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    Culture
  • Baptiste Gouret | Crée le 25.12.2023 à 06h00 | Mis à jour le 25.12.2023 à 06h00
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    Directeur général de Caledonia depuis 2019, Ashley Vindin (à gauche) a passé le relais le 8 décembre à Pierre Wélépa. Photo Baptiste Gouret
    Le 9 décembre 2013, une modeste télévision d’information locale nommée NC TV diffusait ses premières images. Dix ans après, la chaîne désormais connue sous le nom de Caledonia est parvenue à se faire une place dans le paysage médiatique du territoire. Un anniversaire qui coïncide avec le départ d’Ashley Vindin, directeur général depuis 2019, remplacé par Pierre Wélépa. Les deux hommes reviennent sur l’identité de la chaîne, son engagement pour un journalisme de proximité et les défis qu’elle va désormais devoir relever.

    Vous avez fêté les dix ans de Caledonia le 9 décembre à Koné lors d’une émission spéciale. Qu’avez-vous pensé de cet évènement ?

    Pierre Wélépa : C’était un moment de cohésion intense. J’ai eu beaucoup de retours de téléspectateurs qui ont trouvé très touchant de voir, sur leur télé, les gens qui font Caledonia. On s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de monde qui mettait beaucoup de sens dans cette chaîne. La présence de trois directeurs, Jérémie Grandin, Ashley et moi, a également rendu l’instant particulier.

    Ashley Vindin : C’était important de fêter les dix ans. Ces dernières années, on a beaucoup parlé de survie pour Caledonia. Donc simplement vivre le moment, ça fait du bien. Ce n’est pas facile de faire vivre un média. C’est une bataille compliquée avec beaucoup d’enjeux. Mais on l’a vu durant l’émission : c’est aussi la réussite de très peu de gens.

    "Notre responsabilité, c’est d’apprendre des choses aux gens "

    Vous arrivez, Ashley, au terme de quatre ans à la tête de la chaîne. Quel bilan tirez-vous de cette période ?

    A.V. : J’ai essayé de trouver un rythme de croisière et une consolidation financière à la chaîne. On a aussi beaucoup travaillé à la qualité de l’image. Je pense qu’on a su jouer la carte locale, en trouvant les moyens d’aller à la rencontre de notre public, parce que c’est notre rôle. De mon côté, il y a évidemment beaucoup de fierté d’avoir été à la tête de Caledonia. J’ai partagé presque la moitié de l’histoire de ce média et j’ai vu des gens en baver. Un média, c’est beaucoup de défis. Il faut trouver des moyens de traiter l’information différemment, de faire venir des téléspectateurs sur des rendez-vous réguliers… Je suis venu sur ce projet justement parce qu’il disait : "Caledonia, la télé qui nous rapproche".

    Justement, est-ce que cette mission de rapprocher les Calédoniens est remplie ?

    A.V. : En tout cas, on l’a traduite par une ligne éditoriale claire en exposant nos intentions en quelques lignes, ce que peu de médias peuvent se vanter d’avoir fait. Après, chacun se fait un avis de là où il est.

    P.W. : Le fait est que c’est clairement une chaîne de télé qui appartient à tous les Calédoniens. C’est payé avec leurs impôts, donc on a un devoir de transparence et de service rendu dans l’intérêt général. Notre responsabilité, c’est d’apprendre des choses aux gens. Dans "la télé qui rapproche", il y a une dimension d’altérité et donc d’apprentissage. Qu’est-ce qu’on apprend de l’autre ? C’est important de pouvoir offrir un juste retour de ce qui a été investi dans Caledonia.

    "L’histoire de Caledonia est rude, mais c’est aussi le témoin d’un saut de géant"

    Quel sentiment domine lorsque vous regardez l’évolution de la chaîne depuis 2013 ?

    P.W. : Je sais que ça a été extrêmement dur, en termes de technicité, de pratique professionnelle, de culture d’entreprise… Il y a beaucoup de gens à Caledonia qui ne viennent pas de l’audiovisuel ni du journalisme ou de la culture. Certains sont là depuis le début, à un moment où personne ne misait sur cette chaîne. L’histoire de Caledonia est rude, mais elle est aussi le témoin d’un saut de géant qui a été fait par les équipes. On fait de la télé avec 38 personnes, de 5 heures à 23 heures tous les jours, cinq JT par semaine… Sans un sens et un but communs, les gens auraient arrêté depuis longtemps.

    Selon vous, qu’a apporté la création de Caledonia au paysage médiatique du pays ?

    A.V. : Tout simplement une ouverture pour permettre aux gens de s’exprimer. Nous, notre travail a été de ne pas faire dans l’opinion, mais de travailler sur les faits, ce qui est loin d’être évident en Nouvelle-Calédonie.

    P.W. : Il y a autre chose sur lequel Ashley a beaucoup travaillé : c’est la partie programmation. Le journal, c’est que 40 minutes, mais le reste de la grille, il faut la remplir, c’est beaucoup de boulot.

    A.V. : Une télé, ça ne peut pas être que de l’information. Il faut du divertissement, de la fiction, de la culture… Caledonia a aussi apporté quelque chose que les autres n’ont pas, c’est la connexion avec le reste du Pacifique. Ces dernières années, on a su nouer des liens forts avec les autres télés du Pacifique, et ça va se renforcer. Ça s’est notamment traduit par des matchs de football que nous avons été les seuls à retransmettre.

