
"Chez nous, l’accueil c’est avec le collier… et toujours le sourire." Assise sur une souche de cocotier face à la mer, Kathy Tavili-Tomu est "contente" de voir l’agitation inhabituelle qui a gagné Wallis-et-Futuna depuis une dizaine de jours. Avions, camions, navires, soldats venus de 18 pays différents… Des moyens humains et matériels sans précédent sont déployés sur l’archipel jusqu’au 4 mai, à l’occasion de l’édition 2025 de Croix du Sud [1].
Cet exercice de vaste ampleur piloté par les Fanc (Forces armées en Nouvelle-Calédonie) vise à mieux préparer et coordonner les actions des militaires entre les pays alliés et la France, en cas de catastrophe naturelle dans le Pacifique. C’est pourquoi cette année, les entraînements se focalisent sur le scénario d’un cyclone qui a tout dévasté sur son passage en vue de porter assistance aux territoires les plus isolés de la région.
Si l’arrivée d’un millier de soldats dans cet archipel de quelque 11 600 âmes peut impressionner, l’initiative semble plutôt bien perçue par les habitants rencontrés à Wallis. Car cette mission est avant tout une opportunité de partager un pan de leur culture avec ces militaires de passage venus de tout le Pacifique, du Japon aux États-Unis en passant par l’Équateur ou encore la Thaïlande.
"Nous n’avons pas hésité à les inviter à notre Fale fono jusqu’à tard hier soir, pour leur préparer le repas et leur faire découvrir le tauasu (le rituel du kava, N.D.L.R.) ", s’enthousiasme Kathy Tavili-Tomu qui, au-delà de ces festivités, juge on ne peut plus utile la tenue de cet exercice. Cette quinquagénaire, mère de quatre enfants, est encore marquée par le passage du cyclone Evan, qui a " totalement détruit " la maison familiale, en 2012, et lors duquel un drame a été évité de peu. "Le plafond de notre salon s’est effondré sur mon fils qui tenait le bébé dans les bras. Ils s’en sont sortis par miracle, mais il y a eu beaucoup de dégâts. C’est un épisode très marquant pour nous ici, assure cette habitante du village de Aka’Aka. Ces entraînements militaires, c’est très important pour qu’on soit prêts le jour où ça se reproduira. À Wallis, on n’a pas tout. Cet exercice peut nous apporter une organisation et des compétences nouvelles pour nous améliorer dans les secours."

Un discours qui fait écho à celui de Juliano Tairua, chez qui le passage d’Evan reste également gravé dans la mémoire. "Ce cyclone a fait beaucoup de mal à l’île. C’était dur. Rien que pour faire revenir l’électricité, on a attendu jusqu’à deux semaines, se souvient cet habitant du secteur de Mont-Lulu, de retour d’un coup de pêche sur un îlot. À la moindre catastrophe ou intempérie, dès qu’on ramasse, on doit se débrouiller par nous-mêmes. Les gens ne savent pas gérer ici, notamment à cause du manque d’infrastructures, mais aussi parce qu’on se casse pas trop la tête. Cet exercice, c’est rassurant. J’espère que cela permettra aux autorités de mieux se préparer et que ça fera un peu bouger les choses."

Pour autant, ce déploiement inédit de forces armées, dans un territoire où aucune présence militaire permanente n’est assurée, a de quoi déstabiliser certains habitants, notamment auprès des anciens, qui selon certains témoignages, peuvent s’inquiéter d’un tel dispositif. "Ça change nos habitudes, c’est quelque chose de très rare ici, c’est même une première, glisse Malia-Losa Initia, 21 ans, qui s’est volontiers portée volontaire pour jouer le rôle d’une femme enceinte en détresse lors de cet exercice. Du coup, les vieux ne comprennent pas forcément ce qu’il se passe. Mais pour nous, les jeunes, quand on en parle, on voit bien l’intérêt. C’est très positif pour l’île. C’est même rassurant, car on doit se faire à l’idée d’affronter de nouveaux cyclones à l’avenir."