin 2027", poursuit-elle. Les croisières étant vendues deux ans à l'avance, les réservations d'escales en Nouvelle-Calédonie pour 2027 sont ainsi presque clôturées, avec une moyenne de seulement 130 escales par an prévues jusqu'à cette date, soit une baisse d'activité de 32,5 % entre 2023 et 2027. Les emplois du secteur touristique et des réceptifs, déjà affectés depuis 2020, sont en péril. "Paquebots, minéraliers… Tout le trafic a chuté, confirme Charlie Sarafian, représentant du syndicat professionnel des pilotes maritimes. Il est urgent de rouvrir nos escales et d'en créer de nouvelles, pourquoi pas à Bourail ou Boulouparis ? Un ponton à chaloupes, en quelques mois, c'est construit. Donc cela peut se faire très rapidement".

2,5 milliards de retombées économiques contre 7 avant la crise sanitaire

"Pendant que la croisière explose partout ailleurs, en Nouvelle-Calédonie, nous ne sommes pas attractifs ", constate Vincent Chevalier, pilote maritime et président du tout nouveau Club Croisière. Pourtant, l'enjeu économique et social de cette activité est de taille. Les retombées dépassent le simple panier moyen du passager. Les études menées avant la crise sanitaire les évaluaient à près de 7 milliards de francs par an, incluant non seulement les dépenses directes des croisiéristes, mais aussi celles liées aux services portuaires, aux remorqueurs, au pilotage ou encore aux excursions. Aujourd'hui, elles se situeraient plutôt autour de 2,5 milliards.


Vincent Chevalier et Charlie Sarafian, représentants des pilotes maritimes au sein du Club Croisière. Photo NikO VinCent

À Lifou, par exemple, la croisière représentait plus de 250 millions de francs en 2018 de retombées directes, avec 118 bateaux. "Les perspectives nous amènent à faire bénéficier le plus de monde possible dans différents secteurs, comme nos établissements scolaires, avec l'intégration de la jeunesse à travers l'apprentissage de l'anglais", explique Josiane Kaemo, directrice de Wetre Tours, qui fête ses 30 ans cette année. De quoi aussi maintenir les populations sur leur territoire. Les retombées économiques liées à la croisière nourrissent également l'apport en devises étrangères. 

Un défi de gouvernance et de planification

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie s'est emparé du sujet en créant une taxe croisière*. "Une nécessité, cela se fait partout", précisent les différents interlocuteurs. Son tarif par passager doit être fixé par une délibération du Congrès, tandis que son affectation a été ainsi répartie : 20 % pour le Port autonome, 20 % pour Nouvelle-Calédonie Tourisme (NCT) et 60 % au profit d'un fonds de développement et de promotion du tourisme de croisière, dont 83 % au profit des provinces et 17 % au profit des communes. 

Si les armateurs et les acteurs du secteur y adhèrent, une clarification semble nécessaire. "Le fléchage de la taxe est cohérent avec les compétences des différentes institutions qui la percevront, mais son entrée en vigueur immédiate poserait problème", souligne Élodie Jaunay. "Les compagnies sont d'accord pour payer la taxe, mais pour la répercuter sur le billet du passager, il faut leur laisser 18 mois, car ces croisières sont déjà commercialisées", ajoute Josiane Kaemo. 


L'accueil des croisiéristes à la gare maritime. Photo NikO VinCent

La taxe croisière porte donc la promesse d'un rééquilibrage dans la répartition des bénéfices pour les acteurs du secteur et son développement au niveau du territoire. "Nous pourrions alors retrouver le programme d'escales d'avant-Covid et la Nouvelle-Calédonie pourrait ouvrir d'autres destinations", ajoute Josiane Kaemo. Car l'archipel a besoin de "plus d'escales pour établir un catalogue. Historiquement, il y avait l'île des Pins, Maré, Poum, Hienghène, Ouvéa…", rappelle Vincent Chevalier.


Spectacle d'accueil des croisiéristes sur le site d'Easo à Lifou. Photo Kenua

Sur terres coutumières, toute escale dépend de l'accord des autorités locales. "Ce sont les gens des îles qui décident du nombre de paquebots qu'ils veulent accueillir. Il suffit de rédiger un cahier des charges : quel jour de la semaine ? Quel nombre maximal de paquebots par semaine ? Quelle quantité de passagers à terre ? Et les compagnies s'adapteront. Les armateurs ont toujours respecté cela", insiste Charlie Sarafian. L'exemple de Lifou est parlant : les compagnies respectent strictement la décision des coutumiers concernant le nombre de bateaux autorisés par semaine. Le développement des escales passe donc par un dialogue préalable, mais aussi par la mise en place d'infrastructures légères, comme des pontons à chaloupes, qui profitent également aux habitants.

Miser sur la qualité de l'expérience

Pour capter davantage de retombées, les professionnels insistent sur la nécessité d'améliorer l'offre existante. "Il faut apporter une plus-value aux produits déjà proposés, mieux former les guides, notamment en anglais, et élever le niveau de qualité, défend Élodie Jaunay. Carnival, qui représente environ 80 % des escales, finalise un engagement afin d'aider à financer des formations pour de futurs guides de Lifou." Josiane Kaemo continue : "et à aider Lifou sur l'approvisionnement de produits locaux". L'objectif est de professionnaliser la filière pour proposer des prestations mieux rémunérées et adaptées aux différents profils de croisiéristes – car tous ne sont pas des touristes "low cost". 


Les prestataires touristiques proposent leurs offres d'excursions aux croisiéristes. Photo NikO VinCent

Certaines initiatives simples peuvent aussi renforcer l'expérience : spectacles d'accueil ou de départ, marchés artisanaux, offres culturelles ponctuelles. Chaque franc dépensé en fin de journée, avant l'embarquement, devient un revenu supplémentaire pour les acteurs locaux. Enfin, le développement de la croisière doit aller de pair avec un travail sur l'image de cette activité. Les professionnels rappellent que les navires de croisière représentent moins de 1 % de la flotte mondiale, mais sont les plus contrôlés en matière de normes environnementales et de sécurité. Le Club Croisière entend promouvoir cette image dans l'opinion publique, afin que la population y voie une opportunité plutôt qu'une contrainte.


Le marché artisanal à la gare maritime de Nouméa valorise la production locale avec le label Ardici. Photo NikO VinCent

Un Club Croisière pour structurer la filière


Les membres du Club Croisière : Vincent Chevalier, président (pilotes maritimes), Élodie Jaunay (agence Kenua), Frédéric Prentout (CCI), Julie Laronde (NCT), Sylvie Helmy (Nouméa Discovery) et Charlie Sarafian (pilotes maritimes).

À l’image de Tahiti, de l’Australie ou encore de Marseille, la Nouvelle-Calédonie compte depuis peu un Club Croisière. Cette entité réunit pour l’heure les pilotes maritimes, l’agence Kenua, la CCI au titre de la gestion de la gare maritime, Nouméa Discovery, Wetre Tours, le Betico et Nouvelle-Calédonie Tourisme. Pourquoi ? "Parce que la croisière est un formidable levier de développement pour notre pays, il est essentiel de structurer et organiser durablement ce secteur", peut-on lire sur la brochure du club, distribuée lors de la Journée de la mer 2025.

Pour son président, Vincent Chevalier, pilote maritime, cette entité doit avant tout permettre de "faire entrer le secteur privé dans la gouvernance de la croisière, à parité avec le secteur public et de manière durable". Ainsi structurées, "les forces vives pourront se faire entendre", ajoute la directrice de Wetre Tours, Josiane Kaemo. "La mise en place de ce club va permettre de donner une gouvernance durable, indispensable à la mise en place de toute stratégie de développement", assure Charlie Sarafian, pilote maritime.

"Améliorer l’image de la croisière"

Parmi ses missions principales, le Club Croisière souhaite communiquer auprès des Calédoniens pour "améliorer l’image de la croisière, indique Élodie Jaunay de l’agence Kenua. Expliquer par exemple comment l’activité est réglementée et contrôlée, sensibiliser aux opportunités d’emplois à bord et à terre, valoriser les projets en cours (préservation des baies à Lifou, approvisionnement des navires en miel local, visites scolaires des navires, etc.)".

Le club compte aussi s’atteler à la réouverture des escales fermées, puis au développement de nouvelles, en mettant son expertise au service des communes. Il travaillera également à la promotion de la Nouvelle-Calédonie en tant que destination de croisière, afin d’améliorer son positionnement dans le Pacifique.

À court terme, l’association vise d’autres objectifs, tels que l’élaboration d’un plan stratégique sur cinq ans, la formation et la professionnalisation des prestataires ou encore la création d’une charte environnementale et d’un label qualité. Basée dans le local des pilotes maritimes à Nouméa, elle mène actuellement une période de recrutement de nouveaux membres susceptibles d’apporter leurs connaissances ou qui ont un intérêt dans le développement de la croisière. L’élection du conseil d’administration du Club Croisière, prévue en 2026, donnera le coup d’envoi de ses travaux.

30 ans d'accueil des croisiéristes à Lifou


Le 30e anniversaire a été célébré le 29 août avec tous les acteurs concernés et l'équipage du Carnival Splendor.

Ouverte en 1995 sous l'impulsion du Grand Chef Paul Sihaze, l'escale de Lifou a su développer une large offre touristique autour de la croisière. "L'objectif était de porter un projet économique durable visant à favoriser le développement social et solidaire de l'île, afin d'y maintenir les habitants", rappelle Josiane Kaemo, directrice de l'agence Wetre Tours, qui coordonne les prestataires touristiques de l'île. Aujourd'hui, chaque toucher représente plus de deux millions de francs de retombées économiques directes pour la population des trois districts de Lifou.

Une étude sur la croisière à Maré

Membre du comité technique dédié à la croisière, la CCI a piloté une étude sur les flux de croisiéristes et la structuration de l'offre touristique à Maré, financée par Atout France et la province des Îles Loyauté, afin d'envisager un retour raisonné et accepté des paquebots sur l'île. Les premières restitutions ont été faites aux chefferies et à l'institution provinciale. Cette étude va permettre d'identifier le niveau d'acceptabilité de la croisière par la population de Maré, les leviers, les freins et les retombées souhaitées. Un modèle unique pourra ainsi être défini, précisant le type de bateau et le nombre de passagers pouvant être accueillis, les infrastructures existantes et à créer, l'offre touristique disponible, etc. 

Note

Pour contacter le Club Croisière Nouvelle-Calédonie : contact@ccnc.nc [1]

* Loi du pays 2025-8 du 15 juillet 2025 portant création de la taxe pour le développement et la promotion du tourisme de croisière.

Le magazine CCI Infos n° 308 d’octobre et novembre est disponible sur le site Internet de la Chambre de commerce et d'industrie [2].

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