
Dès ses premières heures en Nouvelle-Calédonie, Naïma Moutchou a posé le cadre d’un déplacement basé sur "l’écoute". Au président du Sénat coutumier, Ludovic Boula, lundi 10 novembre, la ministre a offert du thé à la menthe pour la coutume d’accueil [1], symbole de ses racines marocaines et "d’un temps où on écoute avant de répondre, c’est dans cet état d’esprit que je suis venue, c’est ma méthode".
Elle sera parvenue à l’appliquer toute la semaine, limitant au maximum ses prises de parole et refusant systématiquement de répondre à la presse comme il est d’usage au terme des différentes séquences. "Je sais que vous attendez un engagement fort de l’État, je l’entends et vous avez raison", a également souligné Naïma Moutchou.
C’était le principal enjeu de la visite de Naïma Moutchou : faire revenir le Front de libération à la table des négociations, trois mois après le rejet de l’accord de Bougival par l’ensemble de ses composantes [2]. La ministre a rencontré à deux reprises une délégation du bureau politique du mouvement [3], qui ne disposait d’aucun mandat pour négocier. Force est de constater que les lignes n’ont pas vraiment bougé.

Le FLNKS est resté campé sur sa position, qu’il a rappelée dans un communiqué diffusé vendredi 14 novembre au terme d’une ultime bilatérale avec la ministre : "La délégation a réaffirmé l’objectif d’un accord définitif de pleine et entière souveraineté" et a rappelé que "le projet dit 'de Bougival' ne saurait constituer une base de travail car il est contraire au processus de décolonisation". Un entêtement critiqué par Naïma Moutchou : "Je n’ai pas de contre-proposition de leur part, en dehors d’une trajectoire vers l’indépendance, qui ne s’inscrit pas dans une démarche de consensus […] Ça n’est pas entendable, vis-à-vis de la méthode et des pas qui ont été faits jusqu’à maintenant", a regretté la ministre, au micro de RRB.
Face à cette impasse qui se dessine sur la question institutionnelle, la ministre des Outre-mer a défendu une nouvelle proposition, cette semaine auprès des autres délégations signataires : l’organisation d’un référendum anticipé sur l’accord de Bougival [4]. Déjà prévue par le compromis signé en juillet, cette consultation des Calédoniens serait avancée afin de se tenir avant même l’examen, par le Parlement, de la réforme qui doit inscrire l’accord dans la Constitution française. "Nous allons d’abord donner la parole aux habitants. Cela donnera de la puissance à ce qui est discuté", a déclaré Naïma Moutchou, vendredi 14 novembre, sur le plateau de NC la 1ère. Une idée sur laquelle se sont engagées les formations politiques favorables à l’accord, au terme d’une réunion plénière organisée vendredi.

Avec cette inversion du calendrier, l’État espère récolter l’adhésion d’une majorité de Calédoniens en faveur de l’accord de Bougival, ce qui placerait le FLNKS au pied du mur, et légitimerait son application. Un tel scénario mettrait également la pression sur les groupes politiques français qui ont exprimé des réserves concernant l’accord. " Les forces politiques nationales sauront, avant de s’exprimer, ce que pensent les Calédoniens ", s’est félicitée Sonia Backès, cheffe de file des loyalistes. Pour Philippe Gomès, du parti non-indépendantiste Calédonie ensemble, cette consultation anticipée ne pourra avoir lieu " qu’à la condition que certains compléments politiques soient intégrés au dit accord, et qu’ils fassent consensus avec l’UC-FLNKS ".
Outre la question institutionnelle, Naïma Moutchou était très attendue par les responsables politiques et les acteurs du monde économique sur le sujet des finances exsangues de la Nouvelle-Calédonie. Avec une perte de recettes fiscales de 54,5 milliards de francs par rapport à 2023, et la crainte d’un rendement similaire pour l’année 2026, le territoire traverse une crise économique et sociale inédite. En cinq jours, la ministre des Outre-mer n’est pas parvenue à rassurer. "Nous n’avons malheureusement pas eu de réponse claire sur l’aide de l’État", a regretté l’Éveil océanien, au terme d’une réunion bilatérale avec Naïma Moutchou, mardi 11 novembre.
La veille, les responsables du monde économique avaient déjà exprimé leur déception sur l’absence d’annonce de la ministre quant au futur soutien financier de l’État. "Aujourd’hui, on comprend bien que c’est donnant-donnant. L’État donnera seulement si des efforts sont encore faits sur le territoire. Il y a eu, notamment sur les budgets, pas mal d’efforts sur 2025, avec une réduction de 15 % sur les dépenses publiques, mais pour l’État ça ne suffit pas. Il demande encore un peu plus, et c’est toute la difficulté qu’on peut avoir", a dénoncé le nouveau président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Christophe Dantieux, au micro de NC La 1ère.
"L'Etat n'abandonnera pas la Nouvelle-Calédonie, il ne l'a jamais fait. On sera au rendez-vous", a promis Naïma Moutchou sur RRB, en évoquant la construction d'un "plan de relance" [5] confiée à la mission interministérielle conduite par Claire Durrieu [6].

Links
[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/direct-visite-de-naima-moutchou-il-faut-redonner-du-travail-aux-caledoniens
[2] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/le-flnks-confirme-le-rejet-de-bougival-et-fixe-a-2027-l-accession-a-la-pleine-souverainete
[3] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/discussions-bilaterales-pour-le-rassemblement-la-caledonie-ne-se-relevera-pas-sans-un-accord-qui-federe
[4] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/naima-moutchou-annonce-une-consultation-citoyenne-anticipee-avant-la-revision-constitutionnelle
[5] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/economie/la-ministre-naima-moutchou-devoile-les-piliers-du-plan-de-relance-pour-sortir-de-la-crise
[6] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/economie/social/politique/associer-largement-travailler-l-urgence-et-le-long-terme-la-methode-du-pacte-de-refondation-devoilee
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