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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 30.12.2025 à 05h00 | Mis à jour le 30.12.2025 à 05h00
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    Daniel Houmbouy est depuis 2022 directeur général d'Aircal, société dont l'actionnaire majoritaire est la Nouvelle-Calédonie (50,3%), suivi des trois provinces (43,3%), des particuliers (4,3%) et Air France (2,1%).   Photo Anthony Tejero
    Frappée de plein fouet par la crise, Aircal a vu son activité s'effondrer depuis les émeutes. En 2025, son trafic a même été pire que l'an passé, avec un nombre de passagers passé sous la barre des 200 000, ce qui n'était plus arrivé depuis le début des années 1990. En dépit d'un vaste plan social lancé en 2024, la société a encore dû être renflouée, à hauteur de 500 millions de francs cette année. Une aide qui devrait être reconduite en 2026. Entretien avec son directeur général Daniel Houmbouy dans ce deuxième volet de notre série consacrée à la compagnie.

    En 2024, l’activité a chuté avec les émeutes à seulement 265 000 passagers, soit une baisse du trafic d’environ 34 %. Quelle est la situation pour l’année 2025 ?

    En 2025, on va passer sous la barre des 200 000 passagers. On a encore perdu du trafic par rapport à 2024, avec environ 180 000 à 190 000 passagers.

    Ce sont des chiffres pour le moins inquiétants…

    Oui, c’est totalement inquiétant car on ne s’y attendait pas. Au budget, on avait initialement estimé un trafic qui serait supérieur à celui de 2024. On comptait vraiment sur une reprise et un redressement du trafic, avec un objectif de 280 000 passagers, mais on s’est rendu compte assez vite que la fréquentation n’était pas au rendez-vous.

    Comment expliquez-vous une telle baisse ?

    Généralement, un tiers de notre clientèle sont les Calédoniens, dont les ressortissants des îles. Les touristes internationaux représentent, eux, un tiers, tout comme les professionnels. Cette baisse traduit déjà la perte des touristes internationaux et locaux, en dépit d’une légère reprise en fin d’année. Mais c’est aussi parce qu’on a perdu les professionnels, notamment ceux des collectivités qui n’ont plus les budgets suffisants pour ces dépenses de transport. Et aussi parce qu’au vu de ces finances, il n’y a plus de chantiers dans les îles.

    Compte-tenu de toutes ces difficultés, ceux qui voyagent sont vraiment ceux qui ont la nécessité de se déplacer.

    On devrait enregistrer une perte de l'ordre de 1,2 milliard de francs cette année.

    Est-ce un niveau de fréquentation historiquement bas pour la compagnie, même en prenant en compte les crises Covid ?

    Oui. Au plus dur de la crise Covid par exemple, le trafic le plus bas s’est établi à 263 000 passagers contre 265 000 en 2024, l’année marquée par les émeutes.

    Pour donner un ordre d’idée, c’est en 1992 qu’on a franchi les 200 000 passagers pour la première fois, quand la compagnie venait de se doter d’un quatrième avion pour augmenter le trafic. Cela fait plus de 30 ans qu’on n’a pas connu un trafic aussi bas. Et encore, en 1992, la dynamique était une évolution vers l’augmentation du trafic. Alors qu’aujourd’hui, c’est une baisse continue du trafic. On a fortement et rapidement reculé.

    Par ailleurs, sur les dix dernières années, à part lors de la Covid et de la crise des émeutes, donc en 2021 et 2024, on n’a jamais connu un trafic inférieur à 350 000 passagers.

    À combien estimez-vous vos pertes en 2025 au vu de cette nouvelle baisse de trafic ?

    On devrait enregistrer une perte de l’ordre de 1,2 milliard de francs cette année, contre 1,9 milliard en 2024.

    Pour 2026, quelles sont vos perspectives de reprise ? Et à quel horizon espérez-vous un retour à la normale, c’est-à-dire à un trafic de 2023 ?

    On mise sur un redressement du trafic qui s’opérera à partir de 2026, mais on reste très prudent. On estime que l’on atteindra près de 220 000 passagers l’an prochain, ce qui est une ambition très tenable, qui reste en deçà du trafic réalisé en 2024. On espère par ailleurs retrouver un trafic normal dans trois ans, au mieux.

    Le programme de vols a été nettement réduit depuis les émeutes. Quelle est l’ampleur de ce redimensionnement ?

    Par rapport au trafic effectif, on a en effet réduit le programme de vols puisqu’on comptait initialement atteindre 280 000 passagers en 2025. Aujourd’hui, pour l’activité en Nouvelle-Calédonie, on mobilise l’équivalent d’1,5 avion alors qu’on en possédait 4. C’est pour ça qu’on vient de se séparer d’un avion qu’on a mis en location, puis en vente.

    On a maintenu les équipes pour exploiter trois avions physiques. C’est ce qui a conduit à mettre en place le plan social, à réduire dans tous les services les effectifs pour coller au mieux avec les besoins du programme de vols. On est ainsi arrivé à une réduction de quasiment 50 % de la masse salariale et de 38 % de l'ensemble des effectifs. Aircal est ainsi passée de 8 610 vols en 2023 à 3 500 vols en 2025.

