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  • Charlie Réné / Radio 1 Tahiti | Crée le 12.03.2024 à 07h26 | Mis à jour le 12.03.2024 à 07h26
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    Le débat sur les restes humains est international : les musées belges (photo) ont lancé l’année dernière un grand inventaire pour parvenir à des restitutions. Photo RTBF
    Combien de crânes et d’ossements prélevés en Polynésie dorment aujourd’hui dans les caves des musées français ? C’est la question que se pose la vice-présidente Eliane Tevahitua, qui a beaucoup parlé, lors de son déplacement en Métropole, de l’inventaire et de la restitution de ces restes humains, parfois déplacés pour fournir les " cabinets de curiosité ". Le Pays souhaite pouvoir les inhumer sur leur île d’origine. Une démarche à laquelle Paris est sensible : une loi a été votée en fin d’année dernière pour favoriser le retour de ces restes… mais seulement vers les États étrangers. Un rapport a été commandé pour étendre la procédure aux collectivités ultramarines demandeuses, dont la Polynésie, mais aussi la Nouvelle-Calédonie et la Guyane. Le point avec notre partenaire Radio 1 Tahiti.

    En décembre dernier, les parlementaires français adoptaient une loi sur la restitution des restes humains étrangers conservés par des établissements français. L’aboutissement d’une longue réflexion sur un sujet très sensible historiquement et culturellement. Beaucoup d’ossements, de corps ou de morceaux de corps ont été collectés, lors de fouilles archéologiques, mais aussi, parfois, dans des conditions beaucoup moins dignes, par des scientifiques, explorateurs ou collectionneurs européens. Des collectes qui ont eu lieu principalement au XIXe siècle et dans la première partie du XXe, dans différentes régions du monde, notamment celles qui ont été colonisées.

    Une partie de ces restes a fini dans les stocks des musées, universités, services d’archéologie ou monuments nationaux, rarement sortis des placards, et juridiquement intégrés à des collections publiques, qui sont, par principe " inaliénables ". La nouvelle loi vient poser une dérogation générale à ce principe, et simplifier les démarches pour restituer les corps ou les ossements à leur territoire d’origine à des fins funéraires (et non pas à des fins d’exposition). Une démarche louable, qui devrait être complétée, en 2024, par une loi sur le retour des œuvres acquises pendant la colonisation. Mais les facilités de retour ne concernent pour l’instant que les États étrangers.

    Un rapport sur le devenir des restes ultramarins d’ici un an

    Plusieurs territoires ultramarins veulent pourtant profiter de cet élan pour obtenir, eux aussi, des restitutions. C’est le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane, mais aussi de la Polynésie, dont la vice-présidente s’est entretenue ces derniers jours, avec la ministre de la Culture Rachida Dati, le conseiller outre-mer de l’Élysée François Guillotou de Kérever, ou encore des représentants du Quai d’Orsay. " C’est un mouvement international, vous avez pu le voir dans la presse étrangère, il y a cette volonté de restitution des restes humains dans le monde entier, explique Eliane Tevahitua. Nous réclamons aussi les nôtres. Qu’ils reviennent dans leur pays ou dans leur île ".

    La vice-présidente, lors d’un bilan sur son déplacement métropolitain vendredi matin (samedi en Calédonie), a indiqué que ces rencontres avaient été " fructueuses ". Les représentants de l’État, explique-t-elle, " se montrent prêts à avancer concrètement " sur ce dossier. Les parlementaires aussi : lors du débat sur la loi de décembre, un article a été inséré par les sénateurs prévoyant un rapport d’ici un an qui sera adressé par le gouvernement central aux élus pour la création d’une procédure de restitution applicable aux outre-mer.

    Des crânes polynésiens dans les " cabinets de curiosité " ?

    Quels restes pourraient être restitués ? Difficile à dire à ce stade. La Guyane s’intéresse particulièrement au corps de Kalinas – une ethnie amérindienne – dont des membres, hommes, femmes et enfants avaient été envoyés vers Paris et son Jardin d’acclimatation, pour être exposés dans un des " zoos humains " si prisés à la fin du XIXe siècle. La Nouvelle-Calédonie a déjà obtenu, par le passé, le retour des têtes du grand chef Ataï et celle de son sorcier, conservées dans l’Hexagone depuis 1878, quand le leader kanak avait été tué dans le cadre de la répression de la révolte de 1878. Ce retour historique, en 2014, avait été facilité par le fait que les crânes se trouvaient dans une collection privée, celle de la Société d’anthropologie de Paris. Mais d’autres restes conservés dans des fonds publics pourraient intéresser le Caillou. Quant au fenua, tout reste à faire.

    En 2015, une dizaine de crânes polynésiens avaient bien fait le voyage depuis l’Europe vers leur terre d’origine. Mais c’était une institution suédoise qui était à la manœuvre, pour restituer des ossements récoltés en 1884 par un archéologue scandinave. L’association Te Tupuna, Te Tura s’était chargée, à l’époque, de l’accueil de ces restes, et de leur inhumation aux Marquises. Ces cas d’ossements issus de fouilles sont probablement nombreux – le Muséum national d’histoire naturelle de Paris compte à lui seul 1 200 fragments humains originaires des outre-mer – mais la vice-présidente Éliane Tevahitua parle plus largement de crânes et ossements prélevés dans des " grottes " et autres sépultures ouvertes. " Si vous retournez cent ans auparavant, il était de coutume d’avoir, dans toutes les belles chaumières (sic) en Europe, un cabinet de curiosité ou figurait le crâne de quelques indigènes ", reprend-elle.

    Dans les musées français… mais pas seulement

    À entendre la responsable, " tous les musées de France " ont dans leurs stocks de tels " objets ". Lors d’une rencontre sur ce sujet organisée à la vice-présidence en janvier, en présence de la député Mereana Reid-Arbelot et du responsable de l’association Te Tupuna Te Tura, étaient aussi évoqués des squelettes entiers et des échantillons de cheveux polynésiens, toujours conservés " en héritage du passé colonial ".

    À Paris, la ministre la Culture Rachida Dati a confirmé qu’elle avait mobilisé ses services sur l’adaptation du dispositif de restitution internationale aux territoires d’outre-mer. Le conseiller d’Emmanuel Macron François Guillotou de Kérever a assuré du soutien de l’Elysée à cette démarche, en interpellant tout de même sur la vigilance de l’État à la " destination finale de ces biens ", " de façon qu’ils soient pris en charge avec le soin et le respect qui leur sont dus ". " Des restitutions récentes n’ont malheureusement pas été traitées avec toute la dignité qui s’imposait ", a-t-il précisé sans détail sur ces errements. Quant au ministère des Affaires étrangères, il a été sollicité pour accompagner la Polynésie dans des démarches similaires auprès d’autres États. Des restes polynésiens ont par exemple été identifiés à Hawaï et plus particulièrement au Bishop Museum. Là encore, la loi rend difficile la restitution de ces fragments issus de fouilles archéologiques menées voilà plus d’un siècle au fenua. Et là encore le débat est en cours : aux États-Unis, les musées sont depuis l’année dernière tenus d’obtenir des consentements d’ayant-droit, amérindiens notamment, pour exposer des pièces liées au sacré ou aux rites funéraires.

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