
C’est une première en quinze ans : la Caisse locale des retraites (CLR) a renoué, en 2024, avec un excédant budgétaire. Un résultat confirmé et même amplifié en 2025. Une bonne santé financière qu’il convient toutefois de nuancer : elle est la conséquence d’efforts considérables imposés ces dernières années aux 5 344 retraités de la fonction publique affiliés à la CLR. En août 2024, le Congrès a notamment adopté une réforme [1] entraînant le passage de 6 % à 9 % du taux de minoration des pensions. Autrement dit : les retraités ont vu leurs revenus diminuer de 3 %. Le texte comprenait également une augmentation de 1 % des cotisations salariales.
Un an et demi plus tard, ces "mesures difficiles mais nécessaires", selon Naïa Wateou, membre du gouvernement en charge de la fonction publique, ont permis de sauver la CLR. Pour éviter de la faire replonger trop rapidement dans une situation déficitaire, l’exécutif a soumis au Congrès un projet de délibération visant à retarder le retour à 6 % du taux de minoration, initialement prévu au 1er janvier 2026.
La réforme d’août 2024 se voulait en effet transitoire, promettant aux retraités des efforts de courte durée. Mais le gouvernement se montre prudent. Un retour précipité aux 6 % "exposerait la CLR à de nouveaux risques financiers et compromettrait la trajectoire de redressement engagée". Le texte adopté mardi 23 décembre va donc limiter la baisse du taux de minoration : il passera de 9 % à 8 % le 1er janvier 2026, ce qui entraînera une légère augmentation du niveau des pensions. Le retour à un taux de minoration à 6 % ne se fera qu’en 2028, garantissant l’équilibre du système pour les cinq prochaines années.
Cette frilosité de l’exécutif s’explique par la menace d’une cessation de paiements qui pèse sur la CLR à moyen terme. Sa trésorerie est mise à mal par 1,8 milliard d’impayés de cotisations, principalement des établissements hospitaliers, et par un niveau de pension historiquement élevé. Mais le principal risque est d’ordre démographique. Le ratio cotisants-pensionnés est désormais passé sous la barre des deux fonctionnaires pour un retraité, fragilisant l’ensemble du système par répartition.
Un constat qui a rapidement orienté les débats, mardi, vers une épineuse question : faut-il abandonner le système de financement des retraites par répartition, tant dans le public que dans le privé, soumis aux mêmes difficultés ? Une partie des élus le pense. "On sauve le régime des retraites par des pansements, on gagne un ou deux ans à chaque fois, a fait remarquer Nicolas Metzdorf (Intergroupe Loyalistes). Mais la vérité, c’est qu’on a une population qui vieillit, et que le système par répartition et intergénérationnelle arrive à sa fin."
Pour le député, la seule solution est de réfléchir à une évolution progressive vers un système par capitalisation. "On n’y échappera pas", a-t-il affirmé. Un point de vue partagé par Roch Wamytan (UC-FLNKS et Nationalistes), qui estime que la Nouvelle-Calédonie doit "imaginer un autre modèle" en allant "chercher des idées ailleurs dans la région", comme "à Singapour", où le paiement des retraites est géré par un fonds de pension. "Même sur le plan national, le constat c’est que le système par répartition est un échec", a renchéri Virginie Ruffenach (Rassemblement).
Seul Vaimu’a Muliava (Éveil océanien) a défendu ce qu’il qualifie de "modèle généreux, interculturel, intergénérationnel" auquel il faut "s’accrocher". "C’est similaire à la solidarité océanienne, c’est un système qui nous ressemble", a poursuivi l’élu, se montrant très critique envers les régimes par capitalisation australien ou américain, basés sur "le chacun pour soi".