Football : Steeve Laigle veut "remettre la fédération à plat"
Propos recueillis par Julien Mazzoni | Crée le 24.12.2025 à 05h05 | Mis à jour le 24.12.2025 à 05h05
85f72db76a49659f74df72v_00136195.jpg
Steeve Laigle a été élu président de la Fédération calédonienne de football le dimanche 21 décembre. C'est la deuxième fois qu'il occupera cette fonction. Photo FCF
Porté dimanche 21 décembre à la présidence de la Fédération calédonienne de football, Steeve Laigle, déjà à la tête de l'instance de 2016 à 2020, veut engager une refonte profonde de l'institution. Transparence financière, réorganisation administrative, relance des compétitions et reconquête des licenciés : le nouveau président dresse un constat sévère et dessine les contours d'un chantier qu'il annonce long.
Vous avez été élu dimanche pour la deuxième fois à la présidence de la Fédération. Quelle est votre priorité à court terme pour le football calédonien ?
Ma première priorité, c'est de faire un audit financier et administratif de la fédération pour faire un véritable état des lieux. Quand je parle de la fédération, j'inclus les comités et les clubs. Aujourd'hui, on est tombé à environ 4 000 licenciés. Il faut aller vers les gens, leur présenter notre projet, voir s'ils y adhèrent et surtout comment on peut aider à relancer les clubs qui se sont mis en sommeil depuis deux ans.
Ces mises en sommeil sont liées selon vous aux crises qu'a traversées le pays ou à un découragement plus profond ?
Les crises ou les émeutes entrent peut-être en compte, mais il y a aussi, peut-être, un aveu de lassitude, de perte d'envie. Après la Covid, à mon sens, la fédération n'a pas redonné envie de reprendre le football, parce qu'elle n'a rien organisé. Ne seraient-ce que des petits tournois, des rencontres pour simplement rejouer, ça n'a pas été fait. On a payé des inscriptions et des licences, sans pouvoir pratiquer.
Ensuite, après les émeutes, la décision a été prise de faire une année blanche, sans montée ni descente. Pourtant, on a vu des clubs s'organiser seuls, comme Dumbéa FC, des compétitions se jouer en PH Nord et Sud, et des tournois dans les îles. Mettre le football "sous cloche" après ces deux événements a clairement contribué à la perte de licences.
Les clubs de Promotion Honneur ont d'ailleurs beaucoup exprimé leur mécontentement…
Oui, ils ont manifesté toute la saison. Ils trouvaient injuste de ne pas pouvoir monter. L'argument avancé par la Fédération était économique, en disant que les clubs n'auraient pas les moyens. Mais en tant que président de club communal [Steeve Laigle dirige Waa wi luu sports, NDLR], je sais que beaucoup sont soutenus par leur mairie. Et d'autres fonctionnent sans subventions, en vendant des brochettes, en organisant des bingos. Cette décision a été prise sans consulter les clubs.
S'il y a un championnat, il doit y avoir un champion et donc une montée-descente. Même s'il n'y a pas de descente, au moins des montées. Il faut un objectif. Quand on est compétiteur, on a besoin d'une récompense au bout.
"La Fédération doit être au service des clubs, pas l'inverse"
L'image de la fédération a aussi été écornée par des tensions internes très visibles…
Oui, ça a donné une image malsaine de la Fédération. À l'approche des élections, des personnes qui travaillaient ensemble se sont déchirées publiquement. Ce n'est pas normal. Quelle image donne-t-on à la Confédération océanienne de football, à la FIFA ? Ça participe sans doute aussi au découragement et à la déception.
La question des finances revient souvent. Quel est l'état réel des comptes de la Fédé aujourd'hui ?
C'est justement pour ça que je lance un audit. Les finances doivent être publiques. Nous sommes une association loi 1901, la transparence est une obligation. Apparemment, des attestations sur l'honneur étaient demandées pour interdire la diffusion de documents internes. Pour moi, ce n'est pas normal. Les délégués représentent des clubs, des arbitres, le football féminin. Ils doivent pouvoir rendre compte à ceux qu'ils représentent. Interdire la diffusion sous peine de sanction, ça pose question.
Lors de l'assemblée générale, le rapport d'activité n'a pas été validé…
C'est une première. Pour moi, ça signifie que les délégués refusent de valider le travail de l'administration et des techniciens. Les clubs ne sont pas contents. Et comme je l'ai souvent répété, la Fédération doit être au service des clubs, pas l'inverse.
Quand, en tant que président de club, je faisais la route depuis Koné pour déposer des licences, on me renvoyait pour un papier manquant. Pourtant, le logiciel Comet existe depuis des années mais il n'est pas accessible à tous les clubs. Son extension sur tout le territoire permettrait de faire les licences localement.
"On est passé d'environ 12 000 licenciés en 2019 à 4 000 aujourd'hui"
Il y a d'ailleurs eu des dysfonctionnements graves en compétition...
Oui. Un club a joué toute une saison sans affiliation ni licences valides. Le contrôle n'a été fait qu'au moment des play-offs, après avoir éliminé un autre club. Celui-ci a été complètement découragé. Les contrôles doivent se faire avant le début des championnats.
Vous évoquiez une chute du nombre de licenciés. Est-elle chiffrée ?
On est passé d'environ 12 000 licenciés en 2019 à 4 000 aujourd'hui. Ces jeunes sont toujours là, mais ils sont partis dans d'autres sports. Tous les rapports montrent que les autres disciplines ont progressé. Ça veut dire que le football n'a pas su les garder. Les salariés de la Fédé doivent se remettre en question, car après les émeutes, ce sont les clubs qui ont pris le relais sur le terrain.
Vous voulez donc totalement refonder l'institution ?
Oui, c'est une réorganisation complète. On repart presque de zéro. Le projet s'inscrit sur quatre à huit ans. On ne fera pas tout en un an. L'objectif, c'est qu'au bout de quatre ans, le football calédonien retrouve une organisation efficace et surtout l'envie de jouer, que le football fasse à nouveau rêver les gamins.
"Si la qualification en Coupe du monde est au bout, on fera en sorte que la préparation soit à la hauteur"
Il y a peut-être aussi des financements à aller chercher à l'international ?
Les voyages auxquels participent les membres de la Fédération sont pris en charge par la FIFA, mais il faut en profiter pour faire du lobbying. Il existe des fonds, notamment via le Qatar, la Fondation UEFA... Les petites fédérations, même en Océanie, peuvent y accéder avec des projets solides. Il y a de l'argent à aller chercher, y compris pour rénover les terrains. Il faut arrêter de faire de la figuration.
Le football féminin fait aussi partie des priorités ?
Oui. La promotion, c'est bien au début, mais il faut maintenant de vraies compétitions, des récompenses, une mise en valeur médiatique. Mettre en avant toutes les pratiques, y compris les jeunes. Voir sa photo dans le journal, ça donne envie.
Enfin, comment abordez-vous les barrages de qualification pour la Coupe du monde des seniors, que le sélection disputera le 26 mars 2026 contre la Jamaïque ?
Je suis avant tout un supporter. J'ai confiance en l'équipe et au staff. Sur un match, tout peut arriver. Si la qualification est au bout, on fera en sorte que la préparation soit à la hauteur. On ne pourra plus se permettre de revivre certaines situations qu'ont vécues nos sélections jeunes dernièrement.