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  • Pierre CELERIER / AFP | Crée le 03.10.2023 à 01h29 | Mis à jour le 03.10.2023 à 10h28
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    Même sans cerveau central, les méduses peuvent apprendre des expériences passées comme les humains, les souris et les mouches, rapportent pour la première fois des scientifiques dans la revue Current Biology. Photo Jan BIELECKI / AFP
    Elles mesurent à peine un centimètre et n’ont pas de cerveau. Certaines méduses sont capables d’un apprentissage associant vision et stimuli pour éviter des obstacles, une performance cognitive encore jamais observée chez ces animaux dont la lignée remonte aux origines du monde animal.

    Tripedalia cystophora, aussi appelée méduse des Caraïbes ou cuboméduse, a une capacité remarquable à se frayer un chemin en eau trouble et dans un labyrinthe de racines de palétuviers immergées. Autant d’obstacles à éviter pour ne pas abîmer la fragile membrane gélatineuse qui enveloppe un corps en forme de cloche.

    Elle s’en sort très bien grâce à un dispositif commun aux spécimens de son espèce : quatre structures sensorielles, disposées comme autant de points cardinaux autour de son corps. Chaque structure, appelée rhopalie, comprend deux yeux en forme de lentille et un centre de traitement de l’image.

    Le tout avec une économie de moyens qui confine à l’ascèse, en comptant seulement environ un millier de neurones pour chaque rhopalie, là où par exemple la minuscule mouche drosophile, chouchoute des laboratoires, compte 200 000 neurones dans sa petite cervelle.

    Une particularité intrigante

    Surtout, à l’inverse de la quasi-totalité des espèces du règne animal, les cnidariens, lignée à laquelle appartient la méduse, sont dépourvus d’un cerveau à proprement parler, mais possèdent plutôt un système nerveux dispersé. Une particularité intrigante compte tenu de leurs capacités cognitives.

    L’étude signée par Jan Bielecki, de l’université de Kiel (Allemagne), et Anders Garm, de celle de Copenhague, établit que malgré cela, l’animal répond à un "conditionnement opérant". C’est-à-dire à un entraînement lui permettant d’anticiper une conséquence éventuelle, en l’occurrence se cogner à une racine.

    Cette capacité, remarque Anders Garm, est "un cran au-dessus du conditionnement classique", comme celui du chien de Pavlov, où l’animal ne peut s’empêcher de saliver en voyant sa gamelle.

    Avec son entraînement, la méduse "apprend à prévoir un problème à venir, et à essayer de l’éviter". Une capacité encore jamais démontrée pour un animal doté d’un système nerveux d’apparence aussi primitif, note l’étude parue récemment dans Current biology.

    Apprendre à naviguer

    Les chercheurs ont vérifié que la cuboméduse apprend à évaluer la distance la séparant d’un obstacle en associant les stimuli visuels d’une racine et mécanique d’un choc avec cette dernière.

    Ils ont placé l’animal dans une petite enceinte ronde remplie d’eau et dont les parois étaient teintes de bandes plus ou moins sombres, figurant des racines. Et ont constaté qu’il apprenait rapidement à se déplacer le plus largement possible dans l’enceinte, quand les bandes étaient difficilement visibles et après quelques collisions avec les parois.

    Si les bandes étaient trop visibles, les jeunes méduses ne heurtaient jamais les parois mais restaient précautionneusement au centre de l’enceinte. Pas idéal pour se promener et s’alimenter. Si les bandes disparaissaient, alors elles se heurtaient sans cesse aux parois.

    Trois à six essais

    En bref, "si on la prive d’un des deux stimuli, elle ne peut pas apprendre", remarque Anders Garm. Mais avec les deux, il lui suffit de trois à six essais pour apprendre à naviguer sans heurts. "C’est à peu près la même chose que pour des animaux considérés plus avancés, comme la mouche drosophile, le crabe ou même la souris", ajoute le scientifique.

    Les chercheurs ont validé leur hypothèse en répétant l’expérience ex-vivo, par une stimulation d’un seul œil d’une rhopalie. "Cela soutient la théorie qu’un très petit nombre de cellules neuronales permettent d’apprendre", souligne Jan Bielecki.

    La présence d’une telle capacité dans un organisme aussi simple "indique que ce pourrait être une propriété fondamentale des systèmes nerveux", selon Anders Garm.

    En effet, les cnidariens, groupe du règne animal auquel appartiennent les cuboméduses, considérés comme "groupe sœur de celui de tous les autres animaux", poursuit le biologiste.

    Il émet l’hypothèse que l’ancêtre commun à ces deux groupes, il y a plus de 500 millions d’années, ait développé un système nerveux possédant déjà une telle capacité d’apprentissage par association.

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