- Anne-Claire Pophillat | Crée le 30.04.2025 à 09h52 | Mis à jour le 12.05.2025 à 10h27ImprimerLes fonds sous-marins attirent les convoitises, car ils regorgent de métaux rares. Photo Archives LNC / DRLes représentants du Congrès ont adopté le projet de loi du pays portant moratoire sur l’exploration et l’exploitation des ressources minérales au sein de l’espace maritime de la Nouvelle-Calédonie, mardi 29 avril, avec un changement de taille par rapport au texte initial. Alors que l’interdiction était prévue pour 10 ans, elle s’étend désormais sur une période de 50 ans. Seule la recherche scientifique est autorisée. Explications.
Les fonds sous-marins de la Nouvelle-Calédonie sont particulièrement riches, abritant 20 % de la biodiversité mondiale. Cet espace de 1,3 million de km2, une des plus grandes aires protégées au monde, constitue un sanctuaire à préserver des convoitises, estiment les élus du Congrès, qui ont adopté, mardi 29 avril, après plus de deux heures de débat, un moratoire sur l’exploration et l’exploitation des ressources minérales.
Un texte pionner. "La Nouvelle-Calédonie est ainsi la première collectivité du Pacifique à conférer force de loi à ce moratoire", s’est félicité Jérémie Katidjo Monnier, membre de l’exécutif en charge du parc de la mer de Corail. Et consensuel, a insisté le membre du gouvernement. Cese (Conseil économique, social et environnemental), Dimenc, scientifiques, mineurs, pêcheurs, coutumiers, associations environnementales, etc., "tout le monde est d’accord pour qu’il voie le jour". Mais, il a été voté avec un changement de taille. La durée du moratoire passe de 10 ans prévus dans le texte initial, à 50 ans, donc jusqu'en 2075, au-delà des préconisations formulées par plusieurs instances, qui parlaient de 25 ans.

Jérémie Katidjo Monnier, membre du gouvernement en charge du parc de la mer de Corail, s’est félicité de l’adoption d’un texte "essentiel à la protection de nos océans". Photo A.-C.P.Il s’agit d’une décision "essentielle pour la protection de nos océans", a souligné Jérémie Katidjo Monnier, sachant que la connaissance des fonds marins reste très limitée, et que les écosystèmes qui s’y trouvent sont "très fragiles et peu résilients". L’exploration et l’exploitation feraient donc peser des risques sur les espèces et les récifs coralliens, et pourraient affecter la capacité des océans à capter le carbone, un enjeu vital avec le changement climatique. Pour Magali Manuohalalo (Calédonie ensemble), la rapporteure du projet de loi, il est urgent "de prendre le temps d’écouter la science et les peuples, afin d’évaluer les conséquences de l’exploitation et la pertinence d’y aller ou pas, plutôt que de céder à la logique du profit immédiat".
"Des œillères"
Pour autant, le texte n’a pas fait l’unanimité. Sur le principe, explique Philippe Blaise (Intergroupe Loyalistes), "nous ne pouvons qu’adhérer à la protection des fonds marins", et vouloir "empêcher que les exploitations industrielles fassent des dommages". Le désaccord porte sur la question de l’exploration, que l’intergroupe souhaiterait autoriser, afin de "ne pas empêcher d’évaluer le potentiel économique de ces fonds".
Plus encore, Françoise Suve (Intergroupe Loyalistes) considère, en interdisant l’exploration, "qu’on se met des œillères. C’est plus la peur et la crainte qui nous guident, que la raison fondée sur des éléments tangibles. On ne peut pas interdire quelque chose qu’on ne connaît pas et obérer l’avenir des générations futures." Nadine Jalabert (Rassemblement) pense qu’il est possible de valoriser la biodiversité et "de développer des activités qui produisent de la valeur et des emplois sans dégrader la nature".
En revanche, le projet de loi autorise les recherches scientifiques. Elles sont même "encouragées", "à condition qu’elles n’engendrent pas d’impact significatif". L’objectif est justement d’accumuler de la connaissance sur ces espaces, afin "d’offrir aux générations futures la possibilité de décider en toute connaissance de cause". Des sanctions sont prévues en cas de non respect de la loi. Une amende de 5 millions de francs pour une personne physique et jusqu'à 20 millions pour une personne morale.
