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  • Anthony Tejero | Crée le 12.11.2023 à 05h51 | Mis à jour le 12.11.2023 à 07h33
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    Au fil des années, Guy Monvoisin sent le climat calédonien se dérégler. Photo Anthony Tejero
    Après de longs mois de temps très sec, les récents épisodes pluvieux de septembre et octobre ont été plus que bienvenus dans le pays. Pour autant, ces précipitations ont été moins abondantes dans certains secteurs du Nord-Ouest où la sécheresse commence de nouveau à se faire sentir. De quoi préoccuper les éleveurs bovins de la région qui tentent, comme ils le peuvent, de s’adapter au changement climatique. Reportage chez Guy Monvoisin, à Pouembout.

    De longs kilomètres de pistes sinueuses qui s’enfoncent dans la Chaîne, des nuages de poussière soulevés à chaque passage de véhicule, le tout dans un décor de collines dominées par deux couleurs : le jaune et le gris.

    Au fin fond de la vallée de Pouembout, niché entre les tribus de Paouta et de Ouaté, s’étend de lieu-dit Ouendé, qui signifie en paicî "il est bon ?". "Et bin non, il est pas bon en ce moment !", lance d’emblée Guy Monvoisin, un brin sarcastique.

    Depuis mai, le président du syndicat des éleveurs bovins de Nouvelle-Calédonie subit la sécheresse sur sa vaste propriété de 600 hectares qui compte 450 têtes de bétail et une quinzaine de chevaux. Avant l’arrivée inespérée d’épisodes pluvieux en septembre et en octobre, ce secteur n’avait plus vu tomber une goutte d’eau pendant près de quatre mois. Et les récentes précipitations ne lui ont apporté qu’un répit de courte durée. Car depuis un mois, plus aucune pluie n’est tombée à Ouendé.

    "On entre dans des cycles extrêmes"

    De quoi inquiéter ce Calédonien de 67 ans, pourtant habitué à ces conditions, notamment lors des épisodes El Niño. "Avec le vent, toute la végétation s’est de nouveau asséchée. Tout est jaune. Certes, ce n’est pas nouveau le temps sec avec de forts alizés, en attendant les premiers orages de fin d’année. Sauf qu’auparavant, il y avait encore des pluies qui tombaient régulièrement durant l’hiver. C’est de moins en moins le cas aujourd’hui. Et les températures sont tellement plus fraîches que la normale en ce moment, que cela ne s’annonce malheureusement pas propice à l’arrivée prochaine de précipitations, craint cet éleveur, pour qui le dérèglement climatique est on ne peut plus palpable. Depuis une dizaine d’années, on entre dans des cycles extrêmes. Soit on a énormément d’eau, soit on traverse des sécheresses anormalement longues. Et on peut passer d’un extrême à l’autre en une fraction de jour, comme cette année."

    Située sur les petites collines du piémont de la Chaîne, bien au-delà des plaines fertiles de La Pouembout, la propriété de Guy Monvoisin figure parmi les secteurs les moins arrosés du pays, "là où tout est sec et presque rien ne pousse". Malgré trois saisons marquées par La Niña durant lesquelles le bétail a bénéficié de beaux pâturages bien verts, cette année, ses vaches ont manqué cruellement de nourriture dès le début de la saison fraîche.


    Le nord-ouest de la Grande Terre est la région la plus touchée par le déficit d’eau. Dans certains élevages, les animaux sont nourris au foin depuis déjà plusieurs mois. Photo Anthony Tejero

    C’est pourquoi, l’éleveur avait anticipé, en commandant 400 bottes de foin en vue de tenir le choc pendant la sécheresse. Cet investissement, qui lui coûte la bagatelle de 2 millions de francs, est indispensable s’il veut préserver son cheptel.

    "Pourvu que ça ne dure pas trop longtemps"

    "On est obligés de garder en bon état notre bétail pour ne pas qu’il maigrisse trop si on veut maintenir notre activité. Rien qu’un taureau, cela nous revient en moyenne entre 300 000 et 600 000 francs à l’achat, explique ce Broussard, loin d’être serein pour les mois à venir. Chacun a sa stratégie. Certaines propriétés de fond de vallée en bord de rivière disposent de davantage de pâturages. Certains éleveurs ont aussi une activité maraîchère ou céréalière pour pouvoir tenir financièrement. Pour ma part, avec le stock de balles rondes que j’ai achetées, j’ai de quoi tenir jusqu’à fin novembre. Après, si l’eau ne tombe toujours pas, je m’en remettrai à Dieu. Grâce aux dernières pluies, la sécheresse 2024 n’est finalement pas si catastrophique. Par contre, ça commence à devenir long. Autant, les collègues du Sud sont bien, autant ça redevient compliqué au nord de Poya."

    Bien que les techniques d’élevage ne cessent d’évoluer pour mieux s’adapter aux contraintes calédoniennes, ces périodes de sécheresse, qui pourraient se multiplier et s’intensifier à l’avenir, sont sans doute l’un des obstacles majeurs que devra surmonter cette filière.

    La "tropicalisation" du bétail

    Un travail sur lequel se penche depuis plus de quarante ans l’Upra bovine à travers la "tropicalisation" du bétail. Objectif : améliorer la qualité génétique des vaches et des reproducteurs, mais aussi sélectionner les animaux les plus résistants à la tique, à la chaleur et au manque d’eau. Au premier rang de ces races importées : les brahmans et les droughtmaster (comprenez "maîtres de la sécheresse") qui évoluent dans les milieux particulièrement arides du bush australien.


    Au fil du temps, les éleveurs importent des races mieux adaptées aux conditions sèches et chaudes du climat calédonien, ce qui leur permet de mieux valoriser les pâturages. Photo Anthony Tejero

    "Ces races ont par exemple un poil plus ras pour mieux supporter la chaleur et elles sont dotées d’un système digestif qui parvient à valoriser les pâturages secs, très pauvres et avec beaucoup de fibres, détaille Adeline Lescane, directrice de l’Upra bovine. Ces femelles arrivent ainsi à trouver l’énergie suffisante pour pouvoir se reproduire dans de telles conditions."

    Des vaches de plus en plus résistantes

    L’autre levier auquel s’attelle l’Upra bovine est le "contrôle de performance". Autrement dit, les agents sillonnent les élevages du pays où ils surveillent le poids et la morphologie du bétail.

    "Au-delà du choix de la race, on sélectionne ensuite les animaux les plus beaux et donc les mieux adaptés à leur milieu. Génération après génération, on gagne ainsi un peu plus en qualité. C’est une évolution lente et progressive qui devrait, à l’avenir, nous permettre d’avoir des cheptels de plus en plus résistants à la sécheresse, assure Adeline Lescane. Mais on peut avoir la meilleure des races, si elle n’a rien à manger, la vache ne s’en sortira pas. Même si certaines bêtes se contentent de peu, la meilleure génétique reste l’herbe. Cela implique aussi que les éleveurs anticipent leurs besoins à travers un bon apport de foin, en créant des retenues collinaires pour disposer de suffisamment d’eau, etc."

    D’autant plus si la filière veut encore monter en puissance. Avec près de 500 éleveurs professionnels et entre 80 000 et 85 000 têtes de bétail répertoriées dans le pays, le secteur couvre actuellement 58 % de la consommation locale de bœuf.

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