Derrière son sourire calme et ses mains sûres de chef, Gaby cache une trajectoire rare, tissée d'océan, de mémoire et d'engagement. Né à Tahiti en 1974, son enfance se passe entre deux mondes : l'un à Raiatea et l'autre en Normandie, durant les vacances. "Ma grand-mère coupait les aromates aux ciseaux dans un bol, avec du vinaigre de vieux vin. Elle cuisinait le jardin." À Tahiti, son autre grand-mère lui fait découvrir les beignets d'alevins et les frites de uru. Deux cuisines, deux racines, une seule boussole : nourrir. Très tôt, Gaby est initié aux gestes simples mais essentiels. À huit ans, il cuisine déjà pour sa mère et ses sœurs. " Ma maman ne faisait pas la cuisine. Alors je m'y suis mis. C'était naturel. "

Une carrière fulgurante

Les études s'enchaînent : sport études en judo, puis la fac en sciences économiques. Mais la cuisine l'accompagne partout. Son père, fin gourmet et amateur de bonnes tables, lui trouvent des stages dans de grandes maisons parisiennes. Une passion dévorante s'impose alors. " Un jour, j'ai quitté la fac, je me suis dit : stop. J'ai su que c'était fini. Je devais cuisiner. "

Formé auprès de William Ledeuil et Guy Savoy, il mène une carrière fulgurante, passant de restaurants étoilés à chef privé sur des yachts de milliardaires, cuisinant pour Nathan Myhrvold ou Roman Abramovich. "J'ai traversé la planète par la cuisine. J'ai appris qu'il fallait toujours partir de la personne, de ses besoins. Un jour, une milliardaire m'a demandé des pâtes au beurre. J'ai compris que ce qui compte, c'est de nourrir, pas d'impressionner."

L'engagement

En 2007, retour au pays. Il ouvre Le Petit Café à Nouméa, dans un esprit radicalement nouveau. Pas de carte figée, mais une ardoise changeante, dictée par le marché ou la pêche du jour. "Je voulais une cuisine vivante, locale, épurée." Son modèle managérial est tout aussi novateur : quatre jours pleins de travail, trois jours de repos. Pour "préserver l'envie de cuisiner".

Mais Gaby ne s'arrête pas là. Dès 2014, il s'engage. Dans les cantines, il aide les chefs à retrouver le sens du mot "nourrir". Avec Pacific Food Lab, il imagine des systèmes alimentaires durables. Avec son émission Uma Kitchen, diffusée sur Caledonia, il démocratise ses "recettes bénéfiques" : simples, locales, bonnes pour le corps et la planète. "Uma, c'est la cuisine de la case. Celle du quotidien. Celle qui fait du bien." Il sillonne la Calédonie, rencontre les femmes kanak, javanaises, wallisiennes, partage leur savoir-faire. Une approche qu'il revendique "féminine", au sens nourricier. "La mère part de toi, elle veut te faire plaisir, te faire du bien. Le chef cuisinier, lui, veut souvent se montrer. Moi, j'ai appris à revenir à l'essentiel. À écouter, à transmettre."

Aujourd'hui, il poursuit sa mission dans son propre espace, une cuisine ouverte où il forme, partage, crée. Il écrit, aussi, et rêve d'un livre sur le "manger au féminin" : une approche de la cuisine où l'écoute, l'intention et la générosité priment. "Le monde a besoin de cuisiniers qui cuisinent avec le cœur. Et qui partent des gens. Pas de leur ego." Il garde les pieds dans la terre et les mains dans la pâte. Parce que nourrir, pour lui, reste un acte fondamental. Un acte politique. Un acte d'amour, de transmission et de partage.