
On essaye de tenir le calendrier du mois de juillet, mais peut-être qu’on aura un peu de retard dans l’année.
Il s’agit d’une décision du conseil d’administration [d’Air Calédonie NDLR] de juillet dernier. Ce déménagement fait partie d’un plan d’ensemble, comme le rapprochement de la compagnie avec Aircalin.
Pour rappel, avant la pandémie de Covid, Aircal était plutôt sur une bonne trajectoire. On visait 500 000 passagers par an pour arriver à l’équilibre des comptes. Quand je suis arrivé à la tête de la compagnie, en 2013, on enregistrait 350 000 passagers. Avant la crise sanitaire, on était quasiment arrivé à 470 000 puis la Covid nous a mis par terre. Il a fallu un premier plan de restructuration et un plan de sauvegarde, en empruntant 500 millions de francs. Une quarantaine de personnes ont alors quitté l’entreprise. Ça, c’est le premier coup de massue. Le deuxième, ce sont les événements de 2024 qui ont mis Aircal au bord de la faillite.
Daniel Houmbouy : "le transfert d’Aircal à Tontouta est prévu au mois de juillet" [1]
La Nouvelle-Calédonie, par le biais de l'ADANC [agence de la desserte aérienne NDLR] a alors injecté 1 milliard pour éviter le dépôt de bilan, ce qui s’accompagne par un plan social, avec le départ de 155 personnes, soit une réduction de la masse salariale de 1,2 milliard. Sauf que l’activité a chuté, avec une réduction du nombre de vols de 40 %. Une fois qu’on a fait ça, ça ne suffit toujours pas. On doit alors envisager d’autres pistes, dont le déménagement à Tontouta.
Si le trafic domestique arrive, il y aura en effet quelques aménagements à faire parce que normalement dans l’aérien, on ne mélange pas les flux internationaux et domestiques. Quelques travaux doivent être engagés pour permettre d’accueillir séparément le trafic domestique et international.
La CCI, gestionnaire de la Tontouta, travaille actuellement sur la manière de traiter ce flux domestique, qui est beaucoup plus dense que le trafic international. Cela implique une combinaison de ces flux. Il n’y a que quelques vols internationaux dans la journée, quand, en temps normal, il faut compter une vingtaine de vols rien que pour Aircal dans la journée.
Il va y avoir de la logistique à gérer, notamment la question du parking qui pose déjà problème à Magenta. La CCI y travaille pour essayer de tenir ce calendrier officiel de juillet même si cela va être un peu compliqué.
Chiffrer précisément ces économies est un peu compliqué à ce stade. Mais, par exemple, le fonctionnement et donc l’exploitation de Magenta coûtent 1 milliard de francs par an.
Et les économies ne se situent pas uniquement au niveau du coût de la plateforme. Cela concerne aussi par exemple les contrôleurs aériens. On ne parvient pas à maintenir l’effectif nécessaire à Magenta où il est de plus en plus difficile de recruter. Donc le regroupement des contrôleurs à Tontouta va également peser, car aujourd’hui, nous avons deux effectifs qui se superposent. Or, tout le monde veut aller à Tontouta où la rémunération est 60 % plus élevée. Ce qui est encore un autre sujet.
La même question se pose pour les pompiers. Tout cela crée des superpositions de coûts. Sans oublier que l’aérodrome de Magenta date des Américains qui l’ont construit. Si on y maintenait l’activité, il faudrait quasiment tout raser et tout reconstruire.
Rien que le chiffre du milliard de francs, c’est déjà très représentatif. L’augmentation du coût d’exploitation de Tontouta, avec des équipements déjà existants, sera, lui, presque à la marge. En revanche, cela impliquera sans doute de travailler sur des extensions d’horaires pour être ouvert tout au long de la journée alors qu’aujourd’hui les vols internationaux sont très espacés.
