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    Grand Nouméa
  • Anthony Tejero | Crée le 08.05.2025 à 12h10 | Mis à jour le 12.05.2025 à 10h35
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    Eddie Lecourieux, maire du Mont-Dore depuis 2019, a déposé officiellement sa lettre de démission ; ce jeudi matin, lors de la cérémonie du 8-Mai. Photo Anthony Tejero
    L’émotion était palpable sous la case des communautés de Boulari. Le maire du Mont-Dore, Eddie Lecourieux, a officiellement annoncé sa démission ce jeudi matin, lors de la cérémonie du 8-Mai. Une décision "difficile" à prendre pour cet élu "rongé" par une maladie neurodégénérative depuis de très longues années. Au terme d’un mandat de six ans "extraordinaire" marqué par le "pire" et le "meilleur", le premier magistrat entend passer le relais à Élizabeth Rivière. Entretien.

    Le bruit courait depuis quelques semaines. Vous avez officiellement annoncé ce jeudi matin votre démission…

    C’est un pincement au cœur de dire au revoir à la ville du Mont-Dore, mais je pars avec le sentiment du devoir accompli. Je pense réellement avoir fait tout ce que je pouvais, jour et nuit, samedis et dimanches compris. Chaque jour a apporté son lot de difficultés et de joie et c’est pour ça que j’ai autant de mal à partir. J’avais lancé l’idée il y a un an, après le décès de mon collaborateur José Blum, dont j’avais trouvé la mort injuste et rapide. Sauf qu’est arrivé le 13 mai, au moment où je pensais déjà avoir tout vu.

    Je suis né en 1962 et j’ai connu les événements de 88. Quand il y a eu les accords de Matignon puis de Nouméa, on a retroussé les manches, grâce aux hommes politiques qui étaient là et il y a eu une dynamique. J’ai eu une fierté, c’est d’avoir adhéré au RPCR. À l’époque, il y avait deux partis, le RPCR et le FLNKS, et j’ai eu la chance de conserver les valeurs véhiculées par le RCPR de partage, d’aller vers l’autre, et qui sont parfois aujourd’hui, oubliées par certains, qui vont là où la vie peut leur rapporter. C’est devenu un mode de vie, on cherche à avoir le plus de likes possibles.

    Moi j’ai eu cette chance de rencontrer des personnes extraordinaires, et de rester dans cette ligne de conduite avant-gardiste d’aller vers l’autre et d’être progressiste, et c’est aussi pour ça que je tiens à saluer le travail qui est fait à Bourail avec le ministre des Outre-mer.

    Lors de votre discours, vous avez évoqué publiquement être malade. Est-ce la raison principale de votre départ ?

    Oui. Je suis malade depuis très longtemps, et aujourd’hui les effets de la maladie me handicapent. Je le vois. Quand je viens au travail le matin, je ne suis pas le même. Je pense qu’on a tous un peu d’orgueil et je ne veux pas être un homme diminué. Le Mont-Dore est une commune extraordinaire qui demande d’être là à 100 % et je sais qu’aujourd’hui je ne le suis plus.

    J’ai déjà été diminué il y a trois ans quand j’ai fait un double infarctus qui a laissé des traces. Par ailleurs, je souffre d’une maladie neurodégénérative avec des douleurs, et des difficultés à marcher. Je devrais avoir une canne, parce que je ne tiens pas sur mes pattes, mais jusqu’à ce que je parte de la mairie, vous ne me verrez pas avec une canne.

    Tout ce que j’ai voulu, c’est que ça ne se voit pas. Je suis tombé malade en 1994, donc la moitié de ma vie, j’ai été handicapé par une maladie qui m’a rongé tout doucement. Puis les traitements que j’ai pris ont commencé à me handicaper. J’en parle en toute simplicité, parce que ce n’est pas tabou la maladie.

    Vous souhaitez qu’Élizabeth Rivière, notamment connue pour être à la tête de la CMA (Chambre des métiers et de l’artisanat), prenne le relais, du moins si elle est élue lors du prochain conseil municipal qui se tiendra le 21 mai. Pourquoi ce choix ?

