
Le leader indépendantiste Christian Tein a été libéré, jeudi 12 juin, par la cour d’appel de Paris après avoir passé un an en détention provisoire en Alsace dans l’enquête sur les émeutes. "Ce dossier vient de rentrer dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, dans l’histoire de la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie et je ne peux que me réjouir qu’enfin des juges aient compris le fond du dossier", s’est félicité Me François Roux, qui défend M. Tein.
Christian Tein, qui comparaissait en visioconférence depuis le centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin), s’est engagé à "répondre aux convocations de la justice" et à vivre chez sa compagne en Alsace. Placé sous contrôle judiciaire, il a interdiction de se rendre en Nouvelle-Calédonie et d’entrer en contact avec d’autres protagonistes du dossier.
Élu en août 2024 président du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), le leader indépendantiste a toujours nié avoir appelé à commettre des violences et se présente comme un "prisonnier politique". Il est le chef de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), une organisation que la justice soupçonne d’être derrière les émeutes qui ont éclaté le 13 mai 2024, faisant 14 morts, dont deux gendarmes, et plus de 200 milliards de francs de dégâts.
L’avocate générale avait requis son maintien en détention provisoire, "unique moyen d’éviter une concertation frauduleuse" et pour garantir que M. Tein, présenté comme "le commanditaire" ayant diffusé "un mot d’ordre", réponde aux convocations des juges d’instruction. Pour le deuxième avocat de Christian Tein, Me Florian Medico, au contraire "le dossier est vide" et les trois magistrats instructeurs ont pris la "décision unanime" de le remettre en liberté. "On ne reproche à M. Tein que des discours politiques, militants. Il n’a jamais, jamais appelé à prendre les armes, à la violence, à porter atteinte aux intérêts de l’État", a assuré Me Medico. L’analyse de son téléphone portable n’a révélé aucun "appel à des rassemblements armés, à des violences", seulement des documents politiques, selon le conseil.
"M. Tein et le FLNKS ont toujours appelé au calme, cherché à maitriser une mobilisation qui les ont dépassés", a-t-il ajouté. Pour Me Medico, les troubles en Nouvelle-Calédonie étaient le "signe d’une détresse sociale" pour lesquels "on cherche des boucs émissaires". "Voir des indépendantistes être traités de terroristes…", s’est quant à lui désolé Me Roux.
Les trois magistrats instructeurs qui enquêtent à Paris sur les émeutes mortelles de 2024 ont ordonné le 3 juin la remise en liberté sous contrôle judiciaire de M. Tein [1], quelques jours après un interrogatoire. Ils ont notamment estimé qu’à ce stade de la procédure, il n’était pas démontré que M. Tein ou d’autres mis en examen auraient préparé un attroupement armé ou un groupement violent, avait indiqué à l’AFP une source proche du dossier. Mais le parquet a fait un référé-détention, contraignant le militant à rester incarcéré [2] jusqu’à l’audience de jeudi, à l’issue de laquelle la cour d’appel a donc confirmé la décision des juges.
Le ministère public considère au contraire que M. Tein a occupé une place centrale comme commanditaire d’un plan d’actions violentes contre l’État en trois phases visant à déstabiliser les entreprises et commerces, les administrations et services de l’État par la commission de nombreuses exactions contre les biens et les personnes.
La cour d’appel a également remis en liberté trois autres militants indépendantistes incarcérés dans l’Hexagone, Dimitri Qenegei, Guillaume Vama, Erwan Waetheane, et confirmé celle d’un quatrième, Steeve Unë. Au cours de l’audience, des militants et des avocats ont évoqué les conditions de leur transfert en avion vers l’Hexagone après leur mise en examen. "Pendant trente heures, notre dignité a été mise plus bas que terre", a dénoncé, visiblement encore affecté, Steeve Unë, qui comparaissait libre. L’information judiciaire a été ouverte notamment pour complicité de tentatives de meurtres et vols avec arme et destructions en bande organisée à Nouméa, puis dépaysée à Paris en janvier 2025.
Dès l’annonce, dans les médias, de la libération de Christian Tein, les réactions des groupes et responsables politiques calédoniens n’ont pas tardé. Le FLNKS s’est réjoui de la libération de son président et de trois de ses militants, dans un message publié sur les réseaux sociaux. "Presque un an après leur arrestation et déportation inhumaine, ils sortent de prison mais ne rentrent pas de suite en Kanaky", exprime le Front, évoquant un "dossier vide" et "aucune preuve". "Le combat judiciaire n’est pas fini car il faut faire lever tous leurs chefs d’inculpation qu’ils ont sur le dos. Mais le combat politique passe une étape positive."
De son côté, le député Nicolas Metzdorf évoque une décision judiciaire qui "ne préjuge en rien de l’issue de la procédure engagée à son encontre". "Il demeure mis en examen pour son implication présumée dans les émeutes les plus graves de l’histoire récente de la Nouvelle-Calédonie." Dans ce contexte, le parlementaire refuse catégoriquement de voir Christian Tein à la table des négociations sur l’avenir institutionnel du pays, comme l’exige le FLNKS. "Aussi longtemps que la procédure judiciaire est en cours, sa place est devant la justice, et non à la table des discussions politiques", affirme Nicolas Metzdorf.
En fin de journée vendredi 13 juin, Les Loyalistes et Le Rassemblement, dans un communiqué conjoint, ont fait part de leur "indignation" après la remise en liberté de Christian Tein. Les deux groupes politiques considèrent que "cette décision judiciaire, incompréhensible et choquante pour les Calédoniens, intervient après de nombreuses pressions politiques et militantes, relayées notamment par des réseaux d'extrême-gauche", et qu'elle a été rendue "par des magistrats éloignés de la réalité tragique qu'ont subie les Calédoniens". Enfin, ils estiment qu'elle "illustre une fois encore la coupable faiblesse d'une justice métropolitaine manifestement indifférente à l'ampleur des souffrances que nous avons endurées".
Links
[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/justice/les-juges-ordonnent-la-remise-en-liberte-de-christian-tein-le-parquet-s-y-oppose
[2] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/justice/christian-tein-maintenu-en-detention-jusqu-a-une-decision-en-appel-le-12-juin-sur-sa-remise-en-liberte
[3] https://www.lnc.nc/user/password
[4] https://www.lnc.nc/user/register
[5] https://www.lnc.nc/formulaire/contact?destinataire=abonnements