    "On travaille à l’éducation des jeunes aux médias"

    P.W. : Au-delà du Pacifique, il y a aussi les liens avec les médias locaux, comme Les Nouvelles calédoniennes. On est en plein dans la question de la démocratie, de la pluralité du journalisme et des opinions. Caledonia fait la démonstration d’une indépendance rédactionnelle et éditoriale et, d’un autre côté, participe à une avancée majeure en s’associant avec des médias traditionnels basés sur un autre modèle comme LNC. Jusqu’ici, le paysage médiatique était fractionné. Par ce genre de partenariats, je pense qu’on est en train de travailler à l’éducation des jeunes aux médias. Caledonia réfléchit à une façon de montrer les visages calédoniens et l’expérience humaine. Et cette pluralité le permet, tout en garantissant une indépendance. Ça participe à la culture du pays. C’est pour ça que, selon moi, Caledonia fait partie du patrimoine immatériel contemporain des Calédoniens. Pour les 10 ans, on a eu des témoignages de personnes qui étaient heureuses de se voir. Si ça, ce n’est pas le travail d’une télé… On diffuse de la musique, on a des JT en langues… C’est une télé qui montre réellement qui on est.

    A.V. : C’est toute une éthique de travail. On la retrouve dans la ligne éditoriale. J’espère que ça restera comme ça. Effectivement, Caledonia appartient à tous les Calédoniens. Elle vibre en nous.

    Vous avez parlé d’une chaîne en mode survie ces dernières années en raison des difficultés financières. Où en êtes-vous de ce côté-là aujourd’hui ?

    P.W. : La difficulté n’a pas changé, c’est juste une question de gestion. Je reprends le modèle économique d’Ashley, qui a fait ses preuves. Je ne vais pas dévier de ce modèle qui a permis à la chaîne de vivre. Donc je récupère une chaîne super saine, même si c’est vrai que les finances publiques diminuent.

    A.V. : Sur les cinq dernières années, la province Nord a toujours versé sa part dans les temps. La province des Îles a augmenté l’enveloppe. Donc on pourrait dire que ça va, même si ce n’est jamais assuré. Quand je suis arrivé, la province Sud entrait au capital et mettait de l’argent dans le fonctionnement. Ça fait quatre ans qu’elle ne verse plus rien.

    Quels sont désormais les défis à relever pour les dix prochaines années ?

    A.V. : Le principal, selon moi, c’est de rester dans l’innovation. Une petite équipe te permet de l’agilité, et l’agilité te permet d’innover. L’innovation devra se poursuivre partout, dans les programmes, les manières de filmer, de diffuser, de colorer, de réaliser, de sonoriser… Il faudra aussi travailler aux financements et les sécuriser, même si ça semble un vœu pieux pour un média. Il faudra garder la capacité à prendre des virages stratégiques. Ça semble un testament un peu lourd, mais c’est la réalité.

    "Notre mission est d’élever le débat, pas d’abrutir les gens"

    La transition numérique et votre présence sur les réseaux sociaux en font-ils partie ?

    P.W. : Oui, c’est un vrai défi pour nous. La question, c’est comment on fait de la télé sur les réseaux ? Les jeunes sur internet se professionnalisent et gagnent en technicité, voire inventent des nouvelles façons de faire de la télé sur le web. Si on réfléchit à de la télé hertzienne traditionnelle sur internet, ça ne fonctionne pas.

    A.V. : Il y a eu un âge d’or de la télé, aujourd’hui c’est peut-être celui des réseaux sociaux. Il se trouve que chacun vampirise l’autre pour exister. Il y a des axes de dialogue entre chaque média, mais c’est compliqué. Notre travail, ça reste la télé hertzienne linéaire. Est-ce qu’on est dans une lutte pour capter l’attention des gens ? Non. On travaille avec ce qu’on a et sur ce qu’on sait faire et ça, c’est le réel. À nous de donner envie aux jeunes de nous regarder. Est-ce que c’est sur les réseaux sociaux que la réalité du monde est la mieux retranscrite ? Je ne crois pas. Et, même si on devait investir davantage les réseaux sociaux, ce sera toujours avec la mission d’élever le débat, pas d’abrutir les gens. Aujourd’hui, je pense qu’on est là où on doit être.

    Que pouvez-vous nous dire de la grille des programmes de 2024 ?

    P.W. : On ne va pas tout révéler, mais il y aura toujours les programmes qui fonctionnent très bien, comme Yes Week-End, Lundi Sport, Ça tourne, etc. Et puis il y aura des nouveaux contenus, plus en lien avec l’actualité. Notre idée, c’est d’aller plus loin sur les programmes locaux et régionaux et de dire les faits. Sur le reste, on aura toujours cinq jours de JT et il y aura un tout petit plus de dossiers en langues. À un moment où l’histoire politique, administrative et financière de la Nouvelle-Calédonie creuse des écarts, voire des inégalités, je crois que c’est justement le rôle de la télé de montrer ce qui nous rapproche et comment on trouve des solutions ensemble pour surmonter cette adversité.

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