    Plusieurs personnes auraient pu candidater à ce poste, moi ce qui m’a plu chez Élizabeth, c’est d’abord sa détermination. C’est une femme engagée et qui veut avancer, mais qui a aussi des qualités humaines, et ce sont des valeurs dans lesquelles je retrouve l’esprit du RPCR. Ensuite, elle a la connaissance du terrain. C’est vrai qu’on pourrait se poser la question, pourquoi n’ai-je pas fini le mandat ? D’abord parce que je pense que je n’aurais pas pu, et car je ne me serais pas représenté. J’attends d’Élizabeth qu’elle poursuive cette œuvre humanitaire en tant que maire. Surtout, en tant que président de la chambre des métiers, son expertise serait intéressante pour relancer l’emploi et faire en sorte qu’on arrive à trouver une meilleure qualité de vie pour les gens qui, aujourd’hui, sont dans une situation très précaire.


    La présidente de la CMA Élizabeth Rivière est pressentie pour devenir la future maire du Mont-Dore, du moins si elle est élue par le conseil municipal, le 21 mai prochain. Photo Anthony Tejero

    Justement la commune n’a pas été épargnée par les émeutes. Aujourd’hui quelles sont les principales difficultés ou les priorités, selon vous, à mettre en œuvre jusqu’à la fin de cette mandature ?

    J’ai eu la chance d’avoir une équipe et des agents remarquables, on l’a vu pendant les événements. Ce qui est déjà un avantage.

    Le Mont-Dore est une commune particulière, avec des habitants qui ont des gros cœurs, mais où le pire et le meilleur se côtoient.

    Nous en avons déjà parlé ensemble, Élizabeth aura comme priorité de travailler sur l’axe Boulari-Mont-Dore, la route du Sud de contournement. Et puis c’est une championne sportive qui a beaucoup œuvré partout. Elle est notamment très proche des tribus.. Aujourd’hui, j’ai une candidate dans l’opposition qui fait tout pour (nous) casser, notamment au sujet de Saint-Louis. Mais en Calédonie, on ne peut pas parler comme ça. Je m’insurge contre ce fait qui frise le racisme. La ville doit donc retrouver des gens comme Élizabeth qui sont capables de maintenir ce lien, sans oublier la grande majorité des Mondoriennes et des Mondoriens de toutes les communautés.

    Le Mont-Dore est une commune particulière, avec des habitants qui ont des gros cœurs, mais où le pire et le meilleur se côtoient. Je pense que si on n’avait pas eu ces problèmes peut-être de Saint-Louis, on n’aurait pas été capable d’avoir tout cet humanisme et tout ce travail en commun. Il ne faut pas rompre cet équilibre. Néanmoins, il faut poursuivre les efforts dans la sécurité. Des moyens vont d’ailleurs encore être mis chez les pompiers pour qu’on ait une commune sereine.

    Un an après l’embrasement de la commune notamment au niveau de Saint-Louis et à l’approche du 13 mai, quelle est la situation sécuritaire ?

    Aujourd’hui, grâce aux forces de l’ordre, la situation est calme au Mont-Dore. Il y a encore quelques vols, mais qui ont considérablement réduit par une présence massive des forces de l’ordre.

    Saint-Louis se vide parce qu’il ne fait pas bon y vivre pour les gens de la tribu.

    En ce qui concerne Saint-Louis, on a eu la semaine dernière un caillou qui a volé et alors on ne parle plus que ça et pas forcément de ce qu’il se passe ailleurs car Saint-Louis, ça fait toujours réagir.

    Mais il faut savoir que Saint-Louis se vide parce qu’il ne fait pas bon y vivre pour les gens de la tribu. L’église a brûlé, les vieux sont en train de partir, et les jeunes, dès qu’ils trouvent une nana, un gars ou un logement, ils vont faire leur vie ailleurs. Ce sont eux les premiers qui souffrent et je serais curieux de savoir combien de personnes y restent encore. Mais si on veut que Saint-Louis avance, il faut continuer le travail avec poigne. Le procureur de la République aujourd’hui fait un travail de fond, intéressant, qui va au bout des choses.