C’est un sujet qui pourrait permettre de faire des réelles économies d’échelle. On n’envisage pas forcément tout de suite la fusion, le sujet est encore un peu sensible. On parle plutôt de regroupement de certaines fonctions pour rationaliser les coûts : a-t-on besoin de deux directeurs commerciaux, de deux directeurs qualité, de deux directeurs financiers ? Cela réduira ces coûts par deux. Mais il y aura toujours l’organisation différenciée entre un ATR et un Airbus.
Globalement, de ce qu’on voit, il sera plus facile de diluer [la masse salariale NDLR] en regroupant, sans forcément [licencier NDLR], notamment sur la question des contrôles aériens que l’on a beaucoup de mal à recruter.
A priori, non. En tout cas, ce n’est pas un des sujets les plus sensibles.
Il va y avoir un peu d’investissement sur la Tontouta.
Je ne sais pas.
C’est un dossier engagé par le précédent gouvernement que nous reprenons en vue de faire des économies. Mais nos équipes, que j’ai toutes convoquées, doivent encore creuser tous ces sujets.
Ce qui importe le plus pour les usagers des îles, c’est la logistique à Tontouta et combien cela va leur coûter. On a bien expliqué que l’objectif n’est pas de tuer Air Calédonie. Lors de cette réunion, encadrée par le conseil de l’aire coutumière, j’ai senti en effet une forte opposition, mais j’ai aussi vu des gens qui ont compris qu’on n’a pas trop le choix.
Les sujets qui reviennent le plus souvent, c’est le transport et le coût que cela va générer. Je leur réponds que tout le monde est en train de travailler sur ces questions : il va falloir évaluer le coût du transfert entre Tontouta et Nouméa, comment cela s’organise et à quel prix.
Encore une fois, aujourd’hui, je n’ai pas les chiffres, mais en tout cas, il est demandé de creuser ces questions. La CCI travaille là-dessus, notamment sur le transfert. De notre côté, on travaillera de telle sorte à ce que ce coût soit le moins impactant possible pour l’usager. Après, on verra comment on le gère, si on l’intègre dans le prix du billet ou non par exemple. C’est en cours de réflexion. Une étude est lancée sur le sujet.

À partir du moment où Air Calédonie ira à La Tontouta, des choses vont être mises en place, mais de manière transitoire pour accompagner ce lancement. Dès lors qu’il va y avoir un flux conséquent entre Nouméa et La Tontouta, il y aura forcément une véritable réflexion sur le transport qui sera beaucoup plus développé. On parle déjà de la possibilité de travailler sur la construction d’une gare routière qui va forcément s’imposer à un moment donné.
Oui, on ne peut pas le nier. En termes d’économie et d’organisation, au plus vite on déménagera, mieux ce sera. Pour autant, on va capitaliser ce laps de temps restant pour trouver les solutions et accompagner cette installation.
Il y a toute la réflexion sur l’organisation et le croisement des flux. A priori, selon la CCI, c’est le traitement du fret à l’arrivée qui va peut-être prendre un peu plus de temps parce qu’il y a quelques investissements à mener.
Toutes ces questions vont être traitées.
Quand je suis arrivé à Air Calédonie en 2013, c’était en effet déjà un sujet. Il y a des choses qui ont été faites, mais à chaque fois, lorsqu’un premier dossier est monté, vous ne rentrez pas dans ce détail avant que la décision soit vraiment prise.
À l’époque, dès 2013, j’alertais que ce transfert à Tontouta risquerait de mettre un bordel monstre à Tontouta car à l’époque, cela représentait pas loin de 500 000 passagers de plus par an, c’est-à-dire beaucoup plus de trafic et de mouvements, ce qui implique donc des problèmes de logistique, de parking, etc. Autant de points à devoir gérer. Le sujet de la desserte terrestre va également s’inviter parce qu’il va falloir gérer la fluidité du trafic routier.
C’est un sujet qui a en effet été avancé à Lifou.
Il n’est pas prévu qu’il ferme car il assurera encore des services importants comme les Evasan, qui doivent absolument rester sur Magenta. Il restera également les hélicoptères.
Cet entretien a été préparé et réalisé conjointement avec le magazine économique Made In.