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  • Patricia Calonne - L Calédonie | Crée le 24.08.2025 à 06h00 | Mis à jour le 24.08.2025 à 06h00
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    Devenir mère est une expérience unique, intense et profondément transformatrice. Bien au-delà des changements physiques et des ajustements du quotidien, la maternité bouleverse en profondeur l'identité féminine. Un article de notre partenaire le magazine L Calédonie, paru en mai 2025.

    La maternité ne se limite pas à la naissance d'un enfant ; elle implique aussi la naissance d'une nouvelle identité. Ce processus est souvent décrit comme une véritable "métamorphose psychique", un passage d'un état à un autre. Dès la grossesse, la femme est confrontée à des changements physiques et hormonaux majeurs qui influencent directement son état émotionnel : les hormones de grossesse (progestérone, ocytocine) modifient l'humeur, la sensibilité et la perception du monde. Le corps en transformation devient le symbole d'une nouvelle fonction : celle de donner la vie. La projection de soi dans le rôle de mère crée une nouvelle manière de se percevoir, entre excitation et angoisse.


    Ce passage du statut de femme à celui de mère provoque une forme de "rupture" psychique, qui oblige à redéfinir son identité personnelle. "Le passage de statut de femme à celui de maman, telle " la naissance d'une mère " (Stern, Bruschweiler-Stern, 1998) est une véritable crise identitaire, où l'on ne se reconnaît plus. On parle même de " matrescence ". Ce concept a été développé par l'anthropologue américaine Dana Raphaël en 1973, expose le psychologue Grégoire Thibouville. La matrescence est la contraction de " maternité " et d'" adolescence " pour mettre en avant la question des bouleversements psychiques, émotionnels et identitaires vécus par le fait de devenir mère. Cette étape de vie chez la femme, fragilisant ses assises narcissiques (c'est-à-dire ce qui assure la continuité du sujet et la permanence de son investissement de lui-même), commence dès les premiers fantasmes qui accompagneront la grossesse jusqu'aux premières interactions suite à la naissance du bébé."

    Une perte temporaire de repères

    Pendant les premiers mois de la maternité, de nombreuses femmes ressentent une perte d'identité : le corps n'est plus le même qu'avant la grossesse, et l'image de soi est souvent altérée. La vie quotidienne est rythmée par les besoins du bébé, ce qui crée une impression de disparition de soi derrière le rôle maternel. Ce sentiment de "flottement identitaire" est normal : il traduit le processus de réorganisation psychique qui accompagne la maternité. "Toutes les femmes ne vivent pas de la même manière la " matrescence", poursuit le psychologue. Chacune va avoir des réactions et des comportements aux multiples manifestations tant psychologiques que somatiques. Chacune va accueillir ses bouleversements avec plus ou moins de fragilité. Il est vrai que le manque de sommeil, la charge mentale inhérente à l'investissement du bébé avec les responsabilités que cela incombe, la jeune mère peut éprouver un sentiment de débordement voire de perte de contrôle. L'étayage et le soutien familial voire des proches est indispensable."

    Les bouleversements psychologiques de la maternité

    La maternité agit comme un véritable "séisme intérieur" qui met en lumière des émotions et des conflits parfois enfouis. L'arrivée d'un bébé déclenche une montée d'émotions intenses :
un sentiment d'amour inconditionnel, parfois immédiat, parfois plus progressif. Une hypersensibilité face au bien-être et à la sécurité de l'enfant. Une peur intense de mal faire ou de ne pas être à la hauteur. L'ocytocine (l'hormone de l'attachement) renforce le lien mère-enfant, mais peut aussi accentuer les inquiétudes et le besoin de protection. "L'arrivée de son premier enfant est un véritable " tsunami psychologique " pour les jeunes mamans : euphorie, anxiété, stress …, confirme Grégoire Thibouville. D'ailleurs, il ne faut pas systématiquement attribuer les variations émotionnelles aux seules hormones, même si ces dernières doivent être prises en compte. Pour la grande majorité des jeunes mères, c'est l'évènement le plus intense de leur vie. Elles sont en général très émotives et à " fleur de peau " les six premières semaines. Malgré une fatigue ordinaire après l'accouchement, le déséquilibre hormonal, telles des montagnes russes, affecte les émotions. Rappelons que les hormones qui ont contrôlé la grossesse sont remplacées par celles qui stimulent la production du lait et qui ramènent progressivement le corps de la mère à son état initial. "