    Et sur ce dossier, je pense que Louis Le Franc a été sous-évalué. C’était un bon haut-commissaire qui a fait preuve de sang-froid. Il aurait pu aller plus loin, mais il n’a pas pu le faire aussi, parce que toutes les forces ne lui appartiennent pas.


    Les policiers municipaux étaient présents à la cérémonie du 8-Mai, à Boulari. Photo Anthony Tejero

    Vous avez évoqué dans votre discours, six ans " incroyables " en tant que maire. Comment résumeriez-vous ce mandat ?

    J’ai parlé du pire et du meilleur. Personnellement, le pire, c’est, alors que je n’étais maire que depuis quelques semaines, l’accident survenu sur le parking en face au collège de Boulari. On a perdu un gamin qui s’est fait écraser par un car et je pense que ça restera gravé à vie dans ma tête.

    Le meilleur, c’est pendant les événements, quand j’ai eu à courir dans les quartiers pour apporter des victuailles, et que dans une maison de retraite, j’ai réussi à trouver un produit pour une dame qui était en train de mourir d’un cancer. Quand je lui ai apporté, elle m’a regardé avec des yeux comme jamais on ne m’avait regardé. Ça restera aussi marqué dans ma vie.

    Bien évidemment, il y a aussi les nuits passées à la mairie pour les cyclones, les émeutes. Les appels et SMS pour les incendies y compris sur la mairie, etc. Mais en contrepartie, il y a toujours eu des bonnes âmes pour apporter leur soutien et leurs marques d’amitié. Alors que sur les réseaux sociaux, on a des pouces en bas plutôt que des pouces en haut parce qu’on est trop comme ci ou pas assez comme ça. Mais en tous les cas, j’ai essayé de faire mon travail au mieux.


    La démission d’Eddie Lecourieux a été annoncée sous la case des communautés, reconstruite après avoir été incendiée lors des émeutes. Les coutumiers de la ville lui ont d’ailleurs rendu hommage. Photo Anthony Tejero

    Alors que les collectivités sont plongées dans de graves difficultés financières, quel est votre bilan sur le plan des infrastructures ?

    Quand Éric Gay est parti, le budget était de 7 milliards de francs. Aujourd’hui, mon budget est de 5 milliards. C’était donc compliqué de faire des nouvelles réalisations, mais on a quand même terminé la gendarmerie et là, on commence la caserne de pompiers. Mais en termes de bâtiments, mon bilan n’a pas trop d’importance parce que les installations étaient déjà faites par mon prédécesseur. Moi j’ai essayé de reconstruire des équipes et de conforter une dynamique humaine.

    On a également travaillé énormément sur l’usine du Sud qui n’a été que des problèmes. C’est colossal le temps qu’on a passé sur le dossier nickel, y compris sur MKM, qui aujourd’hui est une mine florissante. On n’en parle pas souvent, mais le Mont-Dore est aussi une commune minière.

    Par ailleurs, nous avons un centre culturel extraordinaire, vivant, que tout le monde apprécie, mais qui a été altéré par la sécurité. Aujourd’hui, c’est compliqué de faire revivre tout ça. Ce que je retiens, c’est donc tout ce tissu humain qu’on a tenté de faire survivre dans des périodes difficiles. 

    Vous avez annoncé également ne plus siéger au conseil municipal. Votre carrière politique prend-elle fin aujourd’hui ou comptez-vous la poursuivre ?

    Lorsque mon intention de démissionner a commencé à se savoir, j’ai eu des appels notamment de Daniel Goa, d’un certain nombre de leaders indépendantistes et d’autres mouvements politiques avec lesquels je travaille depuis toujours. Ça m’a beaucoup touché parce que ça prouve que j’ai pu travailler avec tout le monde et je continuerai. Je suis au Rassemblement et je suis complètement fan de son président Alcide Ponga. Je voudrais l’accompagner mais je ne sais pas encore comment pour l’instant.

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