
Le Conseil avait été saisi, en mai dernier, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par l’association "Un cœur, une voix" qui conteste certaines dispositions de la loi organique de 1999 [1]. Ce texte réserve le droit de vote aux élections provinciales à certains habitants seulement, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants.
Les requérants estiment que ce mécanisme, qui exclut des électeurs pour des raisons autres que l’âge, la nationalité ou les droits civiques, porte atteinte aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage. Un sujet est source de fortes tensions dans le pays, qui a été l’un des éléments déclencheurs de l’insurrection du 13-Mai.
Dans sa décision, le Conseil rappelle que ce "gel" a été voulu par l’accord de Nouméa de 1998 et intégré dans la Constitution par la révision de 2007. Il découle de l’article 77 de la Constitution, qui confère une valeur constitutionnelle aux orientations de cet accord.
"Le gel du corps électoral procède d’une dérogation aux principes d’égalité et d’universalité du suffrage introduite dans le texte de la Constitution par le pouvoir constituant lui-même", souligne la décision.
Le Conseil en conclut que les dispositions contestées "ne sauraient être jugées contraires à la Constitution" dès lors qu’elles émanent du texte fondamental.
La haute juridiction ajoute toutefois que ce cadre pourrait évoluer : "Des modifications pourront être apportées […] pour tenir compte des évolutions de la situation démographique de la Nouvelle-Calédonie et atténuer l’ampleur des dérogations", estime-t-elle.
Le gel du corps électoral visait à garantir aux populations historiquement présentes en Nouvelle-Calédonie, notamment les Kanak, un poids politique spécifique. Il doit accompagner le processus de décolonisation engagé par l’accord de Nouméa, en limitant l’influence électorale des nouveaux arrivants venus de l’Hexagone ou d’autres territoires.
Sans surprise, le FLNKS "se réjouit" de cette décision du Conseil constitutionnel qui représente "un démenti cinglant pour les loyalistes" qui "auront tout tenté pour décrédibiliser la voix indépendantiste" alors que l’accord de Nouméa "n’est pas caduc". "Les anti-indépendantistes sont tellement aux abois qu’ils vont désormais faire croire à l’opinion publique que le Conseil constitutionnel a manqué de courage, suppose le Front, dans un communiqué. Après l’échec du passage en force du dégel du corps électoral en 2024, les responsables du chaos calédonien ne savent plus comment retrouver une crédibilité électorale."
Le FLNKS rappelle par ailleurs avoir "rejeté totalement" le projet d’accord de Bougival, ce qui implique que "les futures discussions devront reprendre sur la base de l’accord de Kanaky, seul cadre légitime pour construire l’avenir du pays." Dans ce contexte, le Front réitère sa demande pour que les élections provinciales se tiennent d’ici la fin du mois de novembre car "en démocratie les élections se tiennent à l’heure". Il "exige donc que l’État français prenne les dispositions nécessaires pour convoquer" ce scrutin. Une injonction qu’à également partagée, ce vendredi soir, le MNIS (Mouvement nationaliste indépendantiste souverainiste) qui met en garde contre des tentatives de "passage en force" sur le sujet.