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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 15.11.2023 à 12h42 | Mis à jour le 15.11.2023 à 14h33
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    Le programme d’un coût de 124 millions de francs est co-financé par les différentes institutions : Etat, province Sud, gouvernement, mairie, Institut Pasteur, etc. Photo Anthony Tejero
    Après Nouméa puis Dumbéa et le Mont-Dore, c’est au tour de Païta d’adhérer au programme World Mosquito, qui vise à lutter contre les épidémies de dengue grâce à la bactérie Wolbachia. Les premiers lâchers de moustiques porteurs ont ainsi eu lieu, ce mercredi matin, sur la place du village. Zoom sur un dispositif aux résultats très prometteurs.

    Pourquoi Païta adhère à son tour au programme ?

    Après Nouméa, dès 2019, puis le Mont-Dore et Dumbéa, en 2022, c’est au tour de la dernière commune du Grand Nouméa, d’intégrer le Word Mosquito program, en expérimentant à son tour Wolbachia. Pour rappel, cette bactérie introduite dans les moustiques Aedes aegypti, vecteurs d’arboviroses dont la dengue, vise à réduire, si ce n’est à faire disparaître les épidémies de dengue dans le pays. Les premiers lâchers insectes porteurs ont ainsi eu lieu à Païta, ce mercredi matin, sur la place du village. Une "suite logique" dans le déploiement de ce programme selon le maire de la commune : " Nous nous devions de participer à cet effort et à cette dynamique déjà enclenchée chez nos voisins pour protéger les populations d’une prochaine éventuelle épidémie. Et ce, d’autant plus que les résultats à Nouméa sont incontestables, martèle Willy Gatuhau, qui "espère que Païta ne sera pas la dernière commune à adhérer à ce programme. C’est un sujet à l’échelle de la province et même de l’ensemble du territoire car il s’agit d’une question de santé publique."

    Toujours est-il, avec la participation de Païta, l’ensemble de l’agglomération du Grand Nouméa est désormais couvert par Wolbachia, ce qui permet de protéger déjà les deux-tiers de la population de la Nouvelle-Calédonie.

    Comment le programme sera-t-il déployé à Païta ?

    1400 points ont été identifiés dans la commune. Sur chacun de ces sites (majoritairement situés dans l’espace public) de petits pots vont ainsi être accrochés au sein desquels seront relâchés entre 100 et 150 moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia de façon hebdomadaire, soit 200 000 moustiques par semaine sur l’ensemble de la commune (dont la moitié sont des mâles et donc qui ne piquent pas). "Cela peut sembler être un chiffre important, mais c’est très peu par rapport au nombre de moustiques présents naturellement dans l’environnement dont la population se compte au moins en plusieurs millions de spécimens", juge bon de préciser Nadège Rossi, la responsable du World Mosquito Program (WMP) en Nouvelle-Calédonie.

    Dans le détail, les lâchers seront organisés en priorité dans les quartiers et zones les plus densément peuplés, du sud de la commune jusqu’au secteur de Tontouta. Seule la bande littorale "où il n’y a historiquement jamais eu de grosse épidémie de dengue" n’est pas concernée, dans un premier temps du moins.

    Quelle prise en compte de la population ?

    Une campagne de terrain a été menée en amont des lâchers de moustiques afin d’obtenir la plus grande adhésion possible de la population. Selon un sondage récemment réalisé, 94 % des habitants de la commune se sont prononcés en faveur de cette initiative. "On a besoin de cette acceptation. Les pots sont sur la voie publique et les gens ont besoin de comprendre ce qu’il se passe, déjà pour ne pas avoir de destructions, mais aussi pour que la population soit informée correctement", estime Nadège Rossi.


    Elus, représentants d'associations et de riverains de la commune ont été invités à participer à la cérémonie des premiers lâchers de moustiques porteurs. Photo Anthony Tejero

    Quel bilan du programme dans les autres communes ?

    Après près de quatre ans d’expérimentation à Nouméa, près de 90 % des moustiques portent la bactérie Wolbachia. Une moyenne qui s’établit, quant à elle, à 75 %, à Dumbéa et au Mont-Dore. "Ce chiffre va augmenter au fil du temps et au fur et à mesure de la reproduction des moustiques entre eux. Depuis les premiers lâchers en 2019, il n’y a pas eu d’épidémie de dengue. C’est très bon signe", se félicite la responsable du WMP.


    Infographie : Patrici Crezen. Source : WMP

    Où le programme pourrait-il encore être étendu ?

