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    Politique
  • Eleonore DERMY  / AFP | Crée le 10.02.2024 à 11h28 | Mis à jour le 10.02.2024 à 11h29
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    Le 16 juillet 1992, lors du 50e anniversaire de la rafle du Vel D’Hiv à Paris, le président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, très en colère, s’adresse aux personnes qui ont chahuté le président François Mitterrand. Photo GERARD FOUET / AFP
    Un hommage national sera rendu à l’ancien ministre de la Justice et avocat Robert Badinter, père de l’abolition de la peine de mort en France en 1981, décédé dans la nuit de jeudi à vendredi à l’âge de 95 ans.

    La disparition de Robert Badinter, qui a aussi présidé le Conseil constitutionnel, annoncée à l’AFP par sa collaboratrice Aude Napoli, a suscité de nombreux hommages.

    Saluant sur X "une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français", Emmanuel Macron a annoncé, en marge d’un déplacement à Bordeaux, qu’un "hommage national" lui serait rendu. "Il aura consacré chaque seconde de sa vie à se battre pour ce qui était juste, à se battre pour les libertés fondamentales. L’abolition de la peine de mort sera à jamais son legs pour la France", a de son côté écrit sur X le Premier ministre Gabriel Attal.

    Son lointain successeur, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, ancien avocat, a évoqué un "garde des Sceaux visionnaire" qui "laisse un vide à la hauteur de son héritage : incommensurable".

    A son initiative, il a ouvert la nuit dernière, jusqu’à dimanche, les portes de la Chancellerie aux anonymes qui souhaitaient rendre hommage à Robert Badinter en leur ouvrant un recueil de condoléances.

    "C’est grâce à lui que la justice ne tue plus en France", a rappelé l’une de ces visiteurs du soir, Axelle Tessandier, autrice. "C’est un repère, une de ces figures rares qui, comme Simone Veil, ont marqué l’histoire du siècle".

    La peine de mort, le combat d’une vie

    Ministre de la Justice du président socialiste François Mitterrand (1981-1986), Robert Badinter porta la loi du 9 octobre 1981 qui abolit la peine de mort dans une France alors majoritairement en faveur de ce châtiment suprême. Il s’investit par la suite, jusqu’à son "dernier souffle de vie", pour l’abolition universelle de la peine capitale.

    Il naît à Paris le 30 mars 1928 dans une famille juive émigrée de Bessarabie (l’actuelle Moldavie). Son père, arrêté sous ses yeux pendant la Seconde Guerre mondiale à Lyon, meurt en déportation en Pologne. Après des études de lettres et de droit et un diplôme de l’université Columbia, il devient avocat au barreau de Paris et mène parallèlement une carrière d’enseignant universitaire.

    Cofondateur avec Jean-Denis Bredin d’un prestigieux cabinet d’avocats, il défend des personnalités, des grands noms de la presse ou de l’entreprise, et plaide occasionnellement aux assises.

    Son combat contre la peine de mort trouve son origine au matin du 28 novembre 1972 : un de ses clients, Roger Bontems, complice d’une prise d’otages meurtrière, vient d’être guillotiné.

    "Je me suis juré, en quittant la cour de la Santé ce matin-là à l’aube, que toute ma vie je combattrais la peine de mort", avait-il déclaré à l’AFP en 2021.

    "Juste entre les justes"

    En 1977, il évite la peine capitale au meurtrier d’enfant Patrick Henry, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Après cela, cinq autres hommes échappent grâce à lui à l’échafaud. Ce qui lui vaudra d’être détesté pendant longtemps, pour son supposé laxisme à l’égard des criminels.

    Cet homme à la fine silhouette et aux épais sourcils noirs était marié depuis 1966 à la philosophe Elisabeth Badinter, née Bleustein-Blanchet, avec qui il a eu trois enfants.

    En août 1982, il fait voter la dépénalisation de l' homosexualité. A son actif aussi, la suppression des quartiers de haute sécurité, l’accès des justiciables français à la Cour européenne des droits de l’homme ou une loi sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.

    Après son départ du gouvernement, il a présidé pendant neuf ans le Conseil constitutionnel (1986-1995). Sénateur socialiste de 1995 à 2011, il a la satisfaction de voir l’abolition de la peine de mort inscrite dans la Constitution en 2007. Toujours très actif, il planche sur une réforme de l’ONU dans les années 2000 et sur la réforme du code du travail pendant le quinquennat de François Hollande.

    Le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius lui a rendu hommage en évoquant auprès de l’AFP "un juste entre les justes", qui a fait "progresser le droit et l’humanisme".

    Un être "lumineux"

    Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a pour sa part salué la "force de conviction sans pareille" d’un être "tout simplement lumineux". L’ancien président socialiste François Hollande a lui salué le "message" de "dignité humaine" de Robert Badinter.

    Marine Le Pen a de son côté évoqué "une figure marquante du paysage intellectuel et juridique", tout en rappelant qu'"on pouvait ne pas partager tous les combats" de l’ancien garde des Sceaux.

    De nombreux avocats, jeunes et plus âgés, ont dit avoir été inspirés par lui. "J’ai beaucoup lu pour préparer ma plaidoirie, et ses livres L’exécution et L’abolition en ont fait partie", a rappelé Me Olivia Ronen, qui a défendu le jihadiste Salah Abdeslam lors du procès historique des attentats du 13 novembre 2015. "Ça m’a nourrie".

    Robert Badinter est mort le jour anniversaire de la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon, le 9 février 1943, au cours de laquelle son père avait été arrêté.

    "Cette histoire singulière a fait de lui un grand homme, un mensch (un homme de bien, NDLR), lui qui a dédié sa vie pour celle de tous les autres, pour les droits de l’homme et les libertés", a affirmé le grand rabbin de France Haïm Korsia.

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