
C’est un dossier très technique sur la forme, mais au fond très simple. Depuis le mois d’octobre, un bras de fer oppose Aircalin et les agences de voyages locales. Ces dernières, qui percevaient jusque-là 5 % du prix de chaque billet d’avion vendu, sont vent debout contre la "décision unilatérale" de la compagnie aérienne de mettre fin à cette commission. En lieu et place, Aircalin veut en effet instaurer "un système incitatif" reposant sur des primes d’objectifs et non plus des primes au taux fixe.
Le bras de fer s’intensifie entre les agents de voyage et Aircalin [1]
"Dans le monde, cette règle s’est libéralisée et la plupart des compagnies sont passées au 0 %. Cette commission fixe n’existe plus depuis une vingtaine d’années en France, mais aussi en Europe, aux États-Unis ou encore à Tahiti. En contrepartie, les agences se rémunèrent par des frais de service qu’elles appliquent au client", assure la direction d’Aircalin, qui "pour des raisons de bonne gestion" alors que le secteur aérien local est frappé de plein fouet par la chute du trafic, voulait donc suivre cette "tendance mondiale".
Sauf que la crise n’épargne pas non plus les voyagistes selon qui cette suppression de commission pourrait sceller le sort de certaines sociétés. C’est pourquoi leur syndicat a décidé de saisir l’Autorité de la concurrence (ACNC) de ce dossier, évoquant notamment "un abus de position dominante" (des compagnies comme Air New Zealand ou Fiji Airways s’étant retirée du marché calédonien depuis les émeutes). Cette instruction a été rendue publique ce mercredi 16 avril, sur son site internet [2], dans le cadre d’une procédure dite d’engagement.
La compagnie aérienne n’avait que deux options : aller en justice et risquer une procédure sur "de longues années" ou accepter cette alternative, au cours de laquelle elle a été auditionnée par l’Autorité. Objectif : suivre les recommandations de cet organisme de contrôle en vue "d’apporter des améliorations" dans cet épineux dossier.
C’est dans ce contexte qu’Aircalin a quelque peu rétropédalé en acceptant un délai de 18 mois avant l’application de leur décision, qui entrera donc en vigueur en mai 2026. Mais surtout, en acceptant de maintenir une commission fixe de 3,5 % (au lieu des 5 % actuels) à compter de cette date. Et ce, assorti de primes d’objectifs. Sur ce dispositif, la compagnie devra également s’assurer de n’avantager aucune agence de voyages en lui versant des primes injustifiées ou exclusives.
"On se félicite de cette instruction de l’Autorité de la concurrence qui ne retient pas l’abus de position dominante et ne remet pas en question le principe d’évolution du modèle de rémunération des agences. Même si on ne fait pas exactement ce qu’on voulait dans le calendrier qu’on souhaitait, cela va dans le bon sens", juge la direction d’Aircalin. Pour autant, la compagnie estime que cette baisse (de 1,5 %) du montant de la commission ne devrait pas être suffisamment significative, ni pour réaliser des économies notoires, ni pour influer sur le prix des billets proposés à la clientèle.
De son côté, l’Autorité a décidé de soumettre la proposition d’engagements d’Aircalin à "un test de marché" pour déterminer s’ils répondent de "façon appropriée aux préoccupations de concurrence identifiées".
Les agents de voyages sont commissionnés à hauteur de 5 % du prix du billet hors taxes. Pour un aller-retour sur Sydney autour de 60 000 francs, les taxes sont de l’ordre de 25 000 francs (taxes d’aéroport en Nouvelle-Calédonie, en Australie, taxe de sûreté, taxe carburant, taxe d’écologie etc.), "ce qui nous laisse un billet hors taxes à 35 000 francs, expliquait dans nos colonnes, en décembre, Vaea Frogier, présidente du Syndicat des agences de voyages. La profession touche alors 5 %, "Aircalin me reverse donc 1 750 francs."
La perte de cette commission entraînerait "une chute de 30 % de notre chiffre d’affaires, soit plusieurs millions de francs", assure Vaea Frogier, pour qui "une évolution de la méthode de rémunération des agences n’est pas envisageable lorsqu’il n’y a pas suffisamment de volume (de passagers, NDLR) et de concurrence sur un même marché surtout dans le contexte actuel. Vendre du voyage en 2025 va être un challenge. À nous de le relever, si on veut rester présents. En revanche, je ne veux pas que la compagnie aérienne nous coupe la tête ! "
Les acteurs de la filière intéressés par cette procédure d’engagement sont invités à présenter leurs observations au plus tard le 16 mai, à 17 heures, par courriel : scharlot@autorite-concurrence.nc [3] ; grondelfrajder@autorite-concurrence.nc [4] ; esimminger@autorite-concurrence.nc [5]
Links
[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/transports/le-bras-de-fer-s-intensifie-entre-les-agents-de-voyage-et-aircalin
[2] https://autorite-concurrence.nc/actualites/16-04-2025/dans-le-cadre-dune-instruction-ouverte-devant-lacnc-dans-les-secteurs-du
[3] mailto:scharlot@autorite-concurrence.nc
[4] mailto:grondelfrajder@autorite-concurrence.nc
[5] mailto:esimminger@autorite-concurrence.nc
[6] https://www.lnc.nc/user/password
[7] https://www.lnc.nc/user/register
[8] https://www.lnc.nc/formulaire/contact?destinataire=abonnements