La Nouvelle-Calédonie déclare l’état d’urgence climatique

La Nouvelle-Calédonie rejoint le Vanuatu et la Nouvelle-Zélande dans la liste des pays du Pacifique ayant déclaré l’urgence climatique et environnementale de leur territoire. Une démarche impulsée le 11 septembre dernier par le gouvernement [1], qui devrait être acté au congrès le 19 mars prochain. Une initiative née à l’issue du premier Forum calédonien du changement climatique, [2] organisé en avril 2024 et qui a permis de définir les priorités et principaux axes de travail à mettre en œuvre pour tenter d’atténuer les effets locaux de ce fléau mondial.

"Le Congrès va enfin pouvoir délibérer puis voter cette stratégie calédonienne du changement climatique, qui est la synthèse d’un gros travail de consultation avec près de 2000 contributions, et qui aujourd’hui, doit passer par la mise en place d’un vrai plan d’actions sur le terrain", résume Jérémie Katidjo-Monnier, le membre du gouvernement en charge de la transition écologique, conscient que les émeutes et les difficultés économiques risquent de faire passer l’environnement au second plan. "L’urgence et la crise économique n’ont pas effacé la crise climatique, assène-t-il. Les Calédoniens, bien sûr, s’intéressent à la fin du mois, mais ils s’intéressent aussi et ils font preuve d’énormément de résilience face aux risques climatiques."

Comment mettre en place cette stratégie du changement climatique ?

La Nouvelle-Calédonie bénéficiera du soutien de l’AFD (Agence française de développement), à travers une assistance technique qui permettra notamment d’établir un diagnostic des vulnérabilités des secteurs économiques et sociaux et les besoins d’adaptation à ces changements climatiques. Cet appui sera doté d’une enveloppe de 24 millions de francs débloqués sur une période deux ans.

Que sait-on du changement climatique dans la région et dans le monde ?

En cinquante ans, la température moyenne annuelle de l’air a augmenté de 1,1 °C et la température de la mer en surface affiche par exemple une hausse de + 0,6 °C à Nouméa par rapport à 1960. Un emballement qui s’accélère nettement ces dernières années.

Le niveau des eaux s’est élevé de 5 à 6 cm en soixante ans dans notre région. Une tendance appelée à s’accentuer à l’avenir, et donc à suivre de près puisque la moitié du littoral calédonien (49 %) est soumise au risque de submersion marine et que 71 % des côtes sont quant à elles exposées au phénomène d’érosion.

Pour autant, il est difficile de prédire avec exactitude l’évolution des effets du changement climatique. Selon les projections du Giec (le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), la température pourrait encore augmenter dans le monde de +3 à +4 °C à l’horizon 2100 si aucune politique globale d’atténuation (et donc de réduction des émissions de gaz à effet de serre) n’est mise en place. Et dans l’hypothèse où une "politique vertueuse" planétaire serait en vigueur, le mercure continuerait de grimper, mais de façon moins spectaculaire, soit une hausse estimée entre +1,2 °C et +1,5 °C d’ici la fin du siècle.

Pourquoi faut-il améliorer les connaissances locales sur le climat ?

Ces données et estimations à l’échelle de la planète méritent encore d’être affinées au niveau régional et local. Sauf que les scientifiques manquent cruellement d’éléments. C’est pourquoi ce partenariat avec l’AFD pour mettre en place la stratégie calédonienne de lutte contre le changement climatique s’inscrit dans un projet plus large, déjà lancé par les équipes de Météo France et de l’IRD (Institut de recherche pour le développement).

Ce projet, baptisé Clipssa*, doit permettre de produire des simulations climatiques inédites à haute résolution pour l’ensemble du Pacifique Sud et à très haute résolution à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie. Le pays disposera ainsi d’une meilleure connaissance de l’évolution du climat, notamment en termes de vagues de chaleur, de précipitations, de sécheresses et d’activité cyclonique. Et ce, à l’horizon 2100. Toutes ces informations constitueront un "socle indispensable" pour alimenter la stratégie calédonienne du changement climatique et ainsi orienter les politiques publiques.

"Pour élaborer une stratégie, il faut disposer de données fiables. Or aujourd’hui, les modèles à notre disposition, qui permettent de faire des projections climatiques ne voient pas les îles du Pacifique dont la Nouvelle-Calédonie. Elles n’existent pour ainsi dire pas dans ces modèles, parce qu’elles sont beaucoup trop petites, explique Alexandre Peltier, climatologue chez Météo France. Avec Clipssa, on va donc faire un zoom dans la région puis à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi de Tahiti, de Moorea, de Wallis-et-Futuna et du Vanuatu afin de connaître cette évolution du climat. Ces nouvelles données, qui sont actuellement traitées, sont utilisées par le supercalculateur de Météo France. Cette technologie, dont on ne dispose pas sur place, est l’une des meilleures de l’Union européenne."

À quoi serviront ces nouvelles connaissances sur le climat ?

Mieux simuler l’évolution du climat, selon les différentes régions du Caillou, permet ensuite de mieux anticiper les risques en adaptant spécifiquement les constructions, les aménagements ou encore l’agriculture.

"Ce qu’on veut vraiment savoir, c’est quelles sont les zones qui vont être les plus exposées. Est-ce que la côte Est comme la côte Ouest vont être exposées de la même façon en termes de précipitations ou de sécheresses, mais aussi en termes de température ? poursuit Alexandre Peltier. Si l’on prend l’exemple d’un producteur. Quelles sont les conditions climatiques qu’il va rencontrer en 2050 ou 2100 selon qu’il travaille sur la côte Ouest ou sur la côte Est ? Et donc quelles sont les variétés d’Igname de taro qu’il va falloir mettre en avant pour qu’elles soient adaptées au climat de demain ?

C’est là que vont intervenir plusieurs experts, dont ceux mandatés par l’AFD, au-delà des seuls météorologues. "Nous, on apporte juste notre savoir sur le climat. D’autres collègues feront ensuite émerger les connaissances en fonction des savoirs locaux, des pratiques agricoles, etc. On vient par exemple de recruter deux chercheurs internationaux, originaires du Togo et du Bénin, qui vont travailler sur ces simulations de l’impact du changement climatique pour voir comment peut évoluer l’agriculture en Nouvelle-Calédonie, annonce Alexandre Peltier. Il s’agit vraiment d’un travail pluridisciplinaire qui intègre également les sciences sociales et humaines nécessaires pour mettre en place cette stratégie d’adaptation au climat."