
Le projet d’accord, signé samedi 12 juillet à Paris [1], par les différentes délégations politiques prévoit notamment la création d’un "État de la Nouvelle-Calédonie" au sein de la République française, une "nationalité calédonienne" et un partage différencié de compétences. Une formulation que certains dans l’archipel jugent porteuse d’ambiguïtés, voire de divisions.
L’accord "apporte au moins un espoir de paix et de stabilité", conditions nécessaires à une relance économique, commente la présidente du Medef, Mimsy Daly, regrettant cependant un volet économique "un peu léger", même si les axes promus par l’organisation patronale – diversification, relance de la filière nickel, maîtrise des dépenses publiques – y sont repris. La cheffe du Medef se dit "attentive à la capacité réelle de l’État à accompagner financièrement la relance", un peu plus d’un an après les émeutes qui ont mis à terre l’économie du Caillou.
Le ton est en revanche plus sévère encore du côté de Joël Kasarerhou, président du mouvement citoyen Construire autrement. Il pointe tout d’abord "le problème de la légitimité des gens qui ont signé". Pour lui, l’accord, "mort-né", constitue une "mauvaise" réplique des accords précédents, "sans ambition ni vision".
Joël Kasarerhou regrette aussi que la jeunesse, au cœur de l’insurrection de mai 2024, soit "oubliée ou à peine mentionnée", et critique une "reconduction des ambiguïtés" de l’accord de Nouméa de 1998, notamment sur le corps électoral. Il redoute ainsi un "nouveau 13-Mai", si les frustrations ne sont pas traitées.
La fracture est également nette dans les camps politiques. Les signataires du projet d’accord ont d’ailleurs confié, samedi soir, lors d’une rencontre à l’Élysée avec le président Emmanuel Macron qu’il serait difficile de faire accepter l’accord dans le pays. Le projet sera soumis à un référendum local en février 2026.
Dans un post sur les réseaux sociaux*, Philippe Blaise, premier vice-président de la province Sud, a ainsi annoncé publiquement se désolidariser des signataires loyalistes, affirmant avoir découvert le contenu de l’accord "comme tous les Calédoniens". Le premier vice-président de la province Sud dénonce une "ligne rouge franchie" avec la reconnaissance d’un "État calédonien" et d’une "nationalité distincte", qu’il juge incompatibles avec l’unité de la République.
Côté indépendantiste, plusieurs voix dénoncent un accord signé sans mandat confié par la base. Pour Brenda Wanabo-Ipeze, l’une des responsables de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), qui a été incarcérée en France, "ce texte est signé sans nous, il ne nous engage pas". "Ouvrir le corps électoral, c’est nous effacer", a-t-elle fustigé.
Mélanie Atapo, présidente de l’USTKE, union syndicale indépendantiste et membre du mouvement indépendantiste kanak FLNKS, s’est, elle, déclarée "surprise", précisant qu’il était "question de continuer les discussions et de revenir partager avec les bases avant toute signature".
Sous couvert d’anonymat, un responsable d’une des composantes du FLNKS, parle de "trahison des positions adoptées lors des conventions". Selon lui, les négociateurs indépendantistes ont "cédé sur des points essentiels", notamment l’ouverture du corps électoral, sans validation militante.
Ces prochaines semaines, un gros travail de pédagogie attend donc les différentes délégations politiques qui devraient enchaîner les réunions publiques et conférences de presse, ces prochains jours pour tenter de convaincre sur ce projet d’accord, qui doit encore avoir l’aval d’une majorité de Calédoniens, l’an prochain, avant de devenir effectif.
*Le post publié par Philippe Blaise n'est plus visible ce mardi 15 juillet.