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  • Marie DHUMIERES et Alain JEAN-ROBERT  / AFP | Crée le 16.11.2023 à 08h32 | Mis à jour le 16.11.2023 à 08h35
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    Le procès du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a débuté le lundi 6 novembre. Après les réquisitions du procureur général, place désormais à la défense. Photo DR
    L’accusation a requis mercredi une peine "juste et significative" d’un an de prison avec sursis contre Éric Dupond-Moretti, "coupable" de prise illégale d’intérêt, de "façon nette et tranchée". La défense du ministre de la Justice plaidera jeudi matin.

    "Votre décision est importante et attendue", a dit aux juges de la Cour de Justice de la République (CJR) le procureur général de la Cour de cassation Rémy Heitz, qui porte l’accusation au procès.

    "Ce n’est pas n’importe quel ministre prévenu devant vous, c’est le gardien du droit, qui doit veiller plus que tout autre au respect des standards éthiques" et "de l’indépendance de la justice", a-t-il continué, notant que le conflit d’intérêts reproché au ministre "sautait aux yeux", malgré le "déni persistant".

    "Je ne vous demande pas de faire un exemple, je vous demande d’appliquer la loi", a déclaré le haut magistrat. "Votre décision rappellera solennellement la frontière entre ce qui est admis et ce qui ne l’est pas".

    "Cela ne fait plaisir à personne"

    Rémy Heitz n’a pas fait mention d’une éventuelle peine complémentaire d’interdiction d’exercer une fonction publique. Sur la peine complémentaire d’inéligibilité, normalement "obligatoire" en cas de condamnation, il s’en est remis "à la sagesse" de la cour, en précisant qu’elle pouvait l’en dispenser.

    Il avait commencé par s’attarder sur le caractère exceptionnel de ce procès : "jamais, en prêtant mon serment de magistrat il y a plus de 35 ans, je n’aurais imaginé devoir un jour tenir le siège du ministère public dans un procès mettant en cause le garde des Sceaux".

    "Cela ne fait plaisir à personne", a assuré le haut magistrat, qui a demandé, exceptionnellement, à pouvoir "tourner le dos" à la défense en requérant à la barre plutôt que depuis sa place, d’où il ne "voit pas" une partie des juges – trois magistrats professionnels et douze parlementaires.

    Face à eux, d’un ton sobre mais en ponctuant ses propos de coups de stylo dans l’air, Rémy Heitz assure d’emblée que cette procédure n’est pas le résultat d’une "vengeance" de magistrats qui n’auraient jamais accepté la nomination surprise en juillet 2020 de l’ex avocat-vedette, notoirement peu tendre avec la magistrature.

    Assis à sa table dans le prétoire, Éric Dupond-Moretti prend quelques notes, croise les bras en regardant les dorures au plafond, jette parfois un regard noir à l’accusation… mais, pour une fois, ne laisse échapper ni commentaire ni soupir bruyant.

    "Méthodes de barbouze"

    Le garde des Sceaux est soupçonné d’avoir usé de ses fonctions pour régler des comptes avec des magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat.

    La première affaire concerne trois magistrats du Parquet national financier (PNF) qui avaient fait éplucher les factures téléphoniques d’Eric Dupond-Moretti quand il était avocat dans le dossier de corruption dit "Bismuth", lié à l’ancien président Nicolas Sarkozy – des "méthodes de barbouze", avait-il dénoncé.

    La seconde affaire concerne un ancien juge d’instruction, auquel il avait imputé des méthodes de "cow-boy" et contre qui il avait porté plainte au nom d’un client pour violation du secret de l’instruction.

    Dans les deux cas, l’avocat devenu ministre avait ouvert une enquête administrative contre ces magistrats.

    Il y avait "un aiguillage à actionner" mais malgré les "clignotants orange, rouge", le ministre et son entourage sont restés dans "un déni permanent". Et "le train est parti dans la mauvaise direction", accuse Rémy Heitz. A sa décharge, Éric Dupond-Moretti, à l’époque novice en politique, a été "clairement" mal "conseillé" et mal "protégé", a-t-il souligné.

    Le ministre "n’a pas écouté les alertes qui lui étaient adressées, il a franchi un pas qu’il n’aurait jamais dû franchir, à deux reprises", dit Rémy Heitz.

    "Parce que c’était vous"

    Quant à savoir ce qu’aurait fait un autre ministre à sa place… "Il n’est pas n’importe quel autre ministre", martèle Rémy Heitz.

    Avant de paraphraser Montaigne : "Il y a délit parce que c’était vous, M. le ministre, et parce que c’était eux", ces quatre magistrats.

    "On est venu nous expliquer, et c’était attendrissant, que le ministre était incapable de tout ressentiment", rappelle-t-il encore. "Permettez-nous d’en douter concernant les magistrats du PNF", grince Rémy Heitz, qui demande à la cour de prendre en compte "l’atteinte réputationnelle" au PNF de cette affaire, qui était intervenue deux mois avant l’ouverture du procès de Nicolas Sarkozy pour l’affaire Bismuth, en novembre 2020.

    A l’audience, rappelle l’accusation, Éric Dupond-Moretti s’était décrit comme "enfermé dans une nasse".

    "Force est de constater que vous avez construit vous-même cette nasse", lui répond le haut magistrat.

    La défense d’Eric Dupond-Moretti plaidera jeudi matin.

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