Le gouvernement a annoncé le début de l’activité d’Aircal à Tontouta le 2 mars prochain [1]. Ce calendrier est-il tenable ?

Oui. On s’y prépare depuis plus d’un an. Initialement la date était prévue au 15 octobre 2025. Le président du gouvernement s’est concerté avec les représentants des autorités coutumières, entre autres, et la date optimale retenue est finalement le 2 mars. Cette demande de report permet d’effectuer ce déménagement après les vacances scolaires et après la rentrée, en période creuse donc. Sachant que Tontouta n’est pas une plateforme inconnue puisqu’on y opère désormais des vols vers le Vanuatu.

Comment ce déménagement, critiqué par nombre d’usagers, est-il vécu par les salariés(e)s ?

Accompagner les salariés afin qu’ils soient mieux préparés à exercer à Tontouta fait partie de notre programme. Mais il y a un autre aspect aussi, c’est la perception que l’on peut avoir de ce projet tant de l’extérieur, de la part des usagers, qu’en interne, chez les salariés, pour qui ce déménagement génère de la frustration.

Je rappelle que ce transfert est une décision du gouvernement annoncée de longue date et prise dans l’intérêt d’Air Calédonie. On vit assez mal que la compagnie soit l’objet de toutes ces critiques alors qu’il s’agit d’une décision politique, bien qu’elle aille complètement dans notre sens. Ce projet était déjà inscrit au schéma de transport et mobilité, depuis une dizaine d’années, ou encore plus récemment dans le PS2R, le plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation.

Quelles seraient les économies concrètes de ce transfert pour la compagnie ?

Il s’agit déjà d’économies de charges, par exemple sur le carburant. On pourrait avoir des coûts plus intéressants sur la plateforme de Tontouta où se trouve le principal dépôt d’hydrocarbures. Ces économies résident également dans des achats de biens et de services qui seraient moins coûteux à La Tontouta parce qu’on pourra les mutualiser avec Aircalin et les autres exploitants de la plateforme. Ce transfert permettra également de rationaliser nos charges sur les dépenses de personnel avec des rapprochements opérationnels sur le personnel, sur la maintenance, etc.

Ce transfert permettra-t-il donc aussi à Aircalin de faire des économies ?

Oui mais elles seront plutôt liées aux redevances aéroportuaires. C’est-à-dire qu’en amenant un volume de trafic plus important à La Tontouta, le coût unitaire par vol de cette redevance va diminuer pour Aircalin.

À combien estimez-vous les économies annuelles pour Aircal ?

Selon nous, le potentiel d’économies, tant sur les charges qu’en termes de nouveau développement à travers une connexion directe avec les vols internationaux, est de l’ordre de 500 millions de francs sur une année, dès lors qu’on aura une exploitation stabilisée.

Sans compter les autres économies plus globales à l’échelle pays…

Oui, la Nouvelle-Calédonie annonce 1,5 milliard d’économies par an rien que pour l’exploitation de la plateforme de Magenta. Donc au total, les économies engendrées par ce transfert pourraient être de l’ordre de 2 milliards de francs.

En d’autres termes, c’est 1,5 milliard d’investissement en moins pour la Nouvelle-Calédonie sur Magenta, et 500 millions de déficits en moins pour la compagnie.

Des appareils d'Aircal se poseront donc encore très occasionnellement sur cette plateforme.

Que deviendra l’aérodrome de Magenta sans Aircal et certains de ses effectifs ?

Une fois Aircal partie, il restera quand même une compagnie aérienne de transport domestique, à savoir Air Oceania, qui opère aujourd’hui avec un avion. Il y aura également encore Air Alizé, qui assure les Evasan, ainsi que les hélicoptères d’Hélicocéan et l’aéro-club. Par ailleurs, nous maintiendrons également la maintenance programmée de nos avions à Magenta. Des appareils d’Aircal se poseront donc encore très occasionnellement sur cette plateforme.

Ce transfert soulève de nombreuses inquiétudes, si ce n’est la colère de la part des usagers. Quels services leur seront proposés pour rallier Tontouta et Nouméa ? La compagnie est-elle associée à ces discussions ?

Cela devrait prendre la forme d’un transport urbain collectif régulier. Les responsables de ce dossier se sont rapprochés du SMTU (Syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa), du SMTI (Syndicat mixte des transports interurbains) et d’opérateurs privés comme Arc-en-Ciel ou Lyvai Transport, pour voir quelle pourrait être cette offre, publique ou privée.

Il est important de rappeler que le gouvernement, en charge de gérer ce projet de transfert à Tontouta, a mis en place un comité de pilotage avec des groupes de travail sur différentes thématiques. Aircal participe notamment à celui sur la mobilité et le transport, mais on ne pilote pas ce volet. Il s'agit d'assurer une desserte par transport routier entre Tontouta et Nouméa et son agglomération. 

J’imagine que la question du prix est aussi à l’étude…

Un cahier des charges est en cours afin que ce tarif soit optimisé et que ça coûte le moins aux passagers. Aircal n’est pas compétente pour organiser ce transport terrestre, c’est la Nouvelle-Calédonie, mais on participe à ces travaux parce que cela concerne nos passagers. On connaît leurs besoins et c’est aussi dans l’intérêt de la compagnie, même si notre attention se porte surtout sur le service qui sera offert sur la plateforme de La Tontouta qui sera amélioré par rapport à Magenta.

Le déménagement n'entraînera pas de changement sur nos tarifs hors taxe sauf pour l'île des Pins dont la distance à franchir doublera.

C’est-à-dire ?

Tontouta est une plateforme moderne avec une aérogare beaucoup plus récente, des espaces bien plus grands, des commerces dont des services de restauration, un parking sécurisé qui, néanmoins sera payant, etc.

Des évolutions ou hausses du prix des billets d’avion sont-elles à prévoir en particulier pour la rotation avec l’île des Pins ?

Le déménagement à Tontouta n’entraînera pas de changement sur nos tarifs hors taxe sauf, en effet, pour l’île des Pins dont la distance à franchir doublera. Les prix pour cette destination seront ainsi alignés sur la gamme ​tarifaire en vigueur pour les îles Loyauté.

Par ailleurs, avec le transfert de l’activité sur la plateforme de La Tontouta, les taxes passagers vont également évoluer dans le sens d’une augmentation qui restera globalement inférieure à 10 %.

Il pourrait ainsi y avoir potentiellement de meilleures retombées touristiques internationales pour les îles.

Est-ce qu’au sein du comité de pilotage du gouvernement, il est également question de développer le village de Tontouta ?

Oui. Ce n’est pas à l’initiative du gouvernement en soi, mais forcément avec le volume de passagers domestiques, qui représente a minima 200 000 personnes de plus à l'année, on pourrait à terme doubler le trafic et la fréquentation de la plateforme de Tontouta.

Il faut donc anticiper un développement des services. On peut imaginer par exemple pour les personnes des îles qui se rendent en ville pour des consultations médicales, un développement d’une offre de soins autour de la zone de Tontouta ou dans les communes avoisinantes, comme Païta, y compris pour le commerce. Il y a très longtemps, Tontouta était une zone plus développée. C’est l’ambition de ce groupe de travail qui associe les mairies sur ce volet. Mais bien entendu, cela s’inscrit dans un temps un peu plus long.

Au-delà de ces économies, les seuls gagnants de ce transfert, ne sont-ils pas, au fond, les touristes internationaux qui souhaitent se rendre directement dans les îles ? Cela pourrait-il d’ailleurs booster la filière sur place et l’activité de la compagnie ?

Oui, même si ce n’est clairement pas l’objectif de ce transfert qui est vraiment la rationalisation du secteur aérien. Ce transfert va permettre, en effet, de pouvoir faire une offre de services conjointe avec Aircalin, pour des connexions directes entre un vol long-courrier et domestique. Cela pourra être des vols Sydney-île des Pins, en passant par Tontouta. Il pourrait ainsi y avoir potentiellement de meilleures retombées touristiques internationales pour les îles et donc un gain en termes de développement commercial pour notre compagnie.

Dans une certaine mesure, ce déménagement peut aussi intéresser les résidents des îles qui ont prévu un voyage international et qui n’auront plus forcément besoin de prendre une nuitée à Nouméa.