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    Société
  • Magdalena PACIOREK / AFP | Crée le 14.01.2024 à 14h00 | Mis à jour le 14.01.2024 à 14h00
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    En tant que survivante d’une tentative de viol en Pologne, l’Ukrainienne Nastya Podorozhnya sait à quel point la lutte d’une femme vivant dans un pays étranger peut être solitaire. Photo Bartosz SIEDLIK / AFP
    Victime d’une tentative de viol en Pologne, où elle était venue étudier il y a dix ans, Nastya Podorojnya vient aujourd’hui en aide aux réfugiées, via sa ligne d’assistance baptisée Martynka, notamment lorsque ces femmes en détresse sont confrontées à une grossesse non voulue.

    Elle-même se décrit sur le réseau social Instagram comme la "fée ukrainienne de l’avortement en Pologne", pays où l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est quasiment interdite. Arrivée en Pologne en 2014, Nastya Podorojnya fut victime d’une agression sexuelle et dut, face à un tribunal, répondre à une série de questions détaillées, certaines portant même sur ses notes d’écolière… "J’ai découvert à quel point il était difficile pour une immigrée de parler de son vécu dans une langue étrangère", déclare la jeune Ukrainienne de 26 ans.

    Début 2022, lorsque la Russie lance son offensive sur son pays, Nastya décide de lancer un canal sur le réseau Telegram pour soutenir les femmes fuyant la guerre. Baptisée "Martynka", le prénom de sa nièce, cette ligne d’assistance propose son aide pour des traductions, les démarches pour obtenir le droit de séjour en Pologne ou pour un soutien psychologique. "Martynka est ton amie en Pologne. Si tu n’as personne ici, Martynka est toujours là", résume Nastya.

    Une loi très restrictive

    La Pologne a accueilli environ 1,2 million de réfugiés ukrainiens, principalement des femmes, selon les statistiques locales. Pays de tradition catholique, il disposait déjà de l’une des lois les plus restrictives d’Europe en matière d’avortement lorsque la Cour constitutionnelle s’est rangée l’an passé du côté du gouvernement populiste-nationaliste en déclarant les interruptions de grossesse pour malformation fœtale "inconstitutionnelles".

    Les médecins ne peuvent interrompre une grossesse qu’en cas de viol ou d’inceste, ou lorsque la vie ou la santé de la mère est en jeu, contrairement à l’Ukraine où l’IVG est autorisée jusqu’à la 12e semaine de grossesse.

    Pour de nombreuses femmes fuyant la guerre, cette loi est une souffrance qui vient s’ajouter aux autres. "Très souvent, elles se disent stupéfaites, choquées, elles ont du mal à y croire […] Elles n’ont pas l’habitude de voir leurs droits en matière de procréation restreints", raconte Niko Doroshenko, activiste de Martynka.

    "Leur cauchemar continue"

    La jeune personne de 26 ans explique avoir aussi reçu des appels de la part de victimes de crimes de guerre.

    "Certaines femmes ont fui les territoires annexés et racontent diverses histoires derrière leurs grossesses. Elles pensent arriver dans un pays sûr, qu’elles ont fui le cauchemar, mais leur cauchemar continue", poursuit Niko.

    A ces femmes en détresse, Martynka offre une assistance, dans les limites de la loi.

    "Nous ne participons pas aux avortements. Nous fournissons l’information sur les avortements légaux et sûrs, ou nous mettons les femmes en contact avec des organisations qui aident à pratiquer ce genre d’avortements."

    "Informer n’est pas illégal en Pologne" et c’est souvent l’information qui est la plus précieuse, souligne Nastya Podorojnya, qui assure que Martynka est "la première organisation ukrainienne à diffuser des informations sur l’avortement sans risques en Pologne".

    Son chatbot (programme de messagerie électronique) est actuellement géré par sept activistes, dont certains basés à Berlin et à Kiev. Depuis mars 2022, ils ont répondu à plus de mille appels.

    "La police pourrait venir…"

    Mais les appels ne concernent pas seulement l’avortement, les femmes souffrant de traumatismes de guerre ou victimes de trafic d’êtres humains étant nombreuses à se confier.

    Il arrive qu'"une réfugiée entame une relation avec un homme, en tombe amoureuse et emménage avec lui. Puis, la drogue entre en jeu, et l’homme force sa victime intoxiquée à avoir des rapports sexuels avec d’autres hommes", explique Nastya.

    Il y a aussi les victimes de violences domestiques, précise-t-elle, citant le cas récent d’une jeune Ukrainienne en grossesse avancée qui avait subi "d’horribles violences", raconte-t-elle pudiquement.

    La jeune femme n’était pas considérée comme réfugiée car elle n’était pas venue en Pologne directement d’Ukraine, condition pour bénéficier du droit aux soins de santé gratuits.

    Avec l’aide d’avocats, Martynka lui a permis de retraverser la frontière pour remplir les conditions requises. Elle a accouché depuis.

    "Martynka est surtout associée à l’aide à l’avortement […] mais nous sommes pour le choix libre et nous soutenons les mères de tout cœur", assure Nastya.

    En Pologne, les organisations pro-choix ont une vie difficile. En mars, une militante a été reconnue coupable d’avoir fourni des pilules abortives à une femme enceinte et condamnée à des travaux d’intérêt général.

    "Nous savons ce qui lui est arrivé", reconnaît Nastya. "Et parfois, quand je ferme la porte, je pense qu’un jour la police pourrait venir frapper…"

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