"Je trouve ce choix extraordinaire, c’est ce qu’il aurait aimé", témoigne Évelyne Lèques, la femme de Jean, décédé en 2022 [1]. L’ancien maire de Nouméa, président de l’Assemblée territoriale, signataire des accords de Nouméa et président du premier gouvernement calédonien, a officiellement donné son nom, ce mardi 23 septembre, au collège de Magenta. Une volonté de la province Sud, matérialisée par l’adoption d’une délibération en ce sens lors de l’assemblée du 19 juin. Et un "grand honneur", déclare Brigitte Lèques, une de ses filles, "c’est très important pour notre famille, très émouvant et très signifiant".

"Des enfants de milieux très différents"

Dénommer un établissement scolaire d’après celui qui aura passé 30 ans à la tête de la ville, était une évidence, poursuit Évelyne Lèques. "Jean aimait les enfants, il n’a jamais été aussi heureux que les jours où il visitait une école." L’enseignement était une valeur centrale pour lui, poursuit Brigitte Lèques, une de ses filles, en tant que "moyen pour les jeunes de progresser, de s’en sortir et de s’insérer dans le pays. Il était très admiratif du travail des enseignants, très aidant aussi." L’importance de la scolarité également comme creuset de la mixité, incarné par le collège de Magenta, qu’un de ses petits-enfants, Arthur, a notamment fréquenté. "Cet établissement abrite des enfants de milieux très différents, des belles villas aux tours de Magenta, et tout ça se mélange très bien, c’est merveilleux, c’est vraiment un beau symbole. Il correspond aux valeurs de Jean Lèques, c’est un collège où on encourage la mixité."

Le vivre ensemble, expression parfois si galvaudée, a semblé retrouver son sens premier lors de la cérémonie, ce mardi matin, cette dénomination traduisant l’aspiration profonde portée par Jean Lèques, estime sa fille. "On espère que c’est un pas vers un avenir apaisé dans le pays, notre père incarnait le destin commun, il vivait pour ça, il ne faisait pas de différence entre les ethnies, il avait une grande proximité avec tous les citoyens."

"L’homme du : 'Alors, comment ça va ?'", rappelle Gil Brial, deuxième vice-président de la province Sud dans son discours, qui sillonnait le marché et la rue de l’Alma le samedi matin. Et si le Nouméen a été fidèle toute sa vie à son quartier de la Vallée-du-Tir, le plus important pour lui, ajoute Brigitte Lèques, était les établissements "où toutes les communautés étaient mélangées", c’était comme cela qu’allait se "construire l’avenir du pays". Et ainsi prolonger l’héritage de cette figure politique élevée par Emmanuel Macron lors de sa visite en 2018 au rang de Grand-Croix de la Légion d’honneur à travers la jeunesse.

Lieu rassembleur mais aussi d’apprentissage, l’école comme facteur d’intégration. Quel meilleur endroit où apposer le nom d’un homme qui a eu un tel parcours, pour inspirer les élèves à marcher dans ses pas. Dans son discours, Évelyne Lèques a justement incité les adolescents à être ambitieux. "Vous êtes la Nouvelle-Calédonie de demain, c’est vous qui construirez le pays. Il y a de la place pour tout le monde, alors travaillez ensemble dès maintenant à façonner le pays de demain. Nous comptons sur vous, soyez plein de courage."

"Une âme, une mémoire, un repère"

L’idée est ainsi d’encourager les élèves à s’en inspirer, insiste Gil Brial. "C’est un jour particulier, donner un nom à un collège, c’est lui donner une âme, une mémoire, un repère. Jean Lèques avait une qualité rare, il croyait profondément dans les gens, leur capacité à vivre ensemble même quand tout semblait les opposer. Il a passé sa vie à rapprocher les gens, à bâtir les ponts entre les personnes qui pensaient parfois être trop différentes pour se comprendre." Les quelque 670 collégiens assis dans la cour, qui assistent à la cérémonie, sont désormais investis d’une mission : "continuer ce qu’il a commencé" dans ce lieu où "on apprend pour réussir et construire sa vie, mais aussi l’art de vivre ensemble, et le collège de Magenta est le symbole du combat de Jean Lèques". Pour mieux le traduire, deux danses, une tahitienne, une kanak, ont animé la matinée.

Ces valeurs, la nouvelle directrice de l’établissement, Layla Ben Chickh, rappelant l’attachement de Jean Lèques "au dialogue, à la réconciliation et à la construction d’un avenir commun", entend les inscrire dans le fonctionnement même du collège au quotidien, dans le cadre d’un projet éducatif partagé. "C’est notre ambition, y être fidèle en offrant un cadre exigeant et bienveillant, un lieu d’apprentissage mais aussi d’émancipation et d’ouverture sur le monde. Chaque élève doit pouvoir trouver un espace où son identité est reconnue, respectée et mise en valeur, ainsi nous formerons des citoyens capables de construire un avenir partagé et apaisé." C’est ce que souhaite transmettre la communauté éducative. "Après les événements de 2024, tout le monde est unanime pour dire qu’on œuvre pour l’apaisement, le vivre ensemble, dans un esprit de reconstruction."