    Des réflexions seraient actuellement menées en lien avec la province Nord afin d’étendre ce dispositif à VKP (Voh-Koné-Pouembout) "qui est la zone, après le Grand-Nouméa, la plus touchée par les épidémies de dengue, précise Nadège Rossi. Il est important qu’on ne s’arrête pas au Grand Nouméa. À long terme, on ciblera donc en priorité les zones où on sait qu’il y a de la transmission."

    La dengue peut-elle être éradiquée sur le Caillou ?

    Quatre années après la dernière épidémie où 4 000 cas s’étaient déclarés dans le pays – et très probablement autant d’asymptomatiques ou avec très peu de symptômes – l’efficacité du dispositif semble évidente puisque trois cas ont été recensés en 2022, année pourtant particulièrement humide liée à La Niña et donc propice à la dengue. De là à dire que cette arbovirose est sur le point d’être éradiquée, il n’y a qu’un pas, que Nadège Rossi ne veut cependant pas franchir : "C’est un mot que je n’aime pas trop. On aura toujours des personnes qui reviendront de voyage en étant malades. Mais disons que le but est de réduire au maximum les épidémies."

    De quoi aussi réaliser d’importantes économies pour les collectivités, comme le rappelle Françoise Suve, conseillère de la province Sud : "L’épidémie de dengue de 2012-2013 avait représenté à elle seule un coût de 1,6 milliard de francs pour soigner les patients atteints, sans même parler de ceux qui en sont morts."

    Comment ça marche ? 


    Chaque semaine, 200 000 mousitques porteurs seront relâchés à Païta. 

    La Wolbachia est une bactérie présente naturellement dans les cellules d'environ 60 % des espèces d'insectes à travers le monde, comme les mouches des fruits, les libellules et les papillons. En revanche, elle n'existe pas chez le moustique Aedes aegypti, vecteur des arboviroses, dont la dengue.

    C'est pourquoi des chercheurs australiens se sont lancé un défi : transférer cette bactérie dans des moustiques afin qu'elle se développe et se transmette de génération en génération. En utilisant des moyens microscopiques, ils ont extrait la Wolbachia d'une mouche des fruits qu'ils ont injectée directement dans de jeunes œufs d'Aedes aegypti. Après "plusieurs milliers de tentatives", l'opération a réussi.

    Le virus de la dengue a ensuite été injecté aux moustiques contenant cette bactérie. Et les résultats sont tombés : la dengue ne s'est pas développée correctement chez le moustique, qui ne peut alors plus la transmettre à l'homme. Et en les faisant se reproduire en captivité, les moustiques porteurs ont à leur tour transmis la bactérie à leur progéniture. C'est ainsi que le Word mosquito program (WMP), développé par l'université de Monash, à Melbourne, est né.

    Une chute de 98 % des cas de dengue en Australie

    Après avoir obtenu le soutien et la confiance de la population, les premiers essais de lâchers ont été effectués dans le nord de l'Australie, en 2011. En quelques mois, près de 100 % des moustiques capturés puis analysés étaient porteurs de Wolbachia. Et le sont toujours dix ans plus tard. C'est d'ailleurs dans cette région que les chiffres sont les plus spectaculaires. Dans les villes de Cairns et de Townsville, le nombre de cas de dengue a respectivement chuté de 98 et de 95 %.

    Dépuis, le programme s'est étendu à plusieurs régions du monde : en Indonésie, au Vietnam, en Inde, au Sri Lanka, en Colombie, au Brésil et au Mexique. Là encore, le recul commence à être suffisant et les études épidémiologiques de terrain ont démontré une réduction significative de la transmission de la dengue. Le nombre de malades a par exemple diminué de 77 % à Yogyakarta en Indonésie, de 70 % à Niteroi, au Brésil, de 60 % à Vin Luong, au Vietnam et de 55 % à Medellin, en Colombie (chiffres de 2021). 

    Dans le Pacifique, le WMP a également été mis en œuvre à Fidji, Kiribati, au Vanuatu et en Nouvelle-Calédonie où les démarches ont été entreprises par la mairie de Nouméa dès 2016 pour un lancement effectif du projet trois ans plus tard, en juillet 2019, avant de progressivement gagner l'ensemble des communes du Grand Nouméa.

    À terme, le programme a pour ambition de "protéger les 2,5 milliards de personnes qui vivent dans les zones de transmission de la dengue, du zika et du chikungunya". Car la méthode a déjà prouvé son efficacité sur toutes les arboviroses, dont l'ensemble des sérotypes de la dengue. 

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