
Deux semaines seulement après l’adoption du projet de loi du pays portant moratoire sur l’exploration et l’exploitation des ressources minérales au sein de l’espace maritime de la Nouvelle-Calédonie pendant 50 ans, mardi 29 avril, dix-huit conseillers du Rassemblement et de l’Intergroupe Loyalistes déposaient une demande de seconde lecture, le 13 mai. Quinze jours plus tard, mercredi 28 mai, les élus se retrouvaient dans l’hémicycle du boulevard Vauban afin d’étudier à nouveau le texte.
Le Congrès vote un moratoire contre l’exploitation et l’exploration des fonds marins pendant 50 ans [1]
Ce que lui reprochent les deux groupes politiques non-indépendantistes ? Deux choses, explique Françoise Suve (Intergroupe Loyalistes) : la durée du moratoire, d’une part, qui "paraît irrationnelle et qui fige toute possibilité d’évolution", et l’absence de "dissociation des activités", entre la prospection, l’exploration et l’exploitation. "Nous recherchons un équilibre entre souveraineté économique et protection", invoque la représentante, qui propose un moratoire d’une durée de cinq ans pour la prospection, "avec une clause de revoyure pour ne pas figer dans le marbre ce domaine d’avenir", et un autre sur l’exploration et l’exploitation pour 15 ans, toujours avec une clause de revoyure. Soit, "quelque chose de plus ouvert". Il s’agirait ainsi, selon Françoise Suve, de "poser les bases d’une gouvernance responsable des ressources minérales marines".
Cette durée de 50 ans pose aussi problème à Philippe Blaise (Intergroupe Loyalistes). La proposition de la raccourcir et de l’adapter en fonction des activités s’inscrit donc dans une volonté de compromis. "On suggère de revenir à un peu de mesure, de pragmatisme, et de mettre un délai raisonnable. Le débat n’est pas de préserver ou pas l’environnement, le débat c’est le curseur, placé de façon trop violente lors de la première séance", affirme Philippe Blaise. Pour Laura Vendegou (Rassemblement), "empêcher la prospection est une erreur. Sans connaissance, il n’y a ni maîtrise des enjeux, ni prise de décision éclairée sur l’avenir. Un cadre clair mais évolutif, qui protège aujourd’hui sans condamner demain".

Le plaidoyer ne prend pas. Philippe Michel (Calédonie ensemble) ne partage pas cette position. "Avec la prospection, on ouvre la voie à une activité d’exploration et ensuite d’exploitation." La démarche privilégiée par le parti politique ? "Obtenir d’abord des garanties sur une exploitation respectueuse au travers de recherches scientifiques, et après seulement s’engager sur cette voie." L’autre raison, considère Philippe Michel, concerne le fait que "ce qu’une loi de pays fait, une loi de pays peut le défaire ou le modifier. Donc à tout moment, le Congrès a la possibilité de revenir sur le sujet". Une opinion à laquelle souscrit l’Éveil océanien. Vaimu’a Muliava plaide pour un changement de modèle, l’actuel étant "basé sur l’extractif". "Ce moratoire est essentiel pour se projeter sur une société avec un modèle économique régénératif."
L’UNI non plus ne modifiera pas son vote du 29 avril. "On va aller fouiller au fond alors qu’on n’est pas capable de trouver des solutions pour résoudre l’impact de la pollution de la filière nickel ?", interroge le président de groupe, Jean-Pierre Djaïwé. L’UC-FLNKS et Nationalistes maintient également sa décision de voter le moratoire. "Nous devons être les pionniers en matière de protection des fonds marins et ne pas répéter des erreurs dans les profondeurs océaniques inexplorées", déclare l’élue Maria Waka.
D’autant que les missions de recherche sont autorisées afin de permettre d’acquérir des connaissances scientifiques, martèle Magali Manuohalalo (Calédonie ensemble), la rapporteure. "Les grands fonds sont largement inexplorés, mais pourraient abriter des formes uniques de vie. Les détruire serait irréversible, on ne doit pas sacrifier nos océans pour une promesse de rentabilité qui enrichirait les multinationales plus que nous-mêmes. Le pays se pose ainsi en leader régional de la défense d’une gestion durable et éthique."
Les deux amendements seront finalement rejetés. Et le projet de loi adopté sous sa forme initiale, cette fois avec 30 voix pour, 12 abstentions et 2 contre.
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[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/environnement/sciences/le-congres-vote-un-moratoire-contre-l-exploitation-et-l-exploration-des-fonds-marins-pendant-50-ans
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