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Quel regard portent les jeunes Calédoniens sur le changement climatique ?
Anthony Tejero | Crée le 22.07.2025 à 19h12 | Mis à jour le 26.07.2025 à 18h36

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Les étudiant(e) s Léa Creux, Sébastian Guillermin, Lenka Lalié, Sarah Grauer, Noemy Soebandi et Mathilde Grellier ont clos la matinée du forum par un "plaidoyer" en faveur de la lutte contre le changement climatique. Photo Anthony Tejero
C’est à l’université, pour mettre à l’honneur la science et la connaissance, que se tenait, ce mardi 22 juillet, la deuxième édition du forum du changement climatique où six Calédoniens ont clos les débats par un "plaidoyer". Objectif : interpeller les pouvoirs publics et les exhorter à en finir avec "l’inaction politique" qui crée un "sentiment d’impuissance" chez les jeunes. Pour autant, bon nombre d’étudiants rencontrés sur le campus concèdent ne pas "avoir conscience" de l’enjeu, ou du moins de l’urgence à agir. Témoignages.

Deux salles, deux ambiances sur le campus de Nouville, ce mardi matin. À l’étage, ingénieurs, experts, scientifiques, associations et doctorants réunis autour du gouvernement pour tirer la sonnette d’alarme et faire front commun dans la lutte contre le changement climatique. Au rez-de-chaussée, des étudiants attablés, les yeux souvent rivés sur leur smartphone, loin de partager les mêmes préoccupations et un tel sentiment d’urgence. "La nature, elle reprend toujours ses droits et elle s’adaptera à ces changements. Ça ne nous inquiète pas spécialement parce qu’on ne voit pas les impacts ici, glissent Gladys, de Touho et Cléonce, de Païta. On sait qu’il y a des risques d’érosion et de sécheresse, mais on ne s’en rend pas vraiment compte."

"C’est difficile de s’impliquer pour les générations futures"

Quelques mètres plus loin, ce groupe d’amis a décidé d’aller jeter un œil aux stands tenus à l’occasion du forum du changement climatique, mais ils concèdent avoir surtout "pris à manger" avant de vite redescendre vaquer à leurs occupations. Ces jeunes hommes sont néanmoins lucides sur l’ampleur du phénomène face auquel ils se sentent bien démunis. "Franchement, ça nous inquiète, mais c’est dur d’en saisir les effets et ce n’est pas du tout un sujet de discussion entre nous. À notre échelle, ça ne se voit pas, car ce sont des changements qui s’inscrivent sur le long terme. C’est donc difficile de s’impliquer pour les générations futures, confient Gabriel, de La Foa et Enzo, d’Ambrym, au Vanuatu. Pour se rendre compte de ces bouleversements, le mieux c’est de voir des vieilles photos du littoral notamment, pour comparer avec aujourd’hui. Là, on commence à capter. Mais franchement, on n’a pas vraiment pris conscience de l’urgence."


Axel, 17 ans, de Houaïlou, Enzo, 18 ans, du Vanuatu et Gabriel, 19 ans, de La Foa, ont encore du mal à "prendre conscience de l’urgence" autour du réchauffement climatique, bien qu’ils jugent le sujet "inquiétant". Photo Anthony Tejero

Des discours loin de surprendre Georgina Sioremu, étudiante et chargée de médiation scientifique à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), qui s’intéresse notamment au positionnement de la jeunesse sur ce sujet.

"Il faut se déplacer dans les quartiers et en tribu"

"La plupart d’entre eux, notamment ceux qui vivent dans les îles ou en tribu, voient les effets du changement climatique, mais ces bouleversements se jouent sur le temps long et donc ils se focalisent plutôt sur les priorités du quotidien. C’est tout notre paradoxe. Comme nous vivons dans un état insulaire, nous sommes les premiers concernés, mais globalement, on est encore lent à réagir, estime la jeune femme, pour qui les connaissances en la matière méritent d’être plus largement partagées au sein de la population. C’est bien d’organiser cet événement à l’université, mais en parallèle, il faut davantage se déplacer dans les quartiers et dans les tribus. Ce que je fais lors d’ateliers."

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Et elle n’est pas la seule jeune du pays à avoir décidé de se retrousser les manches. Six étudiants ont préparé un discours pour interpeller les pouvoirs publics, sous la forme d’un "plaidoyer" qui a clos la matinée de débats de cette deuxième édition du forum. Face aux catastrophes qui laissent une "empreinte indélébile", tant "dans les consciences que sur nos modes de vie et sur nos territoires", Léa Creux, étudiante en géopolitique, estime que "la force commune de la jeunesse et des peuples océaniens dans leur ensemble, c’est notre adaptation qui est une forme de résilience. Mais pouvons-nous espérer mieux que l’adaptation ?", lance cette Calédonienne. "Pouvons-nous espérer que nos cultures et traditions survivent face aux déplacements massifs de populations à venir ? Pouvons-nous espérer que les institutions internationales réagissent avant que les écosystèmes océaniens ne disparaissent ?"

L’étudiante regrette que la jeunesse connaisse "un sentiment d’impuissance face à l’inaction des décideurs politiques, des États industrialisés et des multinationales qui nous exposent en première ligne". Pour autant, Léa Creux appelle à "s’engager dans les prises de décision" avec un objectif clair : permettre à la jeunesse océanienne "qui vit dans une région qui ne produit que 0,03 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre" d’être entendue localement mais aussi au-delà de la région.

Lutter contre la défiance grandissante de la science

Un discours auquel fait écho celui de Sébastian Guillermin, qui rappelle que "le premier article de l’histoire" identifiant le lien entre activité humaine et réchauffement climatique date de 1912. Alors que 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial, les scientifiques du Giec* ont récemment affirmé que l’objectif fixé par l’accord de Paris, de limiter le réchauffement à + 1,5 °C d’ici la fin du siècle, n’est désormais plus atteignable.

Si les avancées sont donc largement insuffisantes en matière de lutte contre ces dérèglements, ce jeune doctorant en biologie marine ne s’avoue pas vaincu : "Le combat n’est pas fini, car chaque degré compte, chaque action compte, pour sauver ce qui peut encore l’être." Encore faut-il en avoir la volonté et l’esprit suffisamment clairvoyant dans une société où les connaissances sont de plus en plus mises à mal, en particulier par les climatosceptiques.

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"La science prend son temps et sa source dans un collectif éclairé. Sujette aux critiques, elle se façonne comme une sculpture de marbre, où chaque intéressé vient mettre un coup de marteau pour la façonner. Mais aujourd’hui, elle dérange les intérêts et on essaie de la cacher, déplore Sébastian Guillermin, exemples à l’appui. Dans ce prisme, les États-Unis de Donald Trump se placent à la pointe de l’absurdité. On licencie, on coupe, on va jusqu’à interdire des mots du vocabulaire. Les choses n’existent plus quand on ne les nomme plus. Aux États-Unis, en France et ailleurs, on peut percevoir la stratégie de certains à traîner dans la boue cette statue de marbre que le monde scientifique a mis des années à façonner, à l’étouffer sous un tas de mensonges. Cette stratégie se dessine clairement : accaparer l’espace de parole, imposer sa réalité en la martelant, prendre le pouvoir." Face à ces menaces et ce fatalisme, que faire ? La réponse proposée par Mathilde Grellier, étudiante à l’EGC est simple : "Aujourd’hui, on vous demande simplement de nous regarder, de nous écouter, mais surtout de marcher à nos côtés. Pas devant, pas derrière, mais à côté".

Note

*Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

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