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  • Emmanuel PEUCHOT avec Mykola ZAVGORODNIY / AFP | Crée le 16.10.2023 à 14h41 | Mis à jour le 17.10.2023 à 13h47
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    Une à deux fois par semaine, un groupe d’une douzaine d’hommes amputés dans la vie militaire et civile se réunit pour s’entraîner au football, sur un terrain synthétique de la capitale ukrainienne. Photo Romain PILIPEY / AFP
    Ils s’appellent Oleg, Ievguen ou encore Volodymyr. Tous sont invalides. Frappés par la guerre qui sévit en Ukraine depuis plus de 18 mois. Malgré le traumatisme et "parce que la vie ne s’arrête pas là", ils se retrouvent une à deux fois par semaine pour jouer au foot, à Kiev.

    Sur un terrain de foot à Kiev, Ievguen rigole au moment de s’étirer les doigts : il lui manque un bras. A côté, Oleg perd l’équilibre et râle pour faire des pompes : il lui manque un pied. Les deux Ukrainiens sont des soldats amputés après avoir été blessés sur le front de la guerre contre les forces russes.

    Avec une dizaine d’autres invalides, civils et militaires, ils participent une ou deux fois par semaine à un entraînement de football, un sport pratiqué par la majorité d’entre eux avant leur blessure.

    Des prothèses de jambes sont posées au bord du petit terrain en pelouse synthétique, éclairé par des projecteurs à la nuit tombée, dans le centre de la capitale ukrainienne.

    Oleg a 46 ans. Il était officier dans la 46e brigade d’assaut, une unité en pointe dans la contre-offensive de Kiev en cours à Robotyné (sud).

    "Ce n’est pas facile de supporter ça"

    En décembre dernier à Bakhmout (est), dans un combat "au corps-à-corps, un salopard (russe) m’a tiré dessus au lance-grenade à environ sept mètres", raconte-t-il, le visage perlé de sueur, les mains serrées sur ses béquilles, fixées aussi aux avant-bras. "Il a eu peur. S’il avait tenu fermement son arme, il m’aurait touché au milieu de la poitrine et je ne jouerais pas ici maintenant", poursuit après l’échauffement l’homme au crâne chauve, qui ne souhaite pas donner son nom de famille.


    La plupart de ces soldats étaient déjà des joueurs passionnés avant leurs blessures. Photo Romain PILIPEY / AFP

    "J’ai vu beaucoup de gars qui ont perdu leurs membres, comment ils se sont effondrés, ils ne pouvaient pas supporter cette terrible tragédie, et ont commencé à faire de mauvaises choses, comme se droguer", explique-t-il. "Ce n’est pas facile de supporter ça, croyez-moi !".

    "Je me souviens de la première fois : quand la morphine a arrêté de faire effet j’ai soulevé la couverture thermique et j’ai regardé et il n’y avait pas de jambe […] J’ai eu l’impression que ma vie était finie […] Mais je suis là !", lâche dans un grand sourire cet ancien officier de police.

    "Pas obligés de rester à la maison"

    Blessé à deux reprises avant de perdre son pied, il est toujours revenu combattre. Une fois, il a même demandé à un médecin de produire un faux certificat pour rejoindre "ses gars" sur le front, "alors que je pouvais ne plus retourner dans cet enfer". Mais à la suite de l’amputation, "j’ai réalisé que j’avais peur de perdre la vie, d’être encore plus handicapé. Parce que j’ai deux enfants", explique-t-il.

    Lors d’un match à cinq contre cinq, Ievguen Nazarenko est intenable dans sa cage de gardien de but. Boule d’énergie, il a le T-shirt trempé de sueur, et sa manche gauche est vide, ballante.

    Sergent de 31 ans, c’est un pilote de drone de reconnaissance. En mai 2022, dans la région de Kherson (sud), il guidait les tirs d’un mortier. Un obus défectueux a explosé dans le tube, à 10 m de lui. Il a perdu un bras.

    Joueur de foot amateur depuis tout jeune, il s’y est remis récemment.

    Il faut "montrer aux autres gars qui ont été blessés que la vie ne s’arrête pas là et que vous n’êtes pas obligés de rester à la maison", dit-il, essoufflé, lors d’un arrêt de jeu.

    Ievguen a appris à piloter un drone avec un seul bras et veut reprendre du service une fois qu’il aura sa prothèse.

    "Nous réapprenons à jouer"

    La partie reprend, intense : ça crie, ça applaudit, ça rigole. Habile, puissant et vif sur ses deux béquilles, Oleksandre Maltchevsky claque but sur but avec son pied gauche valide. Il a été amputé juste en dessous du genou droit après une blessure lors d’une frappe d’obus près de Kharkiv (nord-est) en mai 2022.

    "J’ai une femme, un fils de 9 ans. Je ne veux pas être dans un fauteuil roulant dans 10 ans et qu’ils s’occupent de moi", explique-t-il à la fin du match.

    "Perdre une jambe n’a aucun effet sur mon psychisme. Personne ne m’a forcé (à combattre). J’ai été volontaire dès les premiers jours, je savais qu’il y avait un risque", assume l’homme de 31 ans. "Nous continuons à vivre et c’est tout", conclut-il.

    "On s’adapte", abonde Volodymyr Samous, 42 ans, blessé par un éclat d’obus à Avdiïvka (est), que les Russes tentent de prendre depuis des mois.

    Blessé à 9 heures, il est arrivé à l’hôpital à 16 heures. "Je suis resté longtemps sous le feu, il n’y avait aucun moyen de sauver ma jambe", se souvient-il.

    Lui aussi a pratiqué longtemps le football. Mais avec une jambe en moins, "c’est une sensation complètement nouvelle. Comme un enfant qui apprend à marcher, nous réapprenons à jouer".

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