    Ce plan social qui a conduit à la suppression de 155 emplois, accompagné de nombreuses mesures d’économies a été mis en place dès 2024. Quelle est la situation économique de la compagnie aujourd’hui ?

    Ce plan social avait pour objectif de réduire nos charges et de pouvoir être rentable sur un trafic de l’ordre de 280 000 passagers, ce qui était notre objectif de trafic en 2025. Donc vraiment, il était suffisant pour redresser la situation. Mais la réalité, c’est que le trafic est inférieur à ce qu’on imaginait. Il y a donc de nouvelles mesures qu’on doit prendre pour maintenir la compagnie, qui sont essentiellement financières.

    Cela passe par la cession d’un avion et par aller chercher le trafic manquant au Vanuatu. On effectuait deux rotations hebdomadaires depuis octobre 2024, entre Tontouta et Port-Vila, mais on a rajouté très récemment une troisième rotation. Et depuis le mois d’octobre, afin de récupérer le trafic qu’on n’a plus ici, Aircal opère également des vols domestiques pour le compte d’Air Vanuatu.

    On compte vraiment pérenniser notre activité sur le Vanuatu qui marche très bien.

    Vous évoquez de nouvelles mesures d'économies à prévoir en 2026. Est-ce que cela pourrait passer par un nouveau plan social ?

    Non, il s'agit de mesures de soutien à la trésorerie jusqu'à ce qu'il y ait un redressement du trafic. On n'imagine pas un nouveau plan social parce qu'on est déjà très limités et on perdrait des compétences.

    Or, lorsque l'économie ira mieux, quand il y aura une reprise du tourisme, que les gens vont gagner en pouvoir d'achat, la demande va augmenter, et si on faisait un autre plan social, on n'aurait plus la capacité de gérer.

    Bien sûr, on aura d'autres économies à faire sur notre exploitation, mais ça va être à la marge. Et on compte vraiment pérenniser notre activité sur le Vanuatu qui marche très bien. C'est vraiment dans notre intérêt.

    Vous venez d’évoquer un déficit de 1,2 milliard de francs pour 2025. Quelles ont été les aides de la Nouvelle-Calédonie sollicitées par la compagnie depuis les émeutes et de nouvelles enveloppes sont-elles étudiées ?

    L’actionnaire Nouvelle-Calédonie a injecté 1 milliard de francs dans la compagnie l’année dernière, en 2024. Cette année, l’aide est de 500 millions de trésorerie supplémentaire pour terminer l’année. Et ce qui est discuté actuellement, c’est une nouvelle aide en 2026, encore de l’ordre de 500 millions pour pallier l’absence de trafic.

    En cas de nouvelle crise, Aircal ne tiendra pas.

    Sous quelle forme, subvention ou emprunt ?

    C’est sous forme d’avance en compte courant. C’est un prêt de l’actionnaire que l’on doit rembourser au taux légal classique.

    Dans ce contexte, la compagnie pourra-t-elle tenir en cas de nouvelle crise ?

    En cas de nouvelle crise, Aircal ne tiendra pas. Sans aide de la collectivité, la compagnie aujourd’hui, avec le niveau de trafic qu’elle a, ne peut pas subsister. Et la crise peut aussi être économique, c'est-à-dire que la collectivité n’ait pas le budget suffisant pour soutenir sa compagnie. On craint aussi les menaces de blocages et autres, ce qui rendrait la situation très difficile.

    Des blocages qui pourraient se produire pour s’opposer au transfert d’Aircal à Tontouta prévu le 2 mars ?

    On sait qu’il y a de la colère dans les îles. Ce sont quand même les coutumiers qui ont la main sur l’ouverture ou non des aérodromes. Les blocages dans les îles sont une menace existentielle pour la compagnie.

    Aujourd’hui, la menace est réelle. On sent le mécontentement. Certains s’organisent, communiquent sur le fait que si toutefois le déménagement  à Tontouta était maintenu, ils bloqueront. On a notamment reçu des communiqués du comité consultatif coutumier Ne Drehu, organisateur de la marche de protestation à Nouméa et qui prévoit d’autres manifestations jusqu’à éventuellement un blocage, le 2 mars. Or, Lifou est notre escale la plus importante.

    Au regard de vos difficultés, envisagez-vous une augmentation de vos tarifs ?

    Forcément, on se pose toujours la question qui est hypersensible de la contribution des uns et des autres, c’est-à-dire de la collectivité, qui est intervenue à hauteur d’un milliard l’année dernière et de 500 millions cette année et possiblement l’année prochaine. Si on augmentait les tarifs, la contribution de la collectivité directe pourrait être inférieure. C’est en discussion aujourd’hui, mais non il n’y a pas de décision prise en ce sens.

    Note

    Les Nouvelles calédoniennes ont rencontré le directeur général d'Aircal et vous proposent une série de trois articles sur la situation de la compagnie, qui fait face à une crise sans précédent. Prochain volet : l'analyse des raisons qui ont conduit à des annulations de vol en série cette année. 

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