C’est le fruit de toute une semaine de travail dont le secret a été bien gardé, jusqu’à vendredi, jour où le centre pénitentiaire de Koné a été inauguré en grande pompe [1] et en musique par le Garde des Sceaux.
Au micro, pour clôturer cette cérémonie on ne peut plus solennelle, l’artiste Gulaan. Derrière lui, plusieurs "frangins" détenus, le temps d’un concert au cours duquel cette troupe d’un jour a notamment chanté un morceau spécialement écrit et composé pour l’occasion : "Aimer, sans être aimé". Une œuvre collective réalisée l’an passé lors d’ateliers menés par l’artiste maréen avec une quinzaine de détenus. Une manière de s’évader de l’univers carcéral grâce aux mots et à l’art.
"C’était un plaisir de répondre présent car moi aussi, j’ai été détenu. C’était il y a longtemps, dans les années 1980, confie Gulaan. C’est important pour eux de partager ensemble ce moment afin qu’ils en aient un bon souvenir, en attendant que l’on puisse se revoir dehors, d’une autre manière."
Une fenêtre ouverte sur le monde que cet établissement flambant neuf s’attelle à proposer aux détenus à travers divers ateliers (écriture, vidéo, musique…) en complément de la formation professionnelle et d’opportunités de travail en vue de mieux préparer leur sortie et de lutter contre la récidive. Et c’est aussi la raison pour laquelle, le chanteur s’est volontiers impliqué dans cette démarche.
"Apporter l’art en milieu carcéral est important. Dans mes chansons, je véhicule beaucoup de valeurs comme la recherche de respect et d’humilité, poursuit Gulaan, également marqué par cette expérience. J’ai trouvé que les petits et les grands frères que j’ai rencontrés, ici, à Koné, ont encore ces valeurs-là et ça me nourrit aussi. Je les accompagne pour faire de la création et eux, en retour, m’apportent quelque chose que je ne trouve pas dehors."
Un partage dont se souviendra longtemps ce détenu originaire de Poum, qui purge sa fin de peine dans la prison du Nord. "La musique est un cadeau du ciel. Chacun d’entre nous a apporté sa petite phrase, son petit paragraphe pour faire ce chant-là. C’est très positif, estime ce jeune homme. Ce genre d’atelier aide. Au lieu de taper dans le mur ou de taper sur le codétenu, on chante et ça nous canalise. C’est aussi une façon de faire un travail sur soi grâce à l’art. Si on est ici, c’est qu’il y a eu justice, et il faut l’accepter. Ce chant, que l’on a mis trois jours à écrire, fait partie des outils dont on a besoin pour préparer notre sortie, si on veut, nous aussi, participer à la société de demain."