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  • Jonathan BROWN / AFP | Crée le 27.02.2024 à 09h18 | Mis à jour le 27.02.2024 à 09h18
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    Lioudmyla Polokova, enseignante ukrainienne, pose devant son école, détruite par un missile russe, dans la ville de Kostyantynivka, dans la région de Donetsk. Photo Anatolii STEPANOV / AFP
    Dans le Donbass ukrainien, les deux années de guerre ont épuisé une population qui subit quotidiennement les assauts russes. Malgré la résilience des habitants de la région, les mauvaises nouvelles de ces derniers mois ont contribué à développer un sentiment d’abattement de plus en plus présent.

    Lioudmyla Polokova erre parmi les décombres de son école, frappée en janvier par deux missiles russes. L’enseignante sait qu’il est loin le jour où, peut-être, y résonneront de nouveau des rires d’enfants. Marchant sur le sol jonché de bris de verre et de pages arrachées, elle raconte son épuisement, après deux années à vivre avec les bombes russes qui s’abattent sur sa ville de Kostiantynivka et sur le reste du Donbass ukrainien.

    A 18 kilomètres de là, sur le front, les forces russes sont à l’offensive. Les défenses ukrainiennes tremblent, affaiblies par le manque d’hommes et de munitions. "Nous sommes fatigués d’entendre que nos hommes meurent. Nous sommes fatigués de voir tout ça de nos propres yeux, de ne pas dormir la nuit à cause du bruit, à cause des missiles", confie cette prof de 62 ans depuis la cour d’école, qui surplombe un cimetière et des cheminées d’usines soviétiques.

    Elle veut encore croire en "des jours meilleurs", alors que l’Ukraine a marqué le 24 février le deuxième anniversaire de l’invasion russe. Mais dans toute la région, un sentiment croissant d’abattement est palpable.

    Depuis des mois, les mauvaises nouvelles s’accumulent : l’échec de la contre-offensive estivale de Kiev, le tarissement de l’aide occidentale, les pénuries d’armements, la consolidation de la machine de guerre russe, et désormais aussi la chute d’Avdiïvka, ville forteresse ukrainienne abandonnée aux Russes le 17 février. Et chez les soldats ukrainiens, le sentiment de vaciller au bord d’un abîme grandit.

    De pire en pire

    "Nous manquons d’obus, et les Russes ne cessent d’arriver. Beaucoup de nos camarades sont blessés et pire. C’est de pire en pire…", raconte, sous couvert d’anonymat, un militaire déployé dans la région, non loin de Bakhmout, ville conquise par l’armée russe au printemps dernier à l’issue d’une bataille sanguinaire. "Il n’y a plus d’approvisionnement en munitions, plus d’appuis de l’artillerie, et le commandement ne se soucie plus du moral des troupes", dit un autre.

    Le président Volodymyr Zelensky lui-même a fait état d’une situation "extrêmement difficile", soulignant que les atermoiements américains quant à l’aide à l’Ukraine risquaient d’avoir des conséquences terribles.

    A Kostiantynivka, l’enseignante Lioudmyla Polokova n’arrive pas à imaginer l’implication qu’aurait la fin du soutien des Etats-Unis. "C’est dur d’imaginer ce qui pourrait se passer alors. Je sais juste que nos gars sont dévoués, sacrifient leurs vies, meurent", dit-elle, les yeux gonflés de larmes.

    Des milliers de civils tués

    Dans le Donbass, le bilan des morts et blessés civils grandit lui aussi, les frappes s’intensifiant dans les zones habitées, en même temps que les assauts se multiplient sur le front. Mi-février à Kramatorsk, la grande ville de la région à 25 kilomètres des combats, une femme, sa mère et son fils ont été tués, enterrés sous les gravats de leur maison détruite par un missile russe. En pleine nuit, sous les lumières de projecteurs, des dizaines de secouristes ont tenté en vain de les sauver.

    Aucun bilan exhaustif des morts civils de la guerre n’a jamais pu être établi, car personne ne sait combien de corps se trouvent sous les ruines et dans les fosses communes de l’Est et du Sud occupés de l’Ukraine. Mais ces victimes se comptent probablement en dizaines de milliers. Olga Ioudakova, une psychologue d’un centre de soutien à Kramatorsk, raconte la souffrance mentale de la population, en particulier chez ceux qui ont fui les localités conquises par les Russes, et désormais à Kramatorsk.

    Fondre en larmes

    "L’anxiété chez les enfants est à son comble, il y a une instabilité psychologique énorme", raconte la thérapeute de 61 ans, "et c’est pire encore chez les adultes". "Je n’ai jamais vu autant d’adultes qui juste soudainement fondent en larmes", dit la psychologue qui exerce depuis 40 ans et connaît la guerre depuis dix ans, la Russie ayant déclenché dès 2014 une insurrection séparatiste armée dans l’Est ukrainien.

    La peur gagne d’autant plus de terrain qu’à 25 kilomètres à vol d’oiseau au Sud-Est, la bourgade de Tchassiv Iar est sous la menace directe des forces russes. De là, ces dernières pourraient pilonner Kramatorsk.

    Oleg Kroutchinine, un prêtre orthodoxe de 50 ans, est de ceux qui ont fui la première pour se réfugier dans la seconde. De temps à autre, il retourne encore, malgré le danger, à Tchassiv Iar pour y célébrer une messe en sous-sol pour les soldats et les quelques civils qui refusent de partir. "Beaucoup perdent la foi et l’espoir, d’autres, au contraire, les trouvent", raconte-t-il après le baptême d’un nouveau-né. Selon le prêtre, à l’aube d’une troisième année de guerre, tous les fidèles lui posent la même question : "quand la guerre se finira-t-elle ?". "Et je ne connais pas la réponse", dit-il.

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