
Les Calédoniens seront-ils appelés à élire leurs représentants dans cinq semaines ? À deux jours de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi organique visant à reporter les élections provinciales à juin 2026, ce scénario tant redouté par les défenseurs de l’accord de Bougival n’est plus complètement illusoire. Car si le texte a été facilement adopté la semaine dernière au Sénat (299 pour, 42 contre) [1], il devrait rencontrer davantage d’opposition chez les députés. En l’état actuel des équilibres politiques du palais Bourbon, la quête d’une majorité qualifiée de 289 voix, sur 577, s’avère en effet délicate. En cause notamment : l’influence des divisions politiques locales.
Depuis son rejet de l’accord de Bougival [2], le FLNKS exige l’organisation du scrutin comme prévu le 30 novembre. À l’inverse, les autres signataires de Bougival et l’État défendent le report, afin de laisser le temps d’inscrire l’accord dans la Constitution et de le soumettre au vote des Calédoniens, lors d’un référendum fixé à février 2026. Des positions antagonistes qui se répercutent sur les parlementaires français. Très liés au FLNKS, les groupes de La France insoumise, des écologistes et des communistes se sont d’ores et déjà positionnés contre le report.
Alors que la commission des lois doit examiner le texte ce lundi, avant son passage en séance publique mercredi, les trois groupes de gauche ont déposé vingt-trois amendements visant à vider de sa substance le projet de loi organique. L’un d’eux propose par exemple de remplacer la date du scrutin, fixée au 28 juin 2026, par celle du 30 novembre 2025, tandis qu’un autre demande la "suppression de l’article 1er", qui concentre l’essentiel du projet de report. Une façon pour la gauche, en dehors du Parti socialiste, "d’exprimer son opposition" à un énième report des provinciales qui "constitue les prémices de la mise en œuvre du projet d’accord de Bougival qui est loin de faire consensus au sein des forces politiques".
De quoi faire trembler les défenseurs de ce compromis signé en juillet. "Nous sommes inquiets à ce stade du choix de l’Assemblée", reconnaît Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement au Congrès, persuadée que le maintien du scrutin à fin novembre mettrait en péril le processus imaginé à Bougival.
Il y a quelques jours, l’élue et signataire de l’accord s’est essayée à une simulation périlleuse du vote de mercredi. Résultat de l’équation : en comptant les groupes du "socle commun" (Ensemble pour la République, Horizons et indépendants, MoDem et Droite républicaine), le Parti socialiste, le groupe LIOT, et l’Union des droites d’Éric Ciotti, les voix en faveur du report s’élèveraient à 284, un nombre insuffisant pour faire adopter le texte. Tous les regards devraient donc se tourner vers le Rassemblement national, le seul avec ses 123 députés à pouvoir faire basculer le vote d’un côté ou de l’autre. Or, le parti de Marine Le Pen a exprimé des réserves concernant l’accord signé le 12 juillet en région parisienne. Marine Le Pen l’avait en effet qualifié d'"ambigu", évoquant un compromis qui se contenterait "d’acheter du temps". "On nous indique qu’ils [les députés Rassemblement national NDLR] pourraient voter contre, ce qui serait insensé, car cela reviendrait à entériner une position de fermeture du corps électoral calédonien, déclare Virginie Ruffenach. Je ne peux imaginer que le Rassemblement national fasse un tel choix, contraire à ce que ce parti indique défendre."
Le président du FLNKS, Christian Tein, a d’ailleurs confirmé, lors d’une conférence de presse du mouvement indépendantiste organisée le vendredi 17 octobre [3], avoir rencontré les représentants du parti d’extrême droite à Paris. Le Front continue de mettre la pression sur les parlementaires français, dans l’espoir de faire échouer le calendrier prévu par l’accord.
Le travail de lobbying des deux camps devrait s’intensifier d’ici l’examen du texte. "La mobilisation pour cette séance publique est fondamentale", confirme Virginie Ruffenach, qui veut éviter "un échec faute de combattants". "Ce sera certainement plus difficile qu’au palais du Luxembourg, mais pas impossible. On va batailler", a de son côté affirmé le député Nicolas Metzdorf, sur les réseaux sociaux. Un combat d’autant plus important pour les non-indépendantistes que si le scrutin est maintenu au 30 novembre, ce sera avec sur la base d’un corps électoral gelé, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel. "Nous ne pouvons pas l’accepter", a prévenu le député, le 15 octobre sur RRB.
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[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/france/politique/le-senat-vote-dans-l-urgence-pour-reporter-les-elections-provinciales?fbclid=IwY2xjawNir5JleHRuA2FlbQIxMQABHnZBIAp8kQ-PdtPhUsPrC04ATE3y6Q3i_tbKcKP2rBwtRKcVewagYBjlGvLe_aem_DB7fKQ70lMwv-qOtatpjCw
[2] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/le-flnks-confirme-le-rejet-de-bougival-et-fixe-a-2027-l-accession-a-la-pleine-souverainete
[3] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/flnks-on-ne-laissera-pas-paris-nous-imposer-ses-solutions
[4] https://www.lnc.nc/user/password
[5] https://www.lnc.nc/user/register
[6] https://www.lnc.nc/formulaire/contact?destinataire=abonnements