"Un message fort à la communauté internationale"
Cette démarche s’inscrit dans "une dynamique mondiale", relève Omayra Naisseline (UC-FLNKS et Nationalistes), qui prend en compte la "dimension culturelle avec la vision kanak de l’océan". L’élue du même groupe, Kadrilé Wright, insiste sur le "devoir" de protection des océans. "L’homme fait partie de la nature et la porte en lui. Pour nous, c’est la vie." Une "cosmogonie océanienne", à laquelle fait référence Vaimu’a Muliava (Éveil océanien). L’élu met également en garde sur le risque qu’il y aurait, en ne votant pas le texte, de "reproduire les mêmes erreurs". "Nous avons fait de l’économie extractive avec le nickel. Où en est-on aujourd’hui de ce système à bout de souffle, qui ne prend pas en compte le vivant ? Et là on se pose la question de savoir si on va faire la même chose aux fonds marins ? Non. Il est sage et responsable d’attendre."
Le projet de loi a été adopté avec 32 voix pour (UC-FLNKS et Nationalistes, Calédonie ensemble, Éveil océanien et UNI) et 10 abstentions (Intergroupe Loyalistes et Rassemblement). La Nouvelle-Calédonie "adresse ainsi un message fort à la communauté internationale", indique Jérémie Katidjo Monnier, alors que s’ouvre à Nice, en juin, la Conférence des Nations Unies sur l’océan. Emmanuel Macron s’est également déclaré contre une exploration des fonds marins. Mais, le contexte mondial se retrouve bouleversé par la récente décision, jeudi 24 avril, du président américain, Donald Trump, de signer un décret destiné à ouvrir l’extraction à grande échelle de minerais sous-marins, y compris dans les eaux internationales, où l’Autorité internationale des fonds marins y est théoriquement compétente.
Hubert Géraux : "On est dans la locomotive planétaire de la protection des océans contre l’exploitation minière"

Hubert Géraux, expert conservation et plaidoyer pour le WWF Nouvelle-Calédonie."On en est très heureux, cela faisait deux ans qu’on attendait ce vote, qui envoie un message extrêmement fort à un mois de la conférence onusienne sur les océans à Nice. Cela marque aussi le choix du respect des générations futures, le choix de la connaissance, puisque la recherche est autorisée, le choix de donner le temps pour préserver et possiblement valoriser, mais intelligemment. C’est une relation gagnant-gagnant, faire prospérer notre environnement et notre économie, qui ne serait pas basée sur l’extraction destructrice de nos ressources. On a un capital naturel, on peut exploiter ses intérêts sans en détruire le contenu. C’est une dimension de respect aussi de la vision autochtone. Cela donne espoir, dans ce contexte de crise mondiale sur la biodiversité, l’économie, la politique, le climat. . On est dans la locomotive planétaire de la protection des océans contre l’exploitation minière."
Ailleurs
Dans le Pacifique, la Polynésie française est un des premiers territoires à avoir adopté, le 8 décembre 2022, une déclaration solennelle concernant un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins sans mention de durée.
Au niveau national, l’Assemblée a adopté, mardi 17 janvier 2023, une résolution invitant le Gouvernement à défendre un moratoire contre l’exploitation minière des fonds marins, tant que les recherches scientifiques n’auront pas "démontré que l’activité extractive peut être entreprise sans dégrader les écosystèmes marins et sans perte de biodiversité marine".
Dans l’exposé des motifs, au Congrès, mardi, la rapporteure Magali Manuohalalo a indiqué que les pays voisins tels que Tuvalu, les Salomon, Fidji, les Palaos, le Vanuatu, étaient opposés à l’exploitation des fonds marins. Dans le monde, et c’est une première en Europe, le Portugal s’est doté d’une loi, en février, interdisant toute exploitation jusqu’en 2050.
Première demande officielle d’exploitation minière
D’autres États y sont davantage favorables. C’est le cas de Nauru, Kiribati et des îles Cook. Ces deux derniers ont d'ailleurs évoqué une possible collaboration avec la Chine pour explorer leurs fonds marins.
La signature, par Donald Trump, d’un décret destiné à ouvrir l’extraction à grande échelle de minerais dans les grands fonds océaniques, y compris en eaux internationales, jeudi 24 avril, pourrait favoriser les projets dans le domaine. La société canadienne The Metals Company (TMC), qui lorgne notamment depuis longtemps sur les nodules polymétalliques de la zone Clarion Clipperton, située entre Hawaï et le Mexique, vient de déposer, mardi 29 avril, une demande d’exploitation minière inédite auprès des États-Unis. Cette demande devait initialement être faite en juin auprès de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui a juridiction sur les fonds des eaux internationales.
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