    " La maternité n'efface pas la femme, elle la révèle sous une nouvelle lumière " 

    Il est donc préférable de se préparer à faire face aux premières semaines qui sont le plus souvent éprouvantes, fatigantes, angoissantes et, voire, parfois traumatisantes. " Notons que cette montée d'émotions est due à l'intensité du désir d'enfanter en espérant vivre des satisfactions dans cette maternité naissante car, en filigrane, les jeunes mamans espèrent qu'elles vont compenser leur perte de liberté et de satisfaction professionnelle ", développe le professionnel.

    Baby-blues et dépression

    Dans les jours suivant l'accouchement, près de 70 à 80 % des femmes ressentent un épisode de baby-blues : " On devrait plus parler du " blues de l'accouchée " que de " baby blues ", précise le psychologue. Plus la jeune maman est fatiguée, plus elle risque d'avoir des fragilités et d'éprouver des phases " down " avec des pleurs, des insomnies, de l'hypersensibilité et de l'irritabilité. " Mais pas de panique, le baby-blues est généralement passager et se dissipe en quelques jours.


    Quand les symptômes s'aggravent et perdurent, on parle de dépression post-partum. Environ 10 à 15 % des jeunes mères développent une dépression post-partum, une forme plus profonde et durable de mal-être. " Cette découverte majeure des années 1960 est allée à l'encontre du postulat selon lequel la femme devrait se montrer satisfaite et épanouie d'être maman. Dans les sociétés dites traditionnelles, on observe que cette étape complexe est prise en compte par la communauté des femmes en apportant un soutien actif à la jeune maman. Dans les sociétés hypermodernes, le progrès obstétrique a permis de réduire massivement la morbidité et la mortalité, tant maternelle qu'infantile. Du coup, les pratiques soignantes ont accordé moins de place aux aspects psychiques même si nous sommes témoins aujourd'hui d'une évolution sur ce sujet avec une reconnaissance des " dépressions périnatales ". Ces dernières regroupent l'ensemble de troubles de l'humeur durant la grossesse (prénatal) ou après l'accouchement (post-natal). "


    Les principaux symptômes de cette dépression sont une perte de confiance en soi, un sentiment d'incompétence maternelle, de découragement, des pleurs constants, une absence de plaisir dans la relation avec le bébé et un isolement social et culpabilité. " Dans ce cas-là, il faut briser le silence dû à la honte et la culpabilité de la jeune maman dans ses éprouvés douloureux. Il est donc indispensable de se faire aider et suivre par des professionnels de la santé : pédiatre, psychologue et pédopsychiatre ", conseille Grégoire Thibouville.

    Le rôle de mère : une nouvelle facette de la féminité

    Devenir mère ne signifie pas renoncer à son identité de femme, bien au contraire. La maternité permet d'explorer une nouvelle dimension de la féminité, à condition de parvenir à équilibrer les différents rôles (femme, mère, partenaire, professionnelle). Le rapport au corps change : après l'expérience de la grossesse et de l'accouchement, le corps est perçu différemment, parfois comme un lieu de vulnérabilité, mais aussi de puissance. La sexualité évolue : la fatigue, les transformations corporelles et le nouveau statut de mère peuvent temporairement affecter la libido, mais certaines femmes redécouvrent une nouvelle forme de sensualité. Et la maternité développe une nouvelle forme de confiance en soi, fondée sur la capacité à donner la vie et à prendre soin d'un enfant. La clé réside dans la capacité à concilier la dimension maternelle avec la dimension féminine, sans se laisser "engloutir" par le rôle de mère.

    Note

    Retrouvez le numéro 5 du magazine L Calédonie, paru en mai 2025, dans de nombreux points de vente, et sur la page Facebook L Calédonie magazine.

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