
Une réforme pour que rien ne change, ou presque. L’ambition peut sembler modeste. Pourtant, le projet de loi du pays visant à modifier le dispositif d’aide au logement, examiné ce mardi 22 décembre au Congrès, représente un nouvel effort considérable pour la Nouvelle-Calédonie. À l’heure où les finances publiques sont exsangues, le texte a pour seul objectif d’assurer la pérennité du dispositif tel qu’il existe. Environ 9 600 Calédoniens en bénéficient. Mais son coût est devenu intenable pour la collectivité.
En 2025, l’aide au logement s’est élevée à 3,5 milliards de francs, pour une aide moyenne mensuelle de 42 000 francs par foyer. "Il faut qu’on parvienne à maintenir ce système d’entraide, il est le premier amortisseur social en Nouvelle-Calédonie et le seul à s’être maintenu malgré les crises successives", a indiqué Petelo Sao, membre du gouvernement en charge du logement, en entame de séance. "Avoir un toit sur la tête, c’est la première des sécurités et c’est un droit fondamental", estime pour sa part Vaimu’a Muliava, (Éveil océanien), rapporteur du texte.
Si le dispositif est menacé par les difficultés budgétaires de la Nouvelle-Calédonie, l’aide au logement souffre surtout d’un cadre de financement devenu, au fil des années, très bancal. Créée en 2007, elle était basée sur le cofinancement à parts égales par la Nouvelle-Calédonie, le Fonds social de l’habitat (FSH) et les trois provinces. Mais, dès 2012, ces dernières ont décidé de mettre un terme à leur participation. La contribution du FSH étant plafonnée, c’est la Nouvelle-Calédonie qui a dû en grande partie compenser ce retrait. Un effort qu’elle ne peut plus endosser.
La loi du pays prévoit ainsi de supprimer ce cadre de financement, toujours en vigueur malgré la décision des provinces de se retirer, tout en leur offrant la possibilité de revenir quand elles le souhaitent dans le dispositif. Surtout, il consacre la possibilité laissée au FSH d’y contribuer davantage. À l’origine, le texte prévoyait d’autoriser le Fonds à dépasser le plafond des 15 % prélevés sur la contribution qu’il perçoit de la part des employeurs (nommée "2 % FSH") et qu’il verse à l’aide au logement. Mais un amendement déposé par Philippe Dunoyer (Calédonie ensemble) et Vaimu’a Muliava a proposé d’aller plus loin, en demandant au FSH de prélever 30 % de cette manne au bénéfice de l’aide au logement pour les années 2026, 2027 et 2028. Cela reste soumis à une validation par le conseil d'administration du FSH, dont la mission principale est de contribuer à la politique de l’habitat social.
Une solution qui a cristallisé l’essentiel des débats. L’intergroupe Les Loyalistes a en effet estimé que ce système dévoyait la principale mission du FSH, à savoir faciliter l’accès à la propriété des Calédoniens. "Là, on vient créer des dépenses supplémentaires pour maintenir les gens dans un système locatif", a déploré Nicolas Metzdorf. "Il n’est pas sain qu’on aille chercher des ressources supplémentaires pour financer des dispositifs qui ne sont pas maîtrisés", a renchéri son collègue Philippe Blaise.
Pour la formation politique non-indépendantiste, la loi du pays aurait dû poursuivre un autre objectif : freiner l’augmentation incontrôlée du coût de l’aide au logement depuis sa création. En 2007, le dispositif représentait 800 millions de francs. Il coûte quatre fois plus cher aujourd’hui. La conséquence d’une paupérisation de la société calédonienne, a tenu à faire remarquer Philippe Dunoyer (Calédonie ensemble), pas d’un choix politique. "Il y avait 4 000 bénéficiaires en 2010, aujourd’hui ils sont plus de 9 000", sans modification des critères d’éligibilité, a indiqué ce dernier. La destruction de 12 000 emplois à la suite des émeutes n’y est pas pour rien. "Il faut souhaiter que ces familles en sortent un jour, mais aujourd’hui ce n’est pas le cas", poursuit Philippe Dunoyer. Pour Petelo Sao, "la maîtrise du nombre de bénéficiaires ne se fera que par la reprise économique et par un retour à l’emploi, pas par une exclusion d’une partie d’entre eux du dispositif". "Ce qui est proposé correspond à une situation fragilisée et à des inégalités sociales criantes, a abondé Vaimu’a Muliava. Pourquoi autant de familles ne parviennent pas à payer leur loyer ? Ça doit nous interroger."
Le texte prévoit également un transfert de la gestion de l’aide au logement, actuellement à la charge du FSH, vers la Cafat, davantage compétente en matière d’allocations sociales. Un choix "pas pertinent", a jugé Virginie Ruffenach (Rassemblement), selon qui "la Cafat a déjà beaucoup de choses à gérer". Il instaure également de nouvelles sanctions administratives destinées aux fraudeurs, et pouvant aller jusqu’à 500 000 francs d’amende.
Le texte a finalement été adopté par 32 voix pour et 14 abstentions.