
"En 2025, on a eu un vrai problème de fiabilité opérationnelle." Daniel Houmbouy, le directeur général d’Aircal, ne minore pas les annulations en cascade que les passagers ont subies tout au long de l’année. Une "loi des séries" dont les causes sont "multifactorielles", mais que la compagnie explique.
Tout d’abord, 2025 a été une année exceptionnelle en termes de maintenance de la flotte. Les quatre appareils d’Aircal, achetés entre 2016 et 2017, ont dû effectuer leur visite de contrôle des 8 ans, qui est "la plus importante" selon la direction. Les deux premières inspections d’ATR étaient programmées en 2024. Sauf que les émeutes ont eu raison de ce calendrier prévisionnel puisqu’un seul avion y a eu droit l’an passé.
Daniel Houmbouy : "Aircal n’a pas connu un trafic aussi bas depuis plus de trente ans" [1]
Par conséquent, en 2025, trois ATR au lieu de deux ont été cloués au sol durant cette maintenance, particulièrement longue. "Ce sont des opérations qui durent près de deux mois généralement, sauf qu’à chaque fois, cela a pris le double de temps, en raison des indisponibilités de pièces détachées dans les chaînes d’approvisionnement mondial qui sont en tension depuis la Covid", explique Daniel Houmbouy.
Dans le détail, la maintenance des ATR a été opérée à Singapour, puis à Nouméa par une équipe spécialement venue sur place pour l’occasion et enfin en Serbie, pour le dernier appareil, qui n’est de retour que depuis fin décembre. Les équipes ont dû jongler avec ces maintenances exceptionnelles qui ont immobilisé un avion pendant environ huit mois depuis janvier.
Et ce, alors que d’importantes pannes sont survenues sur les appareils cette année. Dans ce cas, la compagnie ne disposait plus que de deux avions pour assurer les rotations, ce qui aggrave les annulations et les reports de vols pour les passagers.
Une tension sur le réseau d’autant plus forte qu’une partie de l’activité d’Air Calédonie est désormais positionnée sur le Vanuatu et non plus uniquement sur le Caillou. En clair, depuis octobre 2024, la compagnie assure les vols internationaux entre La Tontouta et Port-Vila, dont la fréquence est même passée de deux à trois rotations par semaine depuis trois mois. C’est également depuis octobre dernier qu’Aircal fournit un avion à Air Vanuatu pour assurer une partie de la desserte domestique entre les îles de cet archipel (Efate, Santo et Tanna), soit huit vols par semaine. "Cette compagnie qui a été en liquidation mais qui a repris son activité, nous a sollicités pour louer un avion, précise Daniel Houmbouy, qui détaille le fonctionnement de cette prestation de service. On fournit l’avion, l’équipage, la maintenance de l’avion et l’assurance. De son côté, Air Vanuatu vend les billets et nous paye pour l’immobilisation, à son compte, de nos ressources."
Ces rotations sont assurées uniquement en semaine, du lundi midi au vendredi midi, afin que l’avion d’Aircal soit de nouveau déployé sur la desserte calédonienne durant le week-end, où la demande est plus forte. Toujours est-il, l’activité chez nos voisins réduit considérablement la marge de manœuvre sur le Caillou. Et la situation n’est pas près de changer.
Air Calédonie vient de reconduire pour trois mois supplémentaires son contrat d’exploitation des vols domestiques avec Air Vanuatu, soit jusqu’à fin mars. "On aimerait se positionner durablement avec Air Vanuatu puisque cette activité permet aujourd’hui de compenser les pertes qui sont importantes sur le trafic domestique calédonien, insiste le directeur général, pour qui le lancement des vols avec cet archipel est un "pari réussi" et "rentable", tant pour les rotations internationales que pour la desserte interîles depuis Port-Vila. On compte vraiment pérenniser notre activité sur le Vanuatu qui marche très bien. On garde en tête que notre marché traditionnel, ce sont les îles Loyauté. Mais c’est vraiment dans notre intérêt d’aller chercher du chiffre d’affaires là où on peut encore en trouver, ne serait-ce que pour couvrir nos charges fixes."
Le 19 décembre dernier, un ATR d’Aircal s’est officiellement envolé une dernière fois du Caillou. Direction les États-Unis [3], où il est désormais arrivé et pour lequel les formalités de rachat sont en cours de finalisation. Mais tant que la signature n’a pas eu lieu, rien ne peut fuiter sur les détails de cette transaction ou sur l’identité de son futur propriétaire. Cet appareil, qui avait déjà été loué pendant près d’un an à Air Tahiti, est donc officiellement en passe de quitter le giron de la compagnie calédonienne.
"Cette mise en vente est un effort supplémentaire qui est fait par la compagnie pour renflouer nos caisses. C’est une mesure de sauvegarde de la trésorerie, glisse le directeur général d'Aircal. Par rapport à notre trafic et à notre programme de vols, nettement revu à la baisse, on n’avait pas forcément l’utilité d’avoir quatre avions."
Dans ce contexte, les tensions sur la disponibilité d’avions en cas de nouvelle panne sur la flotte, risquent donc de durer pour les usagers calédoniens.
Parmi les raisons justifiant certaines annulations de vol : les arrêts maladie d'une partie du personnel, affaibli par le plan social lancé en 2024. S'il a permis d'assurer la "survie" de la compagnie, à travers le licenciement de 155 salariés, soit 38 % des effectifs, reste une question : ne va-t-il pas devenir un obstacle au bon fonctionnement de la compagnie ?
Non, à en croire son directeur général : "Avec ce plan social, on a redimensionné au mieux pour maintenir une exploitation de trois avions. Si on a une loi des séries avec des aléas, comme une épidémie, ça ne passe plus, mais cela reste exceptionnel, estime Daniel Houmbouy, qui détaille le nouveau "modèle". Avant, nous avions la ressource suffisante pour remplacer, car les effectifs étaient dimensionnés pour traiter les pics d’activité comme si ces pics se produisaient tout au long de l’année. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas puisque nos équipes correspondent à une activité moyenne. Il arrive donc de temps en temps, comme nous avons perdu en agilité et en souplesse, que la machine se grippe."

Au-delà de ternir l’image de la compagnie et de plonger les usagers dans la difficulté, les annulations de vol, en particulier cette année, ont un coût. Lorsqu’Aircal est responsable de ces suspensions (hors conditions météo, etc.), la clientèle est en droit de se faire héberger, transporter et nourrir à l’hôtel jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau prise en charge sur un vol.
Si la direction n’a pas souhaité communiquer le montant précis, il se chiffre en "dizaines de millions de francs", rien que pour l’année 2025. "Lorsqu’il y a des aléas, cela coûte beaucoup plus cher à la compagnie et ce n’est vraiment pas dans notre intérêt", insiste Daniel Houmbouy.
Les Nouvelles calédoniennes vous proposent une série de trois articles sur la situation de la compagnie, qui fait face à une crise sans précédent : le déménagement d'Aircal à La Tontouta [2] ; la situation économique en 2025 de la société confrontée à une baisse historique du nombre de passagers [1]; les raisons des annulations de vols en cascade cette année.
Links
[1] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/transports/daniel-houmbouy-aircal-n-a-pas-connu-un-trafic-aussi-bas-depuis-plus-de-trente-ans
[2] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/transports/transfert-d-aircal-a-la-tontouta-les-economies-pourraient-atteindre-deux-milliards-de-francs-par-an
[3] https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/transports/un-avion-d-aircal-en-vol-pour-les-etats-unis
[4] https://www.lnc.nc/user/password
[5] https://www.lnc.nc/user/register
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