
C’est une mobilisation "de dernière minute" qui s’est tenue, ce samedi 25 octobre, "aux quatre coins du pays". À Lifou, Ouvéa, Koné et Nouméa, des militants indépendantistes ont répondu à l’appel de la CCAT, lancé la veille par ses responsables, en réponse à l’épisode politique survenu en milieu de semaine à Paris. "On veut réagir à ce qu’il s’est passé à l’Assemblée nationale", explique Romuald Pidjot, en charge de l’animation du bureau politique du FLNKS, présent à la manifestation organisée à la Vallée-du-Tir. Entre deux coups de bombe de peinture pour inscrire la contestation noir sur blanc sur les banderoles, le leader indépendantiste dénonce la "manœuvre législative" déployée par le gouvernement français au palais Bourbon, et "le député de la première circonscription" calédonienne, Nicolas Metzdorf.
Mercredi, le camp gouvernemental a en effet rejeté son propre texte afin de contourner l’obstruction parlementaire du groupe La France insoumise [1], qui avait déposé plus de 1 600 amendements dans l’espoir de retarder le vote du projet de loi. Par conséquent, le texte sera examiné par une commission mixte paritaire composée de 14 parlementaires, empêchant tout débat ou dépôt d’amendements par les députés de l’Assemblée nationale. "On veut se mobiliser parce qu’on n’est pas d’accord avec ce qui se passe", mais aussi pour rappeler que les militants du FLNKS sont bel et bien opposés "au projet d’accord de Bougival". "On est en train d’essayer de faire croire le contraire", s’agace Romuald Pidjot.

Jean-Paul est venu de Dumbéa-sur-Mer pour soutenir la mobilisation du jour organisée à la Vallée-du-Tir, un sit-in "pacifique" qui a réuni une centaine de personnes sur le parking du Charley, sous la surveillance de dizaines de gendarmes et de policiers. "L’État va toujours essayer de passer entre les mailles du filet", regrette-t-il, encore surpris par la méthode adoptée par les députés de la majorité pour renvoyer le texte. "Je ne savais même pas que ça existait, on découvre des nouvelles stratégies tous les jours", sourit le manifestant. Pour lui, le peuple kanak est légitime à "demander sa liberté", qu’il ne veut pas opposer aux aspirations des autres communautés. "Ceux qui sont arrivés ici durant la colonisation devraient avoir l’humilité de dire : 'd’accord, il y a un peuple premier, on les soutient dans ce qu’ils veulent pour ce pays'. On pourrait alors le faire ensemble."
À quelques dizaines de mètres, Myriam s’installe à l’ombre des rares arbres de la place pour échapper au soleil écrasant de ce samedi matin. Devant le ballet des militants qui accrochent encore, en ce début de mobilisation, les banderoles aux grilles qui entourent le parking, elle exprime un "sentiment d’injustice". "J’ai 63 ans, ça fait 18 ans que je milite et je le vois bien : Bougival, c’est un recul pour nous." L’heure est venue, selon elle, de tout remettre à plat et surtout "de renouveler des élus en qui on ne croit plus". La mobilisation est essentielle, à ses yeux, pour faire passer ce message. "On n’a pas le choix. C’est un long chemin, mais on y croit, pour nos enfants."

Reste que la capacité à mobiliser du mouvement indépendantiste s’est effritée depuis les émeutes de mai 2024. Elles sont loin, les manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes de tout le pays dans les rues de Nouméa, début 2024. "C’est plus compliqué aujourd’hui", reconnaît Romuald Pidjot, renvoyant la responsabilité aux autorités de l'Etat qui tenteraient de museler la revendication indépendantiste. "Mais on constate qu’on est un peu plus nombreux à chaque fois", fait-il toutefois remarquer.
Le FLNKS et la CCAT comptent quoi qu’il en soit maintenir la pression sur le terrain en début de semaine prochaine, alors que la commission mixte paritaire doit se réunir lundi pour statuer sur le projet de loi organique. "On poursuit la lutte dans la rue, mais on va aussi démarcher les députés pour les alerter sur cette manœuvre." Si le texte est adopté, le mot d’ordre restera le même, cette fois pour empêcher l’inscription de l’accord de Bougival dans la Constitution française, que Sébastien Lecornu prévoit "avant la fin de l’année".
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[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/france/politique/l-assemblee-nationale-force-l-avancee-du-texte-sur-le-report-des-provinciales-face-a-un-barrage-des-